Justice climatique : l’Afrique s’unit pour exiger des réformes à la veille de la COP 30

Réunis à Kampala pour la sixième édition des négociations africaines sur le climat (ACT), gouvernements, institutions panafricaines et partenaires du développement ont lancé un appel fort à la justice climatique et à une refonte du système financier mondial. Dans une dynamique d’unité continentale, ils entendent peser de tout leur poids sur les décisions de la COP 30 prévue au Brésil, afin que les réalités et les aspirations africaines ne soient plus marginalisées.

L’Afrique, qui subit de manière disproportionnée les effets du changement climatique sans en être la principale responsable, entend désormais faire valoir ses droits. © GabonReview (Photo d’illustration)
La capitale ougandaise a accueilli, les 7 et 8 avril 2025, la sixième édition des négociations africaines sur le climat (ACT), marquée par une forte mobilisation politique et institutionnelle. Organisée par la Banque africaine de développement (BAD), la Commission de l’Union africaine et la CEA-ONU, en partenariat avec l’UNICEF, le Forum parlementaire ougandais, le Centre mondial pour l’adaptation et l’Alliance panafricaine pour la justice climatique, cette rencontre visait à forger une position commune du continent africain à présenter lors de la 30e Conférence des Nations unies sur le climat (COP 30) à Belém, au Brésil.
« Nous devons repenser et redéfinir l’architecture financière qui soutient l’action climatique, non pas par charité, mais par équité », a martelé Robinah Nabbanja, Première ministre ougandaise, en ouverture des travaux. Pour elle, le développement durable de l’Afrique passe nécessairement par un financement juste de l’action climatique, adossé aux réalités démographiques du continent. « 75 % de la population ougandaise est âgée de 0 à 35 ans. Cela signifie que nous devons créer des millions d’emplois décents tout en protégeant notre environnement. »
Une réponse à un déséquilibre historique
Le ton de la rencontre était celui de la fermeté. L’Afrique, qui subit de manière disproportionnée les effets du changement climatique sans en être la principale responsable, entend désormais faire valoir ses droits. « L’Afrique subit de plein fouet un problème qu’elle n’a pas créé. Il n’y a aucun scénario dans lequel cela puisse être juste ou acceptable », a rappelé Jaqueline Amongin, présidente des Parlementaires africains pour l’action climatique. « Le concept de justice climatique est plus pertinent que jamais. »
Cet appel à la justice s’est doublé d’une volonté de réforme en profondeur du système financier international. Les discussions ont notamment porté sur le rôle crucial des banques multilatérales de développement dans le comblement du déficit de financement climatique en Afrique. Le coordinateur du Fonds climatique pour le développement de l’Afrique, James Kinyangi, a souligné l’importance d’un accompagnement ciblé et ambitieux. « Il s’agit d’une étape cruciale pour garantir que le financement climatique ne soit pas qu’une question de dollars et de centimes, mais qu’il soit également synonyme de justice et d’équité. »
Une mobilisation multisectorielle pour une transition inclusive
Outre les aspects financiers, les débats ont mis en lumière l’urgence d’une adaptation climatique renforcée. La Banque africaine de développement, en partenariat avec le Centre mondial pour l’adaptation (GCA), a présenté les avancées du Programme d’accélération de l’adaptation en Afrique, un mécanisme visant à mobiliser 25 milliards de dollars en cinq ans pour soutenir les pays africains.
Pour Alison Parker, directrice régionale adjointe de l’UNICEF pour l’Afrique orientale et australe, le climat est aussi une affaire de génération. « Les enfants et les jeunes représentent la prochaine génération la plus touchée par le changement climatique. Notre plaidoyer et nos négociations en faveur de la justice sont essentiels », a-t-elle déclaré.
Le monde académique a également pris part à l’élan. Le professeur Barnabas Nawangwe, vice-chancelier de l’université de Makerere, a appelé à un sursaut continental : « L’Afrique doit s’élever, non pas dans une position de mendiante, mais en parlant d’une seule voix. Nous sommes prêts à jouer un rôle de premier plan dans la construction de l’infrastructure humaine nécessaire à une Afrique juste, verte et prospère. »
Une feuille de route continentale vers la COP 30
La rencontre de Kampala s’inscrit dans une dynamique stratégique en vue du Sommet africain sur le climat prévu en septembre prochain en Éthiopie, avant la COP 30. Les conclusions des travaux constitueront la base d’un plaidoyer unifié du continent, avec pour ligne directrice la reconnaissance des spécificités africaines, l’accès équitable au financement climatique, et la promotion d’une transition juste, inclusive et fondée sur les droits.
Dans une conjoncture mondiale marquée par les fractures Nord-Sud et la multiplication des crises climatiques, l’Afrique semble décidée à ne plus rester en marge des décisions qui la concernent directement. À travers cette mobilisation, elle espère inscrire durablement la justice climatique comme pilier incontournable de toute solution viable et équitable à l’échelle planétaire.

0 commentaire
Soyez le premier à commenter.