La nuit du 13 février 2025 restera gravée dans les annales de la transition gabonaise comme celle où les vieux démons de l’intolérance politique ont resurgi avec force. À Mitzic, dans le Woleu-Ntem, l’ancien Premier ministre Alain-Claude Bilie-By-Nze et sa délégation ont vécu des heures de tension, pris en otage dans leur hôtel par des groupes d’hommes hostiles proférant des menaces de mort. L’incident met à nu les contradictions d’une transition militaire qui, tout en promettant une démocratisation, voit ou laisse se reproduire sous son autorité les mêmes pratiques d’intimidation qu’elle prétendait combattre.

Scène du 12 février 2025 au soir à Mitzic. © GabonReview (capture d’écran)

 

Dans la nuit du 13 février 2025, la ville de Mitzic, située dans la province du Woleu-Ntem au Gabon, a été le théâtre d’un incident politique qui interroge sur l’état de la démocratie dans le pays. Le cri d’alarme lancé sur Facebook par Éric Joël Békalé, membre d’Ensemble pour le Gabon, est révélateur de la gravité de la situation : «Nous sommes actuellement pris en otage dans un hôtel de Mitzic… une quarantaine d’individus nous menacent de mort… dans quel pays vivons-nous désormais ?» L’ancien Premier ministre Alain-Claude Bilie-By-Nze et sa délégation, en tournée nationale avec la plateforme Ensemble pour le Gabon, se sont ainsi retrouvés assiégés dans leur hôtel par une foule hostile, dans un contexte de tensions politiques croissantes.

Une intimidation orchestrée qui rappelle les pratiques du passé

L’incident de Mitzic indique une inquiétante continuité avec les méthodes d’intimidation politique que la transition militaire avait pourtant promis d’éradiquer. Le scénario semblait minutieusement orchestré : des jeunes «visiblement politisés» organisent un blocus de l’hôtel, accompagné de menaces de mort explicites et d’une cacophonie nocturne destinée à terroriser les occupants. La déclaration filmée d’un certain William, se présentant comme natif de Mitzic, illustre parfaitement cette dérive ethnocentrique et antidémocratique. Ses propos sont sans équivoque : «Je défends les intérêts de Mitzic, de mon département […] s’il s’entête, nous allons prendre les mesures draconiennes qu’il faut. On va l’empêcher de parler ici.» Plus inquiétant encore, son discours révèle une dangereuse conception territoriale du pouvoir politique : «Le Woleu-Ntem c’est chez nous, pas chez toi […] s’il veut parler, il n’a qu’à aller parler chez lui. Il n’a pas le droit de parler ici. Ici, c’est pour le président Oligui.» Ces propos, couplés aux menaces physiques proférées par certains manifestants – «Si Bilie-By-Nze traverse là, je lui mets les plombs» -, trahissent une rhétorique territoriale dangereuse niant le droit fondamental de libre circulation et d’expression politique sur le territoire national.

Le paradoxe d’une transition qui reproduit les travers qu’elle dénonce

Groupe de manifestants dont leur leader, devant l’hôtel occupé par Ensemble pour le Gabon, dans la nuit du 13 février 2025. © GabonReview (capture d’écran)

L’événement de Mitzic s’inscrit dans un contexte plus large de restrictions des libertés politiques, comme en témoigne le refus administratif opposé par le délégué spécial d’Oyem à la tenue d’une réunion publique, demandée par Alain-Claude Bilie-By-Nze. Cette situation porte au grand jour le paradoxe d’une transition qui, tout en promettant une démocratisation, semble perpétuer les pratiques autoritaires qu’elle prétendait combattre. La réaction des autorités face à ces actes d’intimidation sera révélatrice de leur véritable engagement envers les principes démocratiques.

L’incident de Mitzic, et plus largement du Woleu-Ntem, démontre de façon flagrante la fragile ligne de démarcation entre l’expression politique légitime et l’instrumentalisation de tensions locales à des fins politiques. Le discours de William l’activiste de Mitzic, bien qu’il se défende de parler «sous le contrôle des hommes politiques», reprend une rhétorique qui rappelle dangereusement les divisions territoriales et ethniques ayant longtemps miné la construction démocratique au Gabon.

Dans un contexte de pré-campagne électorale, ces événements constituent un test déterminant pour la crédibilité du processus de transition. La capacité des autorités à garantir la liberté de circulation et d’expression politique, particulièrement pour les opposants, sera déterminante pour l’avenir démocratique du pays. L’incident de Mitzic pourrait ainsi devenir soit le symbole d’une régression vers les pratiques autoritaires du passé, soit l’opportunité d’une réaffirmation concrète des principes démocratiques par les autorités de transition.

 
GR
 

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