Au Gabon, les populations, de même que les opérateurs économiques, font face à une crise énergétique sans précédent. Lors du Forum ‘Tout Dire’, le 1er février dernier, l’ancien Premier ministre, Alain-Claude Bilie-By-Nze, est revenu sur cette situation. Dans l’échange avec les populations, il a relevé un certain nombre de manquements, indexant l’absence d’investissements dans les lignes de transport, dans la production et dans la distribution de l’énergie. Il invoque également des fautes de gestion, l’absence d’analyse des dossiers au fond, ainsi que le trop plein du personnel d’accompagnement à la SEEG, au détriment du personnel technique sur le terrain. 

L’ancien Premier ministre, Alain-Claude Bilie-By-Nze, le 1er février 2025 à Libreville. © GabonReview

 

Ces derniers jours, au Gabon, sont de plus en plus pénibles, autant pour les populations que pour les opérateurs économiques. Il ne se passe en effet de jour sans qu’on assiste à des délestages intempestifs, ne respectant pas le chronogramme des coupures préalablement établi et diffusé. Questionné sur la situation, le 1er février dernier, lors du Forum ‘Tout Dire’, celui qui a été ministre de l’Énergie et des Ressources, puis Premier ministre dans le régime déchu, a analysé la situation. Alain-Claude Bilie-By-Nze indique que plusieurs facteurs sont à l’origine de la situation et de la crise actuelle.

«Il faut investir. Tant que ce n’est pas fait, on aura des coupures et ça ira de mal en pire»

Une des rares entreprises créées depuis le début de l’indépendance, la Société d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG) traverse une véritable zone de turbulences. Entre l’instabilité des dirigeants du top management, les délestages et l’absence d’eau dans la plupart des foyers, le peuple trinque. Invité d’une programmation menée par l’agence de communication ‘Dire’, baptisée «Face aux Gabonais, tout se dire en public», l’ancien chef du gouvernement a relever quelques problèmes impactant considérablement le fonctionnement de cette société de service public. «La SEEG est l’une des rares entreprises créées depuis le début de l’indépendance, qui existe encore aujourd’hui et qui a une vraie expertise. Mais, il y a un problème de gestion. Ça veut dire que depuis des années déjà, le personnel d’accompagnement est de plus en plus important par rapport au personnel technique sur le terrain. Il faut donc rééquilibrer tout cela pour se donner quelques petites marges de manœuvre», a-t-il fait remarquer.

Pour lui, l’entreprise nécessite désormais des investissements à Libreville, Port-Gentil et dans les autres villes du pays. «Il faut investir dans les lignes de transport, dans la production et dans la distribution. Tant que ce n’est pas fait, hélas ! on aura des coupures et ça ira de mal en pire», a-t-il déclaré. Il prend exemple sur le cas du barrage de Grand Poubara, d’une puissance installée de 160 MW à Franceville, donc la production ne peut être acheminée vers Libreville faute de lignes de transport.

Des fautes de gestion

L’ex-chef du gouvernement invoque par ailleurs des fautes de gestion qui plombent davantage le fonctionnement et le rendement de la SEEG. «Il y a des fautes de gestion. Ça fait déjà combien de directeurs généraux qu’on change à la SEEG ?» a-t-il questionné, ajoutant qu’«on est passé d’Administrateur provisoire à Administrateur provisoire, etc. et ça ne marche pas parce qu’on ne va au fond des dossiers».

Une pique orientée vers les dirigeants actuels du pays. «On pense toujours qu’une fois qu’on a changé une personne, on a réglé le problème. Mais, si vous n’analysez pas le fond du dossier, vous avez beau changer les gens en haut, le problème reste le même», a-t-il précisé.

S’il reconnait que les problèmes de la SEEG ne datent d’aujourd’hui, celui qui a été au portefeuille de l’Énergie et des Ressources hydrauliques relève qu’il n’y avait pas autant de coupures. «Lorsque j’étais ministre de l’Energie, il y avait des coupures de temps en temps, mais il n’y avait pas un programme de délestage comme aujourd’hui», a-t-il indiqué, expliquant que la population s’agrandit, les besoins croissent, l’industrie se développe, mais la production est restée la même.

«Il n’y a plus de maintenance et on a aujourd’hui deux groupes sur quatre à Owendo qui ne fonctionnent pas»

En conséquence, fait-il observer, il se passe simplement que l’offre est inférieure à la demande. Évoquant des choix stratégiques, il souligne qu’une centrale électrique a été construite par l’État, sous le président Ali Bongo, à Owendo, à Alénakiri, et opéré par la Société de patrimoine. A ce propos, il explique : «Pour cette centrale d’Alénakiri et l’autre du Cap Lopez, on avait des Israéliens d’une entreprise appelée Téléménia qui en assurait l’exploitation et la maintenance. Cela avait un coût. Un bon matin, il y a des gens qui ont décidé de se séparer de Téléménia».

Il ajoute : «c’est vrai que les Gabonais sont en capacité, techniquement, d’exploiter. Mais lorsque vous confiez à une entreprise de type Téléménia, elle a un carnet de commande qui est plus important avec ses fournisseurs». Ceci, d’autant plus que Télémenia opérait des centrales au Gabon, au Mali et dans d’autres pays. Or, pour un seul fournisseur, il lui faut payer à l’immédiat. Et Alain-Claude Bilie-By-Nze ajoute également qu’«on a recruté plein de gens à la Société de patrimoine. La conséquence aujourd’hui, il n’y a plus de maintenance et on a aujourd’hui deux groupes sur quatre à Owendo qui ne fonctionnent pas. D’où ces problèmes».

Par ailleurs, a-t-il indiqué, l’État doit de l’argent à la SEEG. «Cela ne date pas d’aujourd’hui. Ça fait très longtemps. Presque 100 milliards qui sont dus par l’État à la SEEG», a reconnu l’ancien patron de l’administration gabonaise, signalant «les mauvais choix qui sont faits», et faisant savoir que le scandale aujourd’hui autour de Karpowership n’aurait pas eu lieu. «J’ai refusé de signer ce contrat qu’on m’avait proposé à l’époque. Et c’était encore entre 4 et 5 milliards. C’est passé à 12 milliards», a-t-il regretté, invitant à investir dans la production. «On n’a pas d’autres choix. Tant qu’on ne va pas investir dans la production […] nous aurons des problèmes de fourniture d’électricité», a-t-il dit.

 
GR
 

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