Pour la première fois, les trois grandes conférences environnementales de l’ONU – sur le climat, la biodiversité et la désertification – se tiennent la même année. Un alignement inédit qui reflète l’urgence d’une action globale face à des crises interdépendantes. Adrien NKoghe-Mba* explore dans cette chronique décrypte cette convergence exceptionnelle, ses implications pour notre planète, et les espoirs qu’elle suscite pour une gouvernance écologique intégrée.

Tournant historique : en 2024, pour la première fois, les trois COP s’alignent comme les aiguilles d’une horloge universelle, révélant l’urgence d’agir face au défi environnemental commun. © GabonReview

 

Imaginez trois horloges qui rythment les battements du cœur de notre planète. L’une s’appelle Climat, la deuxième Biodiversité, et la troisième Désertification. Chacune marque un moment clé où les nations du monde se réunissent pour réfléchir et agir face à des défis écologiques majeurs. Mais voilà qu’en 2024, ces trois horloges se synchronisent pour sonner en même temps. La COP16 sur la biodiversité à Cali, la COP29 sur le climat à Bakou, et la COP16 sur la désertification à Riyad se déroulent toutes dans la même année, un alignement rarissime. Pourquoi cette convergence, et qu’en est-il des enjeux qu’elle met en lumière ? Revenons aux origines pour comprendre.

Ces conférences, appelées Conférences des Parties ou COP, trouvent leur source dans un moment fondateur : le Sommet de la Terre de Rio en 1992. C’est là qu’ont été signées trois grandes conventions des Nations Unies, les piliers de notre gouvernance environnementale mondiale. La première, axée sur le climat, a donné naissance à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), qui organise une conférence annuelle depuis 1995. La deuxième, dédiée à la biodiversité, a vu naître la Convention sur la diversité biologique (CDB), qui réunit ses membres tous les deux ans. La troisième, consacrée à la lutte contre la désertification, a institué la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD), également rythmée par des conférences bisannuelles.

Normalement, ces cycles ne se croisent pas. Alors pourquoi 2024 ? La réponse tient à une conjonction de facteurs. D’abord, il y a eu les perturbations causées par la pandémie de COVID-19, qui ont bouleversé les calendriers traditionnels. Certaines conférences ont été reportées ou réorganisées, créant un effet domino qui a décalé les échéances. Ensuite, il y a une volonté politique croissante de synchroniser ces grands rendez-vous. Les liens entre climat, biodiversité et désertification sont désormais impossibles à ignorer : le dérèglement climatique aggrave l’érosion de la biodiversité, tandis que la dégradation des sols amplifie les impacts du changement climatique. En 2024, ces trois COP se répondent comme les actes d’un même drame planétaire.

En octobre, la COP16 sur la biodiversité s’est tenue à Cali, en Colombie. Ce rendez-vous avait pour mission d’accélérer la mise en œuvre du Cadre mondial pour la biodiversité, adopté en 2022. Parmi ses objectifs figure la protection de 30 % des terres et des mers d’ici 2030. Pourtant, des tensions persistantes ont émergé autour des droits des peuples autochtones, dont le rôle dans la préservation des écosystèmes est crucial, et sur le financement des mesures de conservation.
En novembre, la COP29 sur le climat a réuni les dirigeants mondiaux à Bakou, en Azerbaïdjan. Ce fut un sommet crucial pour négocier le financement climatique, avec une promesse des pays développés de mobiliser 300 milliards de dollars par an d’ici 2035 pour soutenir les pays en développement. Mais ce chiffre reste bien en-deçà des besoins exprimés, notamment par les pays les plus vulnérables qui subissent déjà des pertes et des dommages irréparables liés aux catastrophes climatiques.
Enfin, en décembre, la COP16 sur la désertification a eu lieu à Riyad, en Arabie saoudite. Ce sommet a attiré l’attention sur la dégradation des terres et ses impacts sur la sécurité alimentaire, les migrations et les tempêtes de sable, qui affectent de plus en plus de régions. Les discussions ont porté sur la restauration des terres dégradées et la résilience des communautés face à la sécheresse, mais les financements nécessaires demeurent incertains.

Ce triple alignement des COP en 2024 est bien plus qu’un hasard du calendrier. Il incarne une vérité fondamentale : les crises environnementales ne sont pas isolées les unes des autres. Le climat façonne la biodiversité. La biodiversité régule les sols. Et les sols fertiles sont essentiels pour absorber le carbone et stabiliser notre climat. C’est un cercle vertueux — ou vicieux, selon notre capacité à agir.

La convergence de ces conférences cette année nous offre une occasion inédite d’aborder ces enjeux de manière systémique. Mais elle pose aussi une question : est-ce que les dirigeants mondiaux saisiront cette chance ? 2024 pourrait devenir une année décisive, où des engagements ambitieux poseraient enfin les bases d’une gouvernance écologique intégrée. Ou bien elle restera dans l’histoire comme une occasion manquée.

Alors que le temps presse, ce triple alignement nous rappelle que nous ne pouvons plus traiter ces défis comme des problèmes séparés. L’avenir de notre planète exige une approche globale, unie, et surtout, urgente. L’horloge tourne.

*Directeur général de l’Institut Léon Mba et président de l’association Les Amis de Wawa pour la préservation des forêts du bassin du Congo.

 
GR
 

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