La Constitution gabonaise et le syndrome Poutine : anatomie d’une faille démocratique
Dans le projet constitutionnel gabonais en voie d’accouchement se cache une faille juridique qui pourrait transformer la limitation des mandats présidentiels en simple illusion démocratique : un mot – et un seul – menace de réduire à néant l’ambition de garantir l’alternance politique. Voulu ou non, le détail ou le subterfuge rappelle étrangement la stratégie déployée par Vladimir Poutine en Russie, et fait craindre une possible présidence à vie déguisée en démocratie constitutionnelle.
Devant être soumise au référendum le 16 novembre prochain, la nouvelle Constitution gabonaise introduit une limitation des mandats présidentiels apparemment stricte. Pourtant, comme le démontre brillamment Fidèle Afanou Edémbé* dans sa dernière chronique, cette disposition pourrait être aisément contournée par un président «machiavélique et de mauvaise foi».
L’article 42 du projet constitutionnel stipule en effet que «nul ne peut exercer plus de deux mandats successifs, quelles que soient les éventuelles révisions de la Constitution». Mais, c’est précisément dans le déterminatif «successifs» que réside la faille majeure. Un scénario rappelant étrangement la stratégie déployée par Vladimir Poutine en Russie.
Stratégie de continuité : l’exemple de la parenthèse Medvedev au bénéfice de Poutine
«Le français, dit-on, est élastique», rappelle Afanou Edémbé le chroniqueur. Et, en français, «‘successif’ a pour synonyme ‘continu’». Cette subtilité linguistique ouvre ainsi la voie à une interprétation permettant à un président de multiplier les mandats, pourvu que ces mandats ne soient pas consécutifs. Exactement comme l’avait fait Poutine.
Tel que perçu et analysé par Afanou Edémbé, le scénario gabonais suit la même logique : «Pour les mathématiciens, ce qui n’est pas continu est discontinu, disjoint. Pour le président machiavélique de mauvaise foi au pouvoir, lui dire qu’il ne peut pas faire deux mandats successifs, c’est-à-dire continus, c’est lui dire qu’il peut faire plus de deux mandats, à condition qu’ils soient discontinus, disjoints. Donc, plusieurs mandats de sept ans, entrecoupés d’un mandat de sept ans où il aura cédé le fauteuil à un faire-valoir prêt à s’effacer autant de fois que cela sera nécessaire». Une stratégie du «président-marionnette» déjà éprouvée, notamment en Russie.
On se souvient, en effet, qu’entre 2008 et 2012, Vladimir Poutine avait cédé temporairement la présidence à Dmitri Medvedev, en raison de la limite constitutionnelle de deux mandats consécutifs. Medvedev, perçu comme un président de façade, aura été largement sous l’influence de Poutine, qui exerçait un pouvoir dominant en tant que Premier ministre. Poutine est ensuite revenu à la présidence en 2012, grâce à une réforme permettant de prolonger son mandat. Il pourrait rester maintenant au pouvoir jusqu’en 2036 après la modification constitutionnelle intervenue en 2020.
Ainsi, «quelqu’un élu président à 35 ans pourra ainsi faire trois mandats (à 35 ans, à 49 ans et à 63 ans), avant d’être atteint par la limite d’âge.» Mais, il y a plus inquiétant : l’article 167 permet une révision constitutionnelle par voie parlementaire. Là encore, l’exemple russe est édifiant : Poutine a fait modifier la durée du mandat présidentiel de quatre à six ans, puis obtenu une réforme constitutionnelle majeure.
Face à ces potentielles dérives, une formulation plus stricte aurait été plus pertinente et féconde, à l’instar de la Constitution béninoise qui précise que «le Président de la République ne peut faire plus de deux mandats dans sa vie». Ainsi, la version gabonaise aurait pu simplement stipuler : «Nul ne peut exercer plus de deux mandats, quelles que soient les éventuelles révisions de la Constitution».
Cette analyse, étayée par l’expérience russe, amène à s’interroger sur l’efficacité réelle des garde-fous constitutionnels face à la tentation du pouvoir perpétuel, particulièrement prégnante en Afrique comme ailleurs dans le monde.
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Ancien journaliste, entre autres au quotidien L’Union, auteur du livre «Pierre Akendengué, Un chant dans la nuit», Fidèle Afanou Edémbé*, Gabonais, vit à Port-Gentil. Retraité se définissant comme ‘Chroniqueur libre’, il publie régulièrement, sur Facebook notamment, des billets d’opinion.
3 Commentaires
Un mandat de 7 ans n’existe que dans une République Bananière comme le Gabon. Partout ailleurs les mandats sont entre trois et cinq ans.
Ah, j’oubliais que dans notre cher Gabon où a gouverné un Biaffrais nous avons maintenant un Messie, qui quand il nous paie nos dus on doit lui être obligé pour nous avoir fait une faveur
Pour une raison que j’ignore, Gabonreview publie 1 de mes commentaires sur 5.Problème avec la gestion des commentaires ?
Le problème est le suivant : vous ne réflessichez pas assez. Vous pensez comme un sophiste. La révolution hippie, c’est terminé! Le réalisme d’Etat est en marche. Sur des rails. Prenez le prochain wagon. Je vous le conseille. Ou allez prendre l’R au PDG!