L’engagement financier de 300 milliards de dollars annuels d’ici 2035 pour lutter contre le changement climatique, arraché lors de la COP29 à Bakou, suscite l’indignation des pays en développement qui le jugent largement insuffisant pour répondre à l’urgence climatique. Adrien NKoghe-Mba* décortique, dans cette chronique, cet accord qu’il qualifie de « rustine sur une plaie béante », révélant les profondes fractures entre le Nord et le Sud dans la lutte climatique et l’inquiétante perspective d’un possible désengagement américain à venir.

«La COP29 a été un désastre pour les pays en développement. C’est une trahison à la fois des peuples et de la planète de la part des pays riches qui disent prendre au sérieux la lutte contre le changement climatique», dixit Mohamed Adow. © GabonReview

 

« Si nous rentrons chez nous avec 300 milliards de dollars et que nous disons que les pays développés ont pris les devants, c’est une insulte à cette convention. Ce n’est pas quelque chose que nous devons prendre à la légère. Il n’y a pas de quoi applaudir. »

Ces mots de Dr Nkiruka Chidia Maduekwe, directrice du Conseil national sur le changement climatique du Nigeria, ont résonné comme un coup de tonnerre dans l’auditorium de Bakou. Dans une conférence censée symboliser un sursaut collectif face au dérèglement climatique, l’accord financier arraché in extremis a davantage illustré l’échec persistant des pays riches à prendre leurs responsabilités historiques.

Les 300 milliards de dollars annuels d’ici 2035, applaudis par certains comme un progrès, ne sont rien d’autre qu’une rustine sur une plaie béante. Comme l’a souligné Mohamed Adow, directeur du think tank PowerShift Africa, « la COP29 a été un désastre pour les pays en développement. C’est une trahison à la fois des peuples et de la planète de la part des pays riches qui disent prendre au sérieux la lutte contre le changement climatique. »

Un accord au rabais

Ce financement, bien en-deçà des 1 000 milliards réclamés par les pays du Sud, ne répond pas aux besoins réels des nations en première ligne des impacts climatiques. Pire encore, il reflète un désintérêt systématique pour une transition énergétique juste. Les fonds ne sont pas simplement insuffisants : leur provenance, mêlant prêts et dons, expose les pays les plus vulnérables à un endettement accru alors qu’ils tentent désespérément de reconstruire après chaque cyclone ou sécheresse.

Pendant que les leaders du Nord célébraient leur maigre concession, la planète brûlait littéralement. Les tempêtes aux Philippines, les sécheresses en Équateur et les inondations en Espagne ont rappelé une fois de plus que la crise climatique ne fait pas de pause. Le contraste entre la gravité de la situation et la réponse des pays développés est glaçant.

Un coup porté à la transition énergétique

L’échec ne s’arrête pas là. La disparition de l’engagement explicite à une transition hors des énergies fossiles dans les textes finaux de Bakou est une concession majeure faite aux grands producteurs de pétrole et de gaz. Là où la COP28 avait arraché un accord fragile, la COP29 a reculé. Le terme de « combustibles de transition », un euphémisme pour le gaz naturel, a obtenu une mention explicite, renforçant le rôle du gaz dans le mix énergétique au détriment d’une transition rapide vers les renouvelables.

En l’état, les pays du Sud, confrontés à un financement trop faible et des engagements trop ambigus, n’ont eu d’autre choix que de céder face aux grandes puissances. Loin d’être un pas en avant, cet accord ressemble davantage à une gifle, donnée au nom du statu quo.

Une Europe à bout de souffle

Alors, pourquoi célébrer ? Les Européens, qui se sont battus pour faire passer les États-Unis de 250 à 300 milliards, brandissent ce montant comme une victoire. Mais cette façade cache des fissures profondes. Leur propre transition énergétique patine, et les divisions internes au sein de l’Union rendent difficile un leadership fort sur la scène climatique mondiale.

Et voici l’épée de Damoclès : en janvier, Donald Trump prendra ses fonctions. Fidèle à sa rhétorique, il a déjà promis de couper tout financement climatique international des États-Unis. Si cela se produit, les Européens seront-ils prêts à combler le vide ? Rien n’est moins sûr. Sans la contribution américaine, l’accord de Bakou pourrait s’effondrer comme un château de cartes, laissant les pays du Sud livrés à eux-mêmes face à une crise qu’ils n’ont pas causée.

Une leçon amère

La COP29 aurait pu être le moment où le monde se rassemblait pour affronter ensemble le plus grand défi de notre époque. Au lieu de cela, elle restera dans l’histoire comme une opportunité manquée, un symbole de la myopie des nations riches et de leur incapacité à honorer leurs propres engagements.

Pour les pays du Sud, ce n’est pas seulement une défaite diplomatique. C’est une insulte. Une insulte à leur résilience, à leur droit au développement, et à leur lutte quotidienne contre les catastrophes climatiques. Et c’est une insulte que le monde entier paiera cher si les grandes puissances ne se ressaisissent pas rapidement.

*Directeur général de l’Institut Léon Mba et président de l’association Les Amis de Wawa pour la préservation des forêts du bassin du Congo.

 
GR
 

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