Campagne présidentielle : Rendez-vous manqué

Une semaine après le début d’une campagne morne, nombre d’observateurs interrogent l’état de notre démocratie, au point d’évoquer l’hypothèse alarmiste d’un retour à la pensée unique, voire au parti unique.

Comme s’il était candidat unique, Brice-Clotaire Oligui Nguéma est visible partout, quand ses adversaires semblent totalement invisibles. Comme si communication et bourrage de crâne étaient des synonymes, ses équipes en font toujours plus, parfois un peu trop, au risque de saturer. © GabonReview
Pour la première fois depuis la présidentielle de décembre 1993, seules les affiches à la gloire du président-candidat tapissent les murs à travers le pays. Traduction concrète du caractère atypique de cette campagne, cette situation révèle aussi son manque d’originalité. En 2009 et 2016, André Mba Obame puis Jean Ping rivalisaient peu ou prou avec Ali Bongo. Cette fois-ci, on a l’impression d’être engagé dans une élection sans suspens. Comme s’il était candidat unique, Brice-Clotaire Oligui Nguéma est visible partout, quand ses adversaires semblent totalement invisibles. Comme si communication et bourrage de crâne étaient des synonymes, ses équipes en font toujours plus, parfois un peu trop, au risque de saturer. À quelques jours du premier tour et plus d’une semaine après le début d’une campagne morne, nombre d’observateurs interrogent l’état de notre démocratie, au point d’évoquer l’hypothèse alarmiste d’un retour à la pensée unique voire au parti unique.
Campagne dispendieuse, mais réduite à des luttes de positionnement
En pré-campagne depuis plus d’une année, le président-candidat mène une campagne à l’américaine, face à sept rivaux manifestement sans le sou. Les goodies distribués par son équipe ? Outre les tee-shirts, casquettes et chemises, on parle d’écrans plasma et même de congélateurs. Cette débauche d’argent facilite et légitime le parallèle avec les pratiques du régime déchu. «C’est une grosse déception. On assiste à un remake total de la campagne d’Ali Bongo (…) Les scènes sont les mêmes, les scénarios sont les mêmes, les visuels sont les mêmes. Les mêmes postures, les mêmes slogans», a récemment affirmé Lysiane Neyer Kenga, professionnelle de la communication, sur Urban FM, ajoutant : «On est en train de travestir la personnalité de M. Oligui Nguéma». Même si elle peut être contestée, cette analyse en dit long sur la tonalité de cette campagne dispendieuse, mais réduite à des luttes de positionnement, à des arguments caricaturaux et à des attaques ad hominem.
Pourtant, auréolé de son statut de favori, Brice-Clotaire Oligui Nguema n’avait nullement besoin de tout cela. Fort du soutien de l’ancienne opposition et de la société civile, il aurait pu s’inscrire dans la rupture avec les pratiques du passé. Ayant passé sa carrière sous les drapeaux, il aurait pu mener une campagne sobre, sans strass ni paillettes. S’étant toujours posé en homme d’action proche du peuple, il aurait pu aller vers les électeurs. Au lieu de les inviter à venir à lui pour assister à de grands shows, il aurait pu organiser des visites de lieux très fréquentés. Comme le soutient encore Lysiane Neyer Kenga, «on ne doit pas travestir la personnalité des candidats. On doit faire ressortir ce qu’il y a de positif en eux et ne pas vendre des gens qui n’existent pas». Où l’on en vient à se demander d’où est venue l’idée d’inverser l’ordre des prénoms du président-candidat, au risque de laisser l’impression de manipuler son état-civil. Fallait-il absolument une abréviation ou une anagramme de son nom en guise de slogan ? On peut en douter.
Les mêmes méthodes
Dans un pays encore enjoué par la chute de la dynastie Bongo, cette campagne présidentielle paraît décalée, à contretemps. Si l’année scolaire a été réaménagée pour les besoins de la cause, les pluies régulières ne facilitent ni la tenue des rencontres ni les déplacements des candidats, à l’exception notable de Brice-Oligui Nguema, souvent accusé d’user des moyens de l’Etat. On croit entendre les critiques dirigées naguère contre Ali Bongo. Et comme si cela ne suffisait pas, les animateurs de l’émission «Un candidat, un projet» ont rajouté du leur, se montant impertinents voire agressifs avec certains candidats et obséquieux avec d’autres. «Être journaliste ce n’est pas faire les louanges d’un président de la République ou d’un système. Un journaliste doit être neutre, du côté de la vérité et de la droiture», a-t-on, par exemple, pu lire au lendemain du passage d’Alain-Claude Billie-By-Nze. Une remarque entendue sous Omar Bongo Ondimba et dans des circonstances similaires.
Sur les réseaux sociaux, de nombreux citoyens n’ont pas de mots assez durs pour dépeindre la campagne en cours, établissant systématiquement la comparaison avec celles d’une ère pourtant officiellement révolue. «Les mêmes méthodes du PDG qui (…) font chanter la gloire d’un homme», «les mêmes méthodes : on sort l’argent public et on ne fait pas le boulot», a-t-on encore pu lire. Pourtant, dans un éditorial paru avant le lancement de la campagne, nous alertions sur la «même dérive», pointant les menaces sur notre démocratie. En pure perte. Le vin étant tiré, il faut le boire. Une impression d’opportunité gâchée, de rendez-vous manqué.

1 Commentaire
Bjr. Le scénario était prévisible pour trois raisons principales:
1- Les militaires aujourd’hui ne regarde pas dans le rétroviseur car pour eux ils exercent le pouvoir. Du coup, milliardaires nouveau il s’agace de considérer la morale alors que d’autres ont fait 56 ans sans discontinuer dans la démagogie, l’enrichissement et l’arrogance. Comme pour dire « c’est notre tour ».
2-le saut qualitatif espéré pour aller dans le sens d’une « démocratisation » de la campagne, Exemples :
-L’impartialité des juges constitutionnels face a à la validation des candidatures;
-Un égal accès au franc électoral;
-Une impartialité des journalistes face à chaque candidat;
Peut être encore considérer comme une vue de l’esprit. Morceau au choix : » C’est une grosse déception. On assiste à un remake total de la campagne d’Ali Bongo (…) Les scènes sont les mêmes, les scénarios sont les mêmes, les visuels sont les mêmes. Les mêmes postures, les mêmes slogans».
Et plus loin : « Les mêmes méthodes du PDG qui (…) font chanter la gloire d’un homme», «les mêmes méthodes : on sort l’argent public et on ne fait pas le boulot».
3- Pour répondre au paragraphe 2. Autre fait autre lieu, la caricature de lybek dans l’union du mercredi 9 avril 2025 à fait ressortir de façon anthropologique la famille comme point d’ancrage fusionnel, malheureusement plus loin il fera ressortir le caractère indépendant de chaque candidat à cette campagne. Comme pour dire que la division s’est exacerbée et dangereusement inévitable.
ATTENTION.!!! Amen.