Dans un Gabon en quête de renouveau démocratique, un spectacle aussi grotesque qu’alarmant s’est joué sur les réseaux sociaux la semaine dernière : l’autodafé public du livre d’Alain-Claude Bilie-By-Nze par un quidam en mal de notoriété. Alors que le pays s’efforce de lutter contre les discours de haine, voilà qu’un pyromane, prétendument intellectuel, s’érige en censeur suprême, brandissant son briquet comme étendard de la bêtise. Petite balade dans les flammes de l’intolérance. Le pamphlet de GabonReview sur un geste des plus abjects !

En brûlant le livre de Bilie-By-Nze, il n’a pas seulement démontré son mépris pour la liberté d’expression, il a aussi craché au visage des efforts nationaux pour construire une société plus tolérante et éclairée. © GabonReview

 

Spectacle aussi grotesque que navrant : un quidam gabonais s’est récemment improvisé censeur et bourreau littéraire en brûlant publiquement «Awu m’awu : Oser l’espérance pour un autre Gabon», le livre de l’ancien Premier ministre Alain-Claude Bilie-By-Nze. Aussi risible que dangereux, cet acte rappelle à tous que la bêtise, hélas, n’a pas de frontières.

Un coup d’éclat… dans le vide

Le pyromane des réseaux sociaux, dont l’anonymat est resté intacte, a cru bon de se livrer à ce qu’il pensait être un acte de bravoure politique. Armé de son briquet et de sa caméra de smartphone, il s’est lancé dans une diatribe enflammée – au propre comme au figuré – contre l’ouvrage qu’il prétendait avoir lu. Sa pathétique performance n’a cependant fait que mettre évidence sa propre paresse intellectuelle sinon son ignorance.

«Je m’attendais à ce qu’il nous propose un schéma politique ou un schéma de développement», a-t-il prétexté, prouvant par là même qu’il n’avait pas dépassé la couverture du livre. Car s’il avait daigné l’ouvrir, le Torquemada des temps modernes aurait trouvé, dans la partie IV intitulée «Et maintenant ?», exactement ce qu’il prétendait chercher : des propositions concrètes sur la création de filières industrielles, le développement hydrique, la décentralisation, l’autosuffisance alimentaire, etc. Mais pourquoi lire quand on peut brûler, n’est-ce pas ?

L’ironie du sort ou la justice poétique

L’ironie de la situation n’échappera à personne : en croyant critiquer l’absence de vision de Bilie-By-Nze, le pyromane occasionnel a démontré sa propre myopie intellectuelle. Son geste, loin d’être le coup d’éclat espéré, n’aura servi qu’à attirer l’attention sur le contenu du livre qu’il voulait faire disparaître. Il faut le féliciter : il a inventé la publicité par l’autodafé !

Mais au-delà du ridicule, cet acte soulève des questions sérieuses sur l’état du débat public au Gabon. Faut-il rappeler que le Gabon n’est pas une république bananière où l’on brûle les livres qui nous déplaisent ? Le Code pénal gabonais, dans ses articles 221 et 257, sanctionne clairement l’incitation à la haine et à la violence. La loi sur la liberté de la presse, notamment dans son article 62, interdit les propos discriminatoires dans les médias. Et la Constitution elle-même pose des limites à la liberté d’expression lorsqu’il s’agit de discours incitant à la haine.

Le pyromane du smartphone serait bien avisé de se familiariser avec ces textes avant sa prochaine sortie médiatique. Car en appelant ses «frères gabonais» à reproduire son geste, il s’est rendu coupable d’incitation à la violence collective, un délit passible de poursuites.

L’acte irréfléchi du quidam, qui a tout de même eu son quart d’heure warholien, est d’autant plus consternant qu’il intervient moins d’un an après le lancement de la campagne «Gabon contre la haine» par le Mécanisme national de dialogue et d’échange (MNDE). Cette initiative, visant à promouvoir la tolérance et la vérification des informations, semble avoir complètement échappé à l’apprenti censeur.

En brûlant ce livre, il n’a pas seulement démontré son mépris pour la liberté d’expression, il a aussi craché au visage des efforts nationaux pour construire une société plus tolérante et éclairée. Bravo, encore une fois, pour cette démonstration éclatante d’incivisme !

L’effet Streisand ou comment se tirer une balle dans le pied

Le comble de l’ironie dans toute cette affaire, c’est que ce pyromane digital a probablement rendu un fier service à Bilie-By-Nze. En voulant censurer son livre, il n’a fait qu’attiser la curiosité du public. C’est ce qu’on appelle l’effet Streisand : tenter de supprimer une information ne fait que la rendre plus visible.

Ainsi, grâce à ce censeur m’as-tu vu, le livre de Bilie-By-Nze connaîtra probablement un regain d’intérêt. Les Gabonais, intrigués par tant de fureur, voudront sans doute découvrir par eux-mêmes ce qui a pu provoquer une telle réaction. Et ils y trouveront, contrairement aux affirmations de cet incendiaire 2.0, des réflexions sur l’avenir du pays.

Cet épisode tragi-comique doit rappeler à tous l’importance cruciale de l’éducation et du dialogue dans une société démocratique. Il est temps que les Gabonais, jeunes et moins jeunes, comprennent que brûler un livre n’est jamais la solution. La vraie force réside dans la capacité à lire, à comprendre et à débattre des idées, même – et surtout – lorsqu’elles nous déplaisent.

À ce pyromane du smartphone, il faut conseiller de troquer son briquet contre un marque-page. La lecture, contrairement au feu, illumine sans détruire. Et qui sait, peut-être qu’en lisant vraiment le livre de Bilie-By-Nze, il y trouvera des idées pour construire, plutôt que pour détruire.

En attendant, il faut espérer que cet incident servira de piqûre de rappel pour tous ceux qui seraient tentés de confondre critique et vandalisme. Le Gabon mérite mieux que des autodafés de pacotille. Il mérite un débat d’idées éclairé, respectueux et constructif. C’est à ce prix, et à ce prix seulement, que le pays pourra avancer vers un avenir plus prometteur

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Pessh dit :

    En plein dans le mille 🎯
    Bravo Sous-commandant Marcus 😎👍🏾

Poster un commentaire