Les espoirs suscités par l’arrivée du CTRI au Gabon pourraient être compromis par un projet de Constitution problématique. C’est en substance ce qu’affirme le Mouvement Politique Alternative (MPA) dans un communiqué publié à quelques heures du référendum de ce 16 novembre. Dénonçant une «confusion des pouvoirs» et une indépendance judiciaire compromise, le mouvement d’Axel Stophène Ibinga Ibinga appelle à voter «NON», tout en exhortant les Gabonais à se mobiliser massivement pour ce scrutin qu’il qualifie de «transgénérationnel». Une prise de position argumentée qui intervient alors que le pays s’apprête à se prononcer sur sa nouvelle loi fondamentale.

«Les tenants de l’écriture du présent projet de loi fragilisent à dessein le pouvoir Judiciaire et compromettent ainsi l’essor même de la Démocratie et de l’Etat de Droit», dixit Axel Stophène Ibinga Ibinga , candidat à la présidentielle d’août 2023, président du mouvement politique Alternative. © D.R.

 

A travers un communiqué de presse relayant une analyse juridique, le Mouvement politique alternative (MPA), par la voix de son leader Axel Stophène Ibinga Ibinga, a livré une critique sans appel du projet de Constitution soumis au référendum ve 16 novembre 2024 au Gabon. Cette prise de position intervient dans le contexte particulier de l’arrivée du CTRI à la tête du pays et le lancement de plusieurs chantiers de réforme.

Une architecture constitutionnelle marquée par des contradictions fondamentales

L’analyse méticuleuse du texte de 43 pages et de ses 173 articles révèle, selon le MPA, des incohérences majeures entre le préambule et le dispositif constitutionnel. La contradiction la plus flagrante réside dans l’articulation entre le principe démocratique énoncé et son application concrète. Alors que l’article premier du préambule consacre solennellement le principe du «Gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple», le dispositif prévu s’oriente vers un régime présidentiel où le gouvernement serait exclusivement responsable devant le Président de la République, conformément à l’article 69.

Cette configuration soulève des interrogations cruciales sur l’effectivité du contrôle parlementaire. «Cette disposition pose non seulement la question de savoir si le Parlement exercera-t-il véritablement son pouvoir de contrôle sur l’action d’un tel Gouvernement ? Mais aussi celle de savoir, la pertinence et de l’opportunité de la Déclaration de Politique Générale de celui qui en sera le chef», souligne le communiqué.

Une remise en cause de l’indépendance du pouvoir judiciaire

Le MPA pointe particulièrement du doigt l’articulation problématique entre les pouvoirs exécutif et judiciaire. Si l’article 110 proclame que «le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif, dans le respect des dispositions de la présente Constitution», cette indépendance se trouve immédiatement compromise par l’article 128. Ce dernier place en effet le président de la République, «déjà omnipotent», à la tête du Conseil supérieur de la magistrature, organisme crucial chargé des «intégrations, titularisation, promotion et autres affectations des Magistrats».

Selon le MPA, cette configuration institutionnelle «fragilise à dessein le pouvoir Judiciaire et compromet ainsi l’essor même de la Démocratie et de l’Etat de Droit». Le mouvement souligne que si la séparation des pouvoirs peut admettre «une dose de collaboration», celle-ci ne saurait conduire à une confusion des pouvoirs, comme le suggère le projet constitutionnel.

Un appel à la mobilisation citoyenne transcendant les clivages

Face à ces enjeux majeurs, le MPA insiste sur la dimension transgénérationnelle du scrutin. «Il ne s’agit pas d’élire un individu, mais de se prononcer en faveur ou non d’un texte fondamental qui va régir la vie de notre Pays, le Gabon de façon transe-générationnelle», rappelle le communiqué. Le mouvement souligne que ni le «OUI» ni le «NON» n’appartiennent à un camp politique particulier.

Dans une démarche inclusive, le MPA s’adresse directement aux différentes composantes de la société gabonaise : «jeunes, travailleurs, étudiants, sans emplois, jeunes filles mères, et chers parents». Il les exhorte à «ne pas se laisser distraire par des gadgets, mais de comprendre les enjeux de ce referendum».

Le communiqué met également en lumière la complexité technique du texte, attribuant «le gouffre entre la compréhension rationnelle du projet constitutionnel et les nombreuses interprétations» aux «profils hétérogènes» des rédacteurs et initiateurs. Cette hétérogénéité expliquerait, selon le MPA, le discours des partisans du «OUI» qui tendent à «souligner la méconnaissance présupposée de ceux qui rejettent ce projet en l’état présenté».

Au terme de son analyse, tout en saluant les initiatives post-CTRI et en reconnaissant que «des espoirs sont nés et plusieurs chantiers ont été lancés», le MPA, par la voix de son leader, appelle à voter «NON» à ce projet constitutionnel, jugé non conforme au principe de séparation des pouvoirs. Le mouvement insiste néanmoins sur l’importance de la participation au scrutin, considérant que «l’abstention n’est pas une option» face à un enjeu d’une telle importance pour l’avenir du Gabon.

 
GR
 

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