Dans une intervention percutante sur les Matins de France Culture, Augustin Emane, maître de conférence en droit privé et sciences criminelles à Nantes, déconstruit le mirage des textes constitutionnels et met en lumière les défis réels de leur application au Gabon.

Les textes sont importants, mais sans une application rigoureuse et une volonté réelle des acteurs politiques, ils restent de simples mots sur du papier. © GabonReview

 

Augustin Emane, maître de conférence en droit privé et sciences criminelles à Nantes, déconstruit le mirage des textes constitutionnels et met en lumière les défis réels de leur application au Gabon. © D.R.

Le 16 novembre 2024, le peuple gabonais a massivement approuvé, à près de 92%, un nouveau texte constitutionnel lors d’un référendum historique. Cette réforme survient dans le sillage d’un bouleversement politique majeur, marqué par le coup d’État militaire du 30 août 2023 qui a mis fin à plus de cinq décennies de règne des Bongo. Cependant, selon Augustin Emane, cette victoire écrasante révèle une tendance préoccupante : la survalorisation des textes au détriment de leur mise en pratique.

«Nous avons tendance à trop fétichiser les textes. Les textes ne font pas tout, c’est la pratique. C’est la pratique des hommes», affirme Augustin Emane lors de son intervention. Il souligne que le Gabon n’a pas souffert de textes inadéquats, mais plutôt de leur mauvaise application ou du refus de les appliquer. «La constitution de 91, qui était en vigueur jusque-là, au début, tout le monde en était satisfait. Mais à force de révisions, à force de changements, y compris quelques mois avant les dernières élections, ce texte avait fini par ne plus ressembler à rien».

Pour le maître de conférence en droit privé à Nantes, l’essentiel reste à faire, à savoir : rétablir une culture de responsabilité politique et de respect des règles. «Même le meilleur des textes ne garantit rien sans la volonté de l’appliquer correctement», avertit-il. Cependant, il ne ménage pas les critiques envers le nouveau texte constitutionnel. Il pointe notamment la transformation du régime semi-présidentiel, inspiré de la Ve République, en un régime présidentiel aux pouvoirs renforcés. «Un régime présidentiel est aussi démocratique qu’un régime parlementaire ou semi-parlementaire. Le débat n’est pas à ce niveau. Le débat, là où ça commence à coincer, c’est qu’un régime présidentiel où le président a le pouvoir de dissolution de l’Assemblée, ça questionne quelque peu. Ça, c’est déjà une interrogation. Du coup, on sur-renforce le pouvoir du président».

Un autre point de friction, selon Augustin Emane, concerne les critères d’éligibilité présidentielle. Bien que les conditions aient été atténuées, certaines dispositions restent problématiques. «Il y a des conditions qui posent problème, mais encore une fois, je dis, il faut comprendre cette constitution au regard de la situation qui était celle du Gabon. Il y a un certain nombre de dispositions avec lesquelles, moi je ne suis pas d’accord sur les questions de nationalité, mais qu’on ne peut comprendre qu’au regard de ce qui a été la gouvernance de monsieur Ali Bongo».

Le maître de conférence en droit privé à Nantes met également en lumière le processus de rédaction de la nouvelle constitution, malgré des critiques légitimes. «Il y a eu un dialogue national inclusif qui a réuni un certain nombre de Gabonais. Après, on peut critiquer effectivement le fait que ce soit la militaire qui ait désigné les Gabonais qui participaient à ce dialogue, mais n’empêche qu’il y avait des Gabonais. Et le texte en fait reprend les avis qui ressortaient des contributions en question», a-t-il déclaré, invitant à une réflexion approfondie sur la relation entre les textes juridiques et leur mise en œuvre pratique.

«Les textes sont importants, mais sans une application rigoureuse et une volonté réelle des acteurs politiques, ils restent de simples mots sur du papier. Le véritable défi pour le Gabon réside dans la capacité des dirigeants à respecter et à appliquer ces nouvelles dispositions constitutionnelles, afin de bâtir une gouvernance véritablement inclusive et transparente». Une leçon précieuse pour le Gabon et au-delà, où l’équilibre entre texte et pratique reste souvent fragile.

 
GR
 

2 Commentaires

  1. Rapha dit :

    Mais c’est justement le handicap. L’homme gabonais est immature et intolérant. Il a beau être bardé de diplôme, son fonctionnement reste dicté par son appartenance ethnique, ses traditions,son village. Il y a dans notre pays de nombreux Docteurs et Professeurs qui ne se gênent pas de faire étalage de leur diplôme. Une thèse de doctorat c’est comme résoudre une équation, c’est appliquer la méthode scientifique. De vrais scientifiques ne peuvent pas laisser les gabonais patauger dans la boue de la sorte. Mr ABC Docteur en Économie sous la direction de Mr.Raymond Barre a contribué en quoi au développement du pays ? Une vraie catastrophe. N’oubliez pas la démocratie est un luxe pour les gabonais,la psychologie de l’homme gabonais le lui interdit.

  2. Akoma Mba dit :

    Tout à fait d’accord. Le gabonais demeure prmitif et rétrograde et accepte tout nouveau vent comme des moutons

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