[Tribune] De l’accordéon de Giscard aux insultes de Nyamsi contre Oligui Nguema : la mise en scène de la politique entre charme médiatique et guerre d’image

Passé par l’ancien Conseil national de la communication (CNC – aujourd’hui Haute autorité de la communication), Dr Emmanuel Thierry Koumba* revient dans cette nouvelle tribune sur les propos peu amènes tenus récemment par le professeur de philosophie et activiste camerounais Franklin Nyamsi au sujet du président de la transition gabonaise. L’universitaire, fervent défenseur de Brice Clotaire Oligui Nguema, interroge l’importance de la médiatisation des figures politiques dans la construction de leur légitimité.
Brice Clotaire Oligui Nguema sur le plateau de Gabon 1ère. © D.R.

Emmanuel Thierry Koumba. © Photo personnelle
Introduction
Comment la médiatisation des figures politiques, tantôt dans des contextes de divertissement (comme en France), tantôt à travers des controverses virulentes (comme en Afrique avec les insultes de Franklin Nyamsi (activiste) contre Oligui Nguéma (président de la transition gabonaise), participe-t-elle à la construction de leur légitimité ou à leur délégitimation auprès de l’opinion publique ?
I. Le politique à l’écran : entre stratégie d’exposition et recherche de proximité
A. L’émergence des émissions de divertissement politique en France : de Vivement dimanche à On n’est pas couché
Depuis les années 1980, le paysage audiovisuel français a vu naître un nouveau genre hybride : les émissions de divertissement politique. Valéry Giscard d’Estaing, en jouant de l’accordéon à la télévision, avait déjà amorcé cette transformation. La politique, autrefois perçue comme solennelle et distante, se métamorphose à l’écran. Des émissions comme Vivement dimanche ou On n’est pas couché ont accueilli ministres et présidents, non pour débattre de projets de loi, de référendum ou de code électoral mais pour parler de leur enfance, de leurs goûts, voire de leur plat préféré.
B. Une volonté de «désacraliser» la figure politique pour séduire un électorat désengagé
Cette mise en scène d’un politique «ordinaire» vise à combler le fossé entre gouvernants et gouvernés. En incarnant une certaine proximité, les leaders politiques espèrent rallier une population souvent désabusée par le discours technocratique. En France, la montée de la défiance citoyenne a rendu cette stratégie nécessaire : être vu autrement, c’est exister autrement.
C. La «peopolisation» comme capital politique : chanter, danser, parler cuisine… pour mieux régner ?
La «peopolisation» de la vie politique est aujourd’hui bien installée. Emmanuel Macron sur TikTok, François Hollande moqué puis valorisé dans les talk-shows : les leaders modernes doivent jouer plusieurs rôles. Si cela peut les rendre plus humains, cela comporte aussi un risque de décrédibilisation, où l’image l’emporte sur les idées. La légitimité se construit alors moins sur un programme que sur une performance médiatique.
II. L’arène virtuelle comme théâtre de la contestation : Nyamsi vs Oligui Nguema
A. Les ressorts de la rhétorique de Franklin Nyamsi : virulence, théâtralité, omniprésence numérique
Franklin Nyamsi, intellectuel franco-camerounais, «perché» sur les bords de la Seine à Rouen, s’est imposé sur les réseaux sociaux comme un pourfendeur virulent de régimes africains. Sa cible actuelle : le président de la Transition gabonaise, Brice Oligui Nguema, qu’il essaie d’opposer au président Paul Biya ; le peuple gabonais et l’armée gabonaise, qu’il veut opposer aux populations et forces de sécurité et de défense du Cameroun comme il l’a fait en Côte- d’Ivoire de triste manière. Son style ? Une rhétorique explosive, des attaques personnelles, une théâtralité assumée et une omniprésence numérique, qui fascine autant qu’elle divise. Sa stratégie est claire : utiliser l’arène numérique comme une scène de combat, où la violence verbale est un levier de visibilité et de pouvoir.
