L’enjeu du scrutin du 16 novembre courant ne saurait se réduire à la seule victoire du Oui.

Ni la participation électorale ni la transparence électorale ne vont de soi. L’une et l’autre se construisent par l’engagement de personnes attachées à la règle de droit et soucieuses de l’intérêt général. © Reuters – Stringer

 

Loin de toute emphase, on peut en prendre le pari : ce scrutin fera date. Le 16 novembre courant, les Gabonais seront invités à se prononcer sur un projet de constitution élaboré à l’initiative du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI). On aurait cependant tort de réduire l’enjeu à la seule victoire du Oui. Et pour cause : à travers le taux de participation, on saura si les populations ont cerné les objectifs, si elles ont repris confiance dans les urnes et si elles ont le sentiment d’être entrées dans une ère nouvelle. Autrement dit, on pourra aussi savoir si elles ont la conviction d’avoir tourné la page et d’avoir enfin engagé leur «essor vers la félicité». Pour les gouvernants, cette consultation sera l’occasion de se faire une meilleure idée de l’état d’esprit des gouvernés et de leur appréciation de la marche de la Transition.

Doute et confusion dans les esprits

Sans sombrer dans la dérive plébiscitaire, il faut le rappeler : le 30 août 2023, le CTRI avait motivé son acte par le désir d’en finir avec une «gouvernance irresponsable, imprévisible (…)», s’élevant contre les «résultats tronqués» des élections générales. Dans la Charte de la Transition, il précise ses missions. Au nombre de celles-ci, des «réformes majeures sur les plans politique, économique, culturel, administratif et électoral», mais aussi «l’instauration d’une culture de bonne gouvernance et de citoyenneté responsable». Légitimement, ces engagements ont suscité des attentes, nourri des espoirs de changement. Tout heureux de s’être débarrassé d’un système jugé tyrannique et d’une dynastie réputée corrompue, le peuple a pris acte et adhéré à la profession de foi des militaires. Même si personne ne l’a exprimé de la sorte, il a cru au Grand soir, c’est-à-dire à l’aube d’un jour nouveau.

Depuis un peu plus d’une année, nombre d’observateurs n’ont de cesse de rappeler les engagements de départ. Au lendemain de la formation du gouvernement, beaucoup s’étaient émus du maintien de certains ministres, parfois aux mêmes fonctions. Lors de la mise en place du Parlement, d’autres avaient dénoncé la présence massive de cadres du système déchu. A chaque apparition des ténors du Parti démocratique gabonais (PDG), ces cris d’orfraie se sont faits plus stridents. «Quel message envoyons-nous (…) si ceux qui ont contribué aux erreurs du passé reviennent (…) sur le devant de la scène ? », se demandait récemment l’avocat Anges Kevin Nzigou, avant de trancher : «Le Gabon ne mérite pas une continuité déguisée». Dans une telle atmosphère, la composition des commissions électorales et comités de campagne n’a pas arrangé les choses. Bien au contraire. Elle a renforcé l’idée d’un PDG désormais aux commandes de la Transition, semant doute et confusion dans les esprits.

La participation et la transparence se construisent

A moins de minimiser les souffrances endurées par les populations, on ne peut vouloir les mobiliser en confiant le processus à leurs bourreaux d’hier. Sauf à méconnaitre les raisons du coup de force du 30 août, on ne peut restaurer la confiance en frayant avec des fraudeurs patentés. Ni la participation électorale ni la transparence électorale ne vont de soi. L’une et l’autre se construisent par l’engagement de personnes attachées à la règle de droit et soucieuses de l’intérêt général.  Or, lors de la rentrée politique du PDG, son 1er vice-président, par ailleurs membre de la coordination nationale de campagne, a affirmé sans ciller : «Le PDG doit être disposé à apporter son soutien (…)  au président du CTRI et au CTRI (…), dès lors que nos intérêts (…) sont garantis». Est-ce un gage de sincérité ?  Est-ce une marque d’attachement à l’intérêt général ? On peut en douter.  Dans tous les cas, on est loin de «l’esprit du 30 août», c’est-à-dire de cette «volonté et (de cet) engagement partagé de changement pour le bien-être et le vivre ensemble du peuple souverain du Gabon».

A l’aube de cette campagne référendaire, il serait hasardeux de faire comme si on n’entendait pas la complainte des populations, déboussolées par la place et le rôle attribués aux ténors du PDG. Pour le CTRI, il est peut-être temps de repenser les choses. S’il gagnerait à remettre l’organisation du scrutin à l’administration, à ses démembrements aux auxiliaires, il ferait œuvre utile en exhortant les organes de la Transition à la stricte neutralité. Sauf s’il ne redoute pas de faire le lit à l’abstention et aux pratiques décriées, il serait mieux inspiré de ne pas laisser l’impression de recycler un personnel honni par le peuple.

 
GR
 

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