En marge de la COP29, les chefs d’État africains ont fait front commun pour revendiquer la valorisation de leur capital naturel dans la mesure du Produit intérieur brut (PIB). Un appel fort à la reconnaissance de l’impact environnemental unique des forêts africaines et de leur rôle central dans la lutte mondiale contre le changement climatique.

En marge de la COP29, les chefs d’État africains ont fait front commun pour revendiquer la valorisation de leur capital naturel dans la mesure du Produit intérieur brut. © D.R.

 

Lors de la 29e Conférence des parties (COP29) qui s’est tenue à Bakou le 13 novembre, les dirigeants africains ont formulé une demande historique : que la richesse naturelle du continent soit intégrée dans la mesure du PIB des pays africains. À l’heure où le monde lutte contre les effets dévastateurs du changement climatique, ces chefs d’État ont souligné l’importance cruciale de l’Afrique dans la régulation de l’environnement global.

Les forêts africaines, véritables puits de carbone, jouent un rôle fondamental dans la séquestration du dioxyde de carbone, le contrôle de la pollution, la rétention de l’eau et la fertilité des sols. Ces services écologiques, pourtant sous-évalués, représentent un bien public mondial dont la valeur, si elle était reconnue, pourrait transformer les économies africaines.

Le président du Congo, Denis Sassou-N’Guesso, a ouvert la voie en affirmant que l’Afrique ne doit plus être perçue comme écologiquement riche mais financièrement pauvre. Il a insisté sur le fait que le capital naturel, notamment à travers les forêts, est négligé dans les comptes nationaux et devrait être comptabilisé dans le calcul du PIB des pays. Ce manque de reconnaissance prive le continent des financements nécessaires pour exploiter durablement ses ressources naturelles. «Nous faisons un travail utile pour l’Afrique et le reste du monde, en contribuant à l’accélération de la reconnaissance du dividende environnemental », a-t-il déclaré.

Akinwumi Adesina, président de la Banque africaine de développement (BAD), a précisé que le PIB de l’Afrique, qui s’élevait à 2 500 milliards de dollars en 2018, serait bien plus élevé si l’on intégrait la valeur de ses vastes ressources naturelles. Selon des estimations préliminaires, l’ajustement des chiffres en fonction de la séquestration du carbone pourrait accroître le PIB nominal du continent de 66,1 milliards de dollars, une somme supérieure à celle du PIB combiné de 42 pays africains.

Un point de discorde majeur soulevé par Adesina est l’accaparement des crédits carbone, où de nombreux pays africains voient leurs puits de carbone sous-évalués et sous-payés. Le prix du carbone, en Afrique, oscille entre 3 et 10 dollars la tonne, bien en deçà du prix sur les marchés européens, où il peut atteindre 200 dollars. «Cette situation a des conséquences désastreuses pour les pays qui, malgré leurs efforts pour protéger l’environnement mondial, en tirent peu de bénéfices», a-t-il souligné.

Le président rwandais Paul Kagamé a appuyé cette démarche, soulignant que l’Afrique, acteur clé dans la lutte contre les changements climatiques, ne demande pas la charité mais que le monde reconnaisse la valeur des services écosystémiques fournis par le continent. Pour lui, l’Afrique mérite un juste retour sur les services environnementaux qu’elle rend à la planète. «Malheureusement, le principal obstacle de l’Afrique reste l’accès au financement climatique», a-t-il regretté.

L’intégration de la richesse naturelle de l’Afrique dans le calcul du PIB pourrait ouvrir la voie à de nouveaux flux financiers pour des investissements dans des projets écologiques durables. Cela permettrait non seulement de stimuler les économies africaines, mais aussi de renforcer la position du continent dans la lutte contre le réchauffement climatique.

La Banque africaine de développement joue un rôle clé dans cette initiative. Elle a publié un rapport intitulé Mesurer la richesse verte des pays : capital naturel et productivité économique en Afrique, soulignant l’importance de reconnaître ce capital naturel dans la comptabilité économique des nations.

Les chefs d’État africains ont promis de collaborer avec d’autres régions du monde, notamment en Amérique latine et en Asie, pour créer une alliance mondiale en faveur de la reconnaissance du capital naturel dans le PIB des pays. Un rapport complet sera présenté lors du sommet des chefs d’État de l’Union africaine de 2025, pour discuter et adopter les conclusions de cette initiative.

La prise en compte de ce capital naturel pourrait bien redéfinir les bases économiques et environnementales du continent, offrant à l’Afrique les moyens de ses ambitions écologiques et économiques.

 
GR
 

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