En analysant le coup d’État gabonais d’août 2023 ayant renversé Ali Bongo Ondimba, Peter Stephen Assaghle* décrypte dans cette tribune un putsch d’un genre nouveau. Contrairement aux récents soulèvements militaires au Sahel marqués par un rejet de l’influence occidentale, la transition gabonaise dirigée par le Général Oligui Nguema semble bénéficier d’une relative bienveillance des puissances occidentales, particulièrement de la France. Le Docteur en sciences juridiques s’interroge : cette «exception gabonaise» ne serait-elle pas le prototype d’un coup d’État acceptable aux yeux de l’Occident, orchestré pour maintenir ses intérêts stratégiques dans la région, à contre-courant du mouvement d’autodétermination qui traverse le continent africain ?

Gabon, le bon nègre de la France ? © GabonReview-Graphium Lab

 

Peter Stephen Assaghle, Docteur en sciences juridiques, ancien avocat au Barreau de Valence (France). © D.R.

Le coup d’État survenu au Gabon en août 2023, qui a renversé Ali Bongo Ondimba, peut être vu sous plusieurs angles, notamment celui d’un nouveau type de putsch qui, contrairement aux précédents en Afrique francophone, semble avoir bénéficié d’une relative bienveillance de l’Occident.

D’abord, ce coup d’État est venu quelque peu marquer une rupture avec la vague anti-française. Gabon, le bon nègre de la France ?

Contrairement aux coups d’État au Mali, au Burkina Faso et au Niger, qui ont été marqués par une rhétorique ouvertement hostile à la France et à l’Occident, réclamant la souveraineté de ces pays et rejetant tout discours paternaliste et infériorisant, celui du Gabon s’est déroulé sans aucune contestation des puissances occidentales. Plusieurs raisons expliquent cette différence :

– L’absence d’un discours souverainiste ou panafricaniste fort : le général Brice Oligui Nguema, chef de la transition, n’a pas exprimé une volonté de rupture avec les partenaires occidentaux. Au contraire, il a insisté sur la nécessité d’une continuité dans la coopération internationale. D’ailleurs, sa rencontre avec son homologue français à l’issue immédiate du Dialogue Nation vendu comme inclusif, a démontré sa volonté d’avoir bonne presse aux yeux de l’ancienne puissance coloniale.  Le bon vieux sujet qui ne veut pas désobéir à son maître ?

– L’absence de remise en cause directe des intérêts occidentaux : Contrairement au Niger, où le régime militaire a dénoncé les accords militaires avec la France et menacé l’approvisionnement en uranium, le Gabon n’a pas touché aux intérêts stratégiques occidentaux.

Ensuite, la transition menée par le CTRI ne dérange absolument pas l’Occident et pour cause. Le cas Gabon est en tous points le prototype du coup d’État « acceptable » par les Grandes puissances notamment par la France qui a adoubé un homme « acceptable » pour la sauvegarde de ses intérêts, même s’il n’a pas la carrure de l’« homme présidentiel ».

Le général Oligui Nguema est un homme du sérail, ayant des liens de parenté avec la famille Bongo qu’il a fidèlement servi du père au petit-fils. Il a été minutieusement formé dans le système Bongo-PDG qui reste grandement influencé par la France. D’aucun diraient même qu’il en est actuellement l’un des fruits les plus mûrs et lui-même se réclame d’ailleurs disciple fidèle d’Omar Bongo qui a engendré ledit système et l’a enraciné durant ses 42 années de règne. Et le fait qu’il ait nommé nombre d’anciens barons du système Bongo-PDG à des postes ministériels, à des instituions stratégiques et à de hautes fonctions administratives malgré la volonté de rupture exprimée par les populations, confirme quelque peu cet état des choses

En tout état de cause, contrairement aux putschistes du Sahel, Oligui Nguema ne remet pas en cause la présence occidentale ni les accords économiques existants. Et si la prise du pouvoir par le Général « sans guerre » avait été pensée pour ne pas que le pouvoir échappât au système Bongo-PDG, protecteur fidèle des intérêts français ?

Enfin, l’Occident semble avoir adopté une approche plus souple dans ce cas précis. Plutôt que de condamner fermement cet acte de haute trahison subi par la nation Gabonaise, les puissances occidentales ont laissé faire, probablement pour ne pas risquer de voir émerger un pouvoir qui lui aurait été hostile. Cela pourrait indiquer une nouvelle stratégie :

– Tolérer les coups d’État si ceux-ci ne menacent pas directement les intérêts occidentaux.

– Accompagner une transition pour éviter un basculement vers des influences rivales, comme la Russie ou la Chine.

– Maintenir des relations avec les nouveaux dirigeants tout en poussant à une « normalisation démocratique » pour justifier cette approche auprès de l’opinion publique, quitte à ce que cette normalisation démocratique soit montée de toute pièce.

Définitivement, si le Gabon est devenu le laboratoire d’une nouvelle forme de coup d’État en AFRIQUE qui plaît à l’Occident, il faut dire que les autorités dirigeantes gabonaise qui ont permis que cela se produise ont expressément fait le choix de marcher à contre sens du vent de l’autonomisation et l’autodétermination qui souffle sur les pays africains… et elles auront assurément des comptes à rendre avec l’Histoire, tôt ou tard.

Dr Peter Stephen ASSAGHLE, Docteur en sciences juridiques. Après avoir exercé en tant qu’Avocat au Barreau de Valence en France, il a entrepris de rentrer au Gabon en novembre 2024 pour se mettre au service de son pays.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. evariste dit :

    Rien ne tient dans votre argumentation puisque la base même de la présence militaire Française au Gabon est différente de celle du sahel….

    Présence de coopération, différente d’une présence d’intervention…

    Allez passer votre acrimonie ailleurs et laissez nous avancer.

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