B. La contre-narration panafricaine avec Kémi Séba : soutien conditionnel et avertissement souverainiste
Face à ce flot de critiques, d’autres figures du panafricanisme, comme Kémi Séba, adoptent une posture plus nuancée. S’il soutient le projet de souveraineté porté par Oligui Nguema, il n’hésite pas à le mettre en garde contre les dérives militaristes ou les lenteurs réformatrices. Cette parole, bien que critique, s’inscrit dans une tradition d’avertissement et de responsabilisation plutôt que de démolition. Elle offre une alternative à la logique du clash permanent incarnée par Nyamsi.
C. Le silence stratégique des institutions gabonaises : faiblesse ou prudence calculée ?
Face à cette tempête numérique, les autorités gabonaises observent un silence stratégique. Faute de contre-discours efficace ou de véritables canaux de communication modernes, ce mutisme peut apparaître comme une faiblesse. Mais il peut aussi être une forme de prudence : éviter d’alimenter la polémique, préserver la dignité de la fonction, et laisser le temps agir comme filtre naturel. Reste à savoir si ce choix est compris, ou s’il accentue la perception d’un pouvoir déconnecté comme voudraient le faire croire ces voisins « cachés » en Suisse et en France.
III. Entre communication politique et violence symbolique : quel modèle pour le Gabon ?
A. L’intellectuel, une conscience critique et non une tribune d’injures
Dans un monde saturé de polémiques et d’éclats numériques, la figure de l’intellectuel semble parfois réduite à celle d’un polémiste. Pourtant, certaines voix ont toujours refusé cette tentation de la haine ou de la division pour indiquer que l’intellectuel est une conscience critique et non une tribune d’injures. L’Américain d’origine juive ashkénase, Noam Chomsky, par exemple, très connu pour son refus de la guerre du Vietnam, a passé sa vie à démonter les mécanismes de manipulation de l’opinion sans jamais sombrer dans l’invective ou le mépris. Son analyse des médias, de la guerre, et de l’impérialisme se fait dans une langue sobre, une démarche rigoureuse, presque scientifique, au service d’une éthique de la vérité.
De même, Amartya Sen, Indien et prix Nobel d’économie, a consacré ses travaux à la lutte contre les inégalités et à la défense des libertés fondamentales, sans jamais s’ériger en juge ou en donneur de leçons. Son approche du développement humain repose sur le dialogue, la pluralité des raisonnements, et la justice sociale comme bien commun.
L’éthique du dialogue, fondement d’une pensée responsable
Martha Nussbaum, philosophe et juriste Américaine, insiste depuis des décennies sur le rôle des émotions dans la construction démocratique. Selon elle, la colère destructrice, la vengeance, ou l’humiliation publique nuisent à la justice. C’est en cultivant l’empathie, la raison et la compassion que les sociétés avancent. Son engagement pour les droits des femmes, des minorités ou des migrants s’est toujours fait dans le respect des institutions et des personnes, même lorsqu’elle critique leurs décisions ou leurs silences.
Du côté africain, des voix comme Wole Soyinka, Nigerian et prix Nobel de Littérature ou Ngugi wa Thiong’o du Kénya, ont été des piliers de la résistance intellectuelle face aux dictatures, aux censures et aux postcolonialismes. Mais là encore, ni injures, ni spectacle. Leur parole dérange, certes, mais elle éclaire. Elle construit une mémoire, elle éveille des consciences, elle donne des repères, sans jamais sombrer dans la haine de l’autre.
Face à la brutalisation de la parole : construire plutôt que détruire
À l’heure où des personnalités comme Franklin Nyamsi ou d’autres figures médiatiques comme Nathalie Yamb choisissent l’attaque personnelle, la division des Africains, la confrontation des pays, l’injure ou la mise en scène d’une colère permanente pour exister dans le débat, l’héritage de ces grands penseurs rappelle une vérité essentielle : on peut dénoncer sans diviser, s’opposer sans insulter, résister sans déshumaniser.
