Lendemains de la Constituante : Marquer une halte
Le rapport de la Constituante donne lieu à des interprétations divergentes. Appelés à l’examiner par la suite, le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) et le gouvernement ne peuvent faire comme si de rien n’était.
Comme il le revendique, Jean-Rémy Yama «fait partie des 11 parlementaires qui n’ont pas dit oui et des huit qui ont dit non». En clair, l’ancien président de Dynamique unitaire juge les propositions d’amendement formulées par la Constituante «pas de nature à nous garantir une bonne Constitution». Selon lui, la mouture issue des travaux du Parlement consacre, d‘une part, «l’accumulation des trois pouvoirs» entre les mêmes mains et, d’autre part, l’inféodation du pouvoir judiciaire à l’exécutif. D’où sa suggestion d’un retour au texte initial du 26 mars 1991, jugé consensuel et admis par tous. À en croire ses dires, il faut se donner le temps d’évacuer les «traumatismes» et forger un nouveau consensus autour d’un objectif clair : la reconstruction progressive du pays. De toute évidence, le sénateur de la Transition ne croit plus au processus constitutionnel en cours. Bien au contraire.
Des pouvoirs de consultant
Près de deux semaines après la fin de ses travaux, la Constituante est l’objet de disputes et interprétations divergentes. S’ils s’accordent sur le caractère consultatif de leurs conclusions, ses membres n’en n’ont pas la même perception. Certains y voient les prémices d’une dictature personnelle, c’est-à-dire d’un régime politique dans lequel une personne exerce tous les pouvoirs de façon absolue, sans aucune limite légale ou institutionnelle. D’autres y perçoivent l’aube d’un Gabon nouveau, où règne la «préférence nationale» et où les «Gabonais de souche» sont maîtres du jeu. Entre les deux, il s’en trouve pour brocarder «un régime hybride», un saut dans l’inconnu voire une aventure aux lendemains incertains. Principal destinataire du rapport du Parlement, le président de la Transition ne peut ne pas entendre ces avis, aux antipodes les uns des autres. Appelés à l’examiner par la suite, le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) et le gouvernement ne peuvent faire comme si de rien n’était. Pour ainsi dire, il faut soit marquer une halte, soit observer un repli tactique.
Consignée dans le chronogramme de la Transition, la Constituante a longtemps été présentée comme une étape cruciale du processus en cours. Se fondant sur la définition communément admise, intégrant la promesse d’un référendum final, l’opinion lui assignait la mission de rédiger la prochaine constitution. Après la mise en place du Comité constitutionnel national (CCN), cette compréhension a quelque peu évolué, les uns et les autres lui accordant un droit d’amendement. C’est dire si le contenu du décret fixant ses attributions, sa composition et son fonctionnement avait douché bien des espoirs. «Nous sommes [investis] des pouvoirs de consultant, compétent uniquement pour émettre des avis motivés et non directement amender le projet de constitution», s’était aussitôt écrié le député de la Transition Geoffroy Foumboula Makosso Libeka. «Ce n’était pas une constituante […] On aurait pu [parler] de commission parlementaire consultative», a récemment renchéri Jean-Rémy Yama, comme pour s’exonérer de toute responsabilité éventuelle.
Des «avis motivés»
Jour après jour, «la fraternité, la tolérance et l’inclusion» des débuts semblent laisser place au désaccord, au dogmatisme et aux particularismes. Quant au «dialogue» et à «l’esprit de consensus», ils reculent face au radotage et à la volonté d’en imposer, y compris par la ruse et l’intimidation. Comme une impression de débandade, de rupture du lien de confiance voire de raidissement des positions. Est-ce nécessaire et opportun ? Est-ce bénéfique ? À quelle catégorie d’acteurs ? Si l’on ne prend pas la mesure de la situation et si rien n’est fait pour la corriger, les choses peuvent aller se dégradant. Déjà, nombre d’observateurs ont peu goûté à la dernière mise en garde du ministre de l’Intérieur, lui reprochant de n’avoir pas fait montre de la même fermeté quand les partisans du «oui» écumaient l’arrière-pays ou quand des affiches invitant à un vote favorable tapissaient les murs de la capitale.
De par son mandat, la Constituante a semé des doutes quant à la volonté «de bâtir des institutions fortes, crédibles et légitimes garantissant un État de droit, un processus démocratique transparent et inclusif, apaisé et durable». Les propositions du Parlement étant réduites à des «avis motivés», le CTRI et le gouvernement apparaissent désormais comme les véritables constituants. Du coup, une impression de verrouillage et de dissimulation se dégage, comme si on était définitivement entré dans une logique de fait accompli. Quelle suite à tout cela ? Si nul ne le sait, il ne faut pas sombrer dans l’alarmisme pour autant. Comme le dit Jean-Rémy Yama : «Le dernier mot appartient au président (de la Transition)».
1 Commentaire
Ne rêvons pas. Tout ce qui se passe actuellement a été déjà scellé depuis. Quand le putschiste choisit qui participe au DNI, qui sera parlementaire, nous ne pouvons pas avoir un autre résultat que ce qui se dessine pour le référendum. Il faut absolument mettre un frein salutaire pour sauver le Gabon d’une dictature militaire qui se dessine à l’horizon. Autrement dit, voter NON.