Grève suspendue, colère maintenue : les magistrats « plient sans rompre »

Réunis en assemblée générale extraordinaire ce mardi 25 mars 2025, les membres du Syndicat national des magistrats du Gabon (Synamag) ont annoncé la suspension de leur mouvement de grève. Une décision motivée, selon leur président Landry Abaga Essono, par un « esprit de grandeur » et un souci de soulager le peuple gabonais, victime collatérale de ce bras de fer avec les autorités. Mais derrière ce geste d’apaisement, les magistrats préviennent : leur détermination à obtenir des réformes judiciaires profondes reste intacte.

Les membres du Synamag lors de l’assemblée générale extraordinaire du 25 mars 2025 © D.R.
Après deux mois de paralysie du système judiciaire, le Synamag a choisi de lever son mouvement de grève, bien que ses revendications n’aient toujours pas été satisfaites. « Nous avons fait preuve d’une grandeur d’esprit et d’un très haut niveau de sagesse », a souligné Landry Abaga Essono, rappelant que cette posture ne doit pas être interprétée comme un renoncement. « Cette résilience est l’expression la plus achevée du caractère majestueux de notre fonction. Elle ne doit pas être assimilée à de la faiblesse, mais à une force extraordinaire à laquelle il est très difficile de résister».
Le syndicat affirme avoir entendu la détresse des justiciables et souhaite leur offrir un répit, malgré l’indifférence des autorités face aux revendications du corps judiciaire. « Soulager vos peines et vos détresses ne serait-ce que pour un moment est l’une des raisons de cette décision. C’est le moins que nous puissions faire au regard des douleurs infligées », a déclaré le président du Synamag, assumant la responsabilité des désagréments causés aux citoyens.
Un avertissement au politique
Si le mouvement de grève est suspendu, les magistrats refusent de détourner le regard des dysfonctionnements persistants de la justice gabonaise. À quelques mois d’échéances électorales majeures, le Synamag interpelle directement les futurs dirigeants. « La justice d’un pays est ce que le politique veut qu’elle soit. Si le politique veut qu’elle soit une justice de qualité, digne et indépendante, elle le sera. Si le politique veut qu’elle soit ce qu’elle est actuellement, elle le demeurera».
Les magistrats invitent donc les électeurs à interroger chaque prétendant au pouvoir sur sa vision de la justice. Un message qui résonne comme un appel à la responsabilité des citoyens face à l’avenir du pays.
Des réformes ou une justice en ruine ?
Dans un message adressé au président de la transition, Landry Abaga Essono rappelle que l’amélioration du quotidien des Gabonais ne peut se faire sans une réforme en profondeur du système judiciaire. Il critique sévèrement les décisions récentes du Conseil Supérieur de la Magistrature, qualifiant certaines nominations de « scandaleuses » et dénonçant l’affectation de magistrats dans des juridictions fictives.
«Lorsqu’on veut faire briller sa maison, on ne nettoie pas seulement une pièce en laissant les autres», a-t-il illustré, avant d’ajouter : «Une seule dent infectée fait sentir toute la bouche. Cette dent, soit on la soigne, soit on l’extrait. Autrement dit, comme la justice ne peut être extraite, elle ne peut être que soignée».
Le Synamag exige ainsi la mise en place de politiques publiques structurantes pour garantir une justice de qualité, passant par l’amélioration des conditions de travail des magistrats et une valorisation de leur rôle dans la société.
Pour les hommes et femmes en toge noire, La suspension de la grève ne signifie pas une réconciliation avec le gouvernement de transition. Le message est clair : la justice a peut-être temporairement repris son cours, mais le combat pour sa refonte est loin d’être terminé.

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