L’Afrique, comme le reste du monde, a besoin d’intellectuels qui réparent, qui enseignent, qui élèvent. Pas de commentateurs de haine en quête de buzz. Le respect de la parole est un combat de civilisation que les intellectuels Gabonais ont compris.
B. Faut-il «médiatiser» la politique gabonaise par des formats alternatifs, plus populaires, plus ludiques ?
L’exemple français montre qu’une communication politique plus incarnée, plus ludique, peut rapprocher les citoyens. Le Gabon, qui l’a pratiqué sous les deux régimes Bongo, pourrait s’inspirer de ces formats sans désormais tomber dans la démagogie : podcasts citoyens, plateaux interactifs, capsules vidéos pédagogiques… Autant de leviers pour démystifier le pouvoir sans le désacraliser.
C. Peut-on répondre à la critique par la pédagogie visuelle et la mise en scène d’une proximité sincère ?
Plutôt que de répondre aux critiques par le silence ou la censure, les gouvernants peuvent opter pour une pédagogie visuelle. Et Oligui Nguéma, remonté, en avait parlé publiquement à ses ministres au cours d’une visite à Tchibanga, dans la province de la Nyanga : montrer les avancées, expliquer les décisions, humaniser la fonction politique sans la vulgariser… Cela suppose une stratégie de communication maîtrisée autour du président de la République et dans les cabinets ministériels, mais aussi une volonté de transparence et de dialogue.
D. Vers une nouvelle grammaire de la visibilité politique en Afrique centrale : entre innovations médiatiques et pièges de l’hyper-exposition
À l’heure où l’Afrique centrale entre pleinement dans l’ère du numérique, une nouvelle grammaire de la visibilité politique s’impose. Entre innovations médiatiques à construire et pièges de l’hyper-exposition à éviter, si les dirigeants doivent apprendre à incarner un leadership qui parle au peuple sans sombrer dans le populisme ou la brutalité symbolique des figures comme Noam Chomsky, Amartya Sen, Martha Nussbaum, Wole Soyinka ou encore Ngugi wa Thiong’o doivent inspirer pour qu’un autre modèle d’intellectuel soitt possible : critique, mais respectueux, engagé, mais constructif.
Conclusion
Loin d’être anecdotiques, les scènes médiatiques où s’expriment les figures politiques participent pleinement à la construction de leur image, de leur pouvoir, ou de leur chute. Qu’il s’agisse de jouer de l’accordéon à la télévision française ou de la cithare au bord du como à Nzomoé dans les contours de Libreville, ou encore de répondre aux attaques dans le tumulte numérique, la parole politique est aujourd’hui une mise en scène constante. Le cas d’Oligui Nguema face à Franklin Nyamsi révèle un tournant : la politique africaine est entrée de plain-pied dans la bataille des narrations. Il reste à inventer une manière de gouverner visible, mais digne ; populaire, mais cohérente ; connectée, mais responsable.
* Docteur Emmanuel Thierry Koumba, Enseignant à l’UOB et à EM-Gabon Université

7 Commentaires
Quand un soit-disant universitaire soutien un médiocre. Je n’ai jamais vu quelqu’un qui n’a jamais fait de sport gagner la finale du championnat du monde dans une discipline quelconque. Si Oligui Nguema est visionnaire, il doit s’entourer des cadres compétents et neufs, au lieu de cela il applique les recettes de ses mentors : Bongo père et fils. Je connais le résultat. Le kounabelisme puissance 1000, l’argent coule à flot pour corrompre des populations que l’on a laissé crever de faim, quel cynisme.
De n’importe quoi, rien les affamés corrompus pour défendre les NEPTIES. camerounais a dit la pure vérité, même pere parlait 1o fois mieux que votre oligui.
