Grève aux Travaux publics : «La pagaille» de trois syndicats
Moins de 72 heures après la remise d’un important lot de matériel technique au ministère des Travaux publics (TP) par le président de la Transition, ce département, en pleine relance, se retrouve confronté à des forces d’inertie. C’est du moins ce que pensent certains cadres et syndicalistes. Plutôt que de saluer l’arrivée de ces nouveaux équipements, trois syndicats sur sept ont déclenché, le 26 novembre dernier, une grève d’avertissement. Ce mouvement revendique la réhabilitation et la pérennité de la prime de rendement, suspendue depuis 2015. En conséquence, cette mobilisation a donné lieu à des abus et des « actions illégales », notamment la fermeture du portail du ministère.
Au lendemain de la remise du gigantesque lot de matériel technique au ministère des Travaux publics (TP), l’on s’attendait à ce que le préavis de grève déposé, le 7 novembre dernier, par le regroupement des syndicats de ce département ne donne plus lieu à des chahuts. Que non ! Alors que le point essentiel de leurs revendications reposait sur la nécessité de doter les divisions et les subdivisions des TP en matériel, le commun des Gabonais a été surpris de constater une grève d’avertissement de 3 jours dans ce ministère. Le portail a été littéralement barricadé alors que bon nombre d’agents s’en offusquaient, indiquant ne pas être membres des syndicats, à la manœuvre. Ce, d’autant plus que seuls trois des sept associations syndicales ayant cours dans ce ministère ont mené ce mouvement, perturbant les activités. «Des hors-la-loi», ont dénoncé ces employés non-grévistes.
Débrayage juste après la réception du matériel
Que se passe-t-il au ministère des Travaux publics ? A qui profite ce mouvement ? N’y a-t-il pas des mains noires derrière cette situation ? C’est à ces questions que les habitués du centre-ville de Libreville ont tenté de répondre pendant les deux jours qu’a duré la grève d’avertissement. Un débrayage très mal apprécié, d’abord par les agents du ministère, notamment les techniciens devant utiliser le matériel acquis, mais aussi par les autres syndicats qui ne cernent pas l’opportunité de ce débrayage juste après la réception du matériel.
«Les trois syndicats, qui ne sont pas forcément représentatifs de l’ensemble des agents de ce ministère, réclament la pérennisation de la prime de rendement. Or, elle a été supprimée en 2015 et n’était pas un point indispensable des revendications», a expliqué le Secrétaire général de l’Organisation nationale des personnels du secteur de l’Équipement (ONPESE), Jean Bosco Boungoumou Boulanga. Il laisse entendre que «cette prime ne repose en effet sur aucun texte juridique» et la démarche empruntée par les syndicalistes n’a pas été conforme à la loi.
Le Secrétaire général brandit la loi n°18/92 du 18 mai 1993 fixant les conditions de constitution et le fonctionnement des organisations syndicales des agents de l’État pour justifier et étayer sa posture. Ce texte stipule, en son article 22, que «lorsqu’une grève est déclenchée, un service minimum doit être mis en place par le ou les syndicats des agents de l’État concernés».
«Le dialogue social au sein du ministère n’a jamais été interrompu»
Aux articles 23 et 24, il ajoute que «toute grève, déclenchée en violation des dispositions de la présente loi, est illégale» et que «les agents en grève doivent respecter le principe de la liberté du travail. Ils ne doivent en aucun cas empêcher l’accès au lieu de travail des personnels non-grévistes et se charger d’assurer le service minimum».
Or, rien de tout cela n’a été respecté. Les syndicalistes ont fermé le portail, empêchant les autres travailleurs de se rendre à leur poste et de vaquer à leurs occupations. Ce que proscrit la loi.
Pour un cadre de ce département offusqué, ce mouvement a eu lieu «alors que le dialogue social au sein du ministère n’a jamais été interrompu». Il fait d’ailleurs savoir que le chef de ce département a rencontré et devisé avec les différents syndicalistes avant de s’envoler pour une mission à l’étranger. Sauf que malgré la bonne foi et les assurances du général Flavien Nzengui Nzoundou pour la recherche des solutions et des niches pouvant répondre à la sollicitation, «quelques pelés et deux tondus ont malheureusement entrepris de barricader l’entrée du ministère».
«Ce mouvement est instrumentalisé». «Aux TP, les gens préfèrent donner les travaux aux entreprises qu’à la Régie».
«Les revendications peuvent être bonnes. Mais, un syndicat responsable n’a pas le droit de fermer le portail quand il y a plusieurs autres organisations syndicales et des personnels non-syndiquées dans la structure», a regretté un autre haut fonctionnaire de ce département, laissant entendre que «ce mouvement est instrumentalisé».
Ce qu’appuie véhément le conducteur des travaux sur l’axe Alembé–Mikouyi, sur la route économique, Jean-Claude Kombo. Ayant effectué le déplacement de Libreville pour la réception de ce matériel flambant neuf devant constituer la Régie des Travaux publics, il a été surpris de la tournure des événements. «Ça fait plus de 14 ans que les divisions des TP n’avaient plus de matériel. Maintenant qu’il y a ce matériel, pourquoi enclencher une grève ?», a-t-il questionné, faisant noter que ce débrayage a largement impacté la programmation de l’acheminement des engins et des travaux. «Or, nous voulons travailler. On a fait plus d’une dizaine d’années à ne rien faire», a-t-il rappelé.
Pour lui comme pour certains autres agents de ce ministère, «cette grève ne cadre pas avec la loi». «Être leader syndical ne veut pas dire interdire aux autres de travailler», a-t-il fustigé, soulignant qu’«aux TP, les gens préfèrent donner les travaux aux entreprises qu’à la Régie. Parce qu’il y a des ristournes, des surfacturations, etc.».
«Le business en entreprise est mort»
Ce qui les amène à indiquer qu’«avec la réception de ces engins des TP, le business en entreprise est mort». Raison pour laquelle «les informaticiens, les archivistes, ces personnels ne pouvant aucunement utiliser un engin lourd, s’emploient à torpiller l’action de la tutelle».
La situation morose, contraire à ce que prescrit la loi, devrait donner lieu à «des sanctions exemplaires», suggèrent certains employés des TP qui invitent les pouvoirs publics à se saisir de ces événements pour organiser les élections professionnelles dans les structures étatiques.
Toute chose devant permettre d’«assainir le milieu professionnel» et «écarter les mercantiles». Aux dernières nouvelles la grève d’avertissement a été suspendue après la rencontre entre les représentants des TP et du Budget. Rendez-vous a donc été pris la semaine prochaine pour apprécier la suite des événements.
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