Franklin Nyamsi n ‘est rien d’autre qu’un produit de la France Afrique qu’il prétend combattre.
-Il a soutenu et continue de soutenir Guillaume Soro ce dernier qui a pris les armes au côté de Ouattara pour tuer les Ivoiriens en 2010 /2011.
-Pourquoi ne parle-t-il pas de son passé.
Il ne critique pas que Oligui. Ses analyses sans fondements vont jusqu’ à comparer le Président Camerounais Paul Biya au Président Ivoirien actuel. Qui peut croire cela ? toute proportion gardée. Pour Franklin Nyamsi c’est une façon de relativiser les crimes du Président actuel de la Côte-d’Ivoire et donc d’absoudre les crimes de son mentor Guillaume Soro.
-Si Franklin Nyamsi était tant soit peu digne il quitterait la France comme Wole Soyinka qui est parti du Royaume Uni ou il avait la possibilité d’enseigner a l’Université ou des édifices portent son nom. Mais il a préféré comme Kouamé Nkrumah en son temps aller se battre dans son pays.
-D’ailleurs il n’est jamais trop tard pour bien faire on a vu Alain Foka quitter RFI et la France pour aller s’installer en Afrique (Togo/RDC). Cela signifie que lui au moins après avoir servi la France Afrique a travers RFI a choisi de la quitter et quitter la France…sans être un des ses adaptes je trouve qu’il a fait preuve de bravoure en laissant des intérêts que RFI aurait pu lui octroyer pour défendre valablement l’Afrique ? Alors que Franklin Nyamsi continue de se battre pour toucher des cacahuètes a l’Education Nationale Française ?
-Il Critique la France et il continue a resider en France qui n’est pas son pays même s’il peut s’en défendre il n’est qu un francais sur papier different d’un francais d’origine.
Quant a ces analyses . Ce sont des affirmations sans fondements exemple il a affirmer sans preuve que l’ancien premier Ministre Malien serait un pion France Africain alors que nous savons tous que ce digne premier ministre qu’on l’aime qu’on l’aime pas est un Panafricaniste pur jus combattu par les France Africains..c’est un exemple parmi tant d’autres
Très belle et pertinente analyse intellectuelle et politique.
Disposant du numéro WhatsApp du Pr. Franklin Nyamsi dont je suis un fan critique, je lui transmettrai ce lien. Pour qu’il en prenne de la graine.
–
Je le ferai aussi pour Nathalie Yamb et Kemi Seba.
–
Félicitations pour cette vue de l’esprit, Dr. Emmanuel Thierry Koumba.
Bonjour à tous,
Quelle crédibilité accorder à un homme qui a été condamné en décembre 2024 pour détournement de fonds publics (50.000 €) et une peine d’inegibilité?
S’il continue son réquisitoire contre la France, il risque une décheance de nationalité, une rupture de son contrat de travail dans l’Education nationale avec l’Etat français (non respect du devoir de réserve) et une OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français).
C’est pourquoi je suis plutôt d’accord avec les analyses de Monsieur le Dr. E.T. Koumba qui se résument en une phrase : « … les scènes médiatiques où
s’expriment les hommes politiques participent pleinement à la création de leur image, de leur pouvoir ou de leur chute ».
Dit-on « un homme averti en vaut deux ». Et « plus le singe grimpe à son arbre, plus la chute sera brutale ». Et s’il pense pouvoir aider l’Afrique, alors qu’il rentre en Afrique et démontre son utilité.
Malgré ces diplômes (le diplôme ne rend pas intelligent; il mesure juste le niveau de votre connaissance sur un sujet précis), c’est une tête plate!
Le gouvernement gabonais ne doit pas répondre officiellement à ses attaques répétées hallucinantes. Il faut qu’il y ait un adulte dans l’histoire. Nous
devons le laisser croupir dans son poison intellectuel.
Cordialement.