[Tribune] Contribution à la lutte contre la précarité
Vétéran de l’arène politique gabonaise, Séraphin Ndaot lance un appel vibrant à la refonte de la politique sociale du pays. Connu pour ses contributions dans le développement local, cet acteur clé de multiples concertations nationales propose une solution audacieuse face aux défis du chômage et de la précarité : la création d’une Allocation Vitale Temporaire (AVT). S’appuyant sur une analyse incisive des échecs passés et des récentes initiatives du gouvernement de transition, il esquisse les contours d’une solidarité nationale renouvelée. Sa vision : une répartition plus juste des richesses du Gabon, étayée par des propositions concrètes de financement et de mise en œuvre. Un plaidoyer ambitieux pour un nouveau contrat social gabonais.
Acteur privilégié dans l’élaboration des conclusions des différentes assises nationales, l’honneur nous a été, en effet consenti de présider successivement, la Commission de Concertation sur le Pacte Social-CCPS- en 2014, de coprésider le panel principal sur la réforme des Institutions du Dialogue d’Angondjé en 2017 et de diriger de multiples Sessions du Conseil National de la Démocratie-CND- depuis 2016.
Avec l’avènement du changement dans notre pays et l’accélération de son expansion par la construction des infrastructures en tout genre et dans tous les domaines. Visiblement, le Gabon est en chantier.
Nous ne pouvons demeurer aphone devant les grandes mutations qui s’opèrent sous nos yeux, sans interroger et mettre en relief des suggestions dynamisantes sur le plan du développement humain et sur l’ancrage de la solidarité sociale dans notre espace national.
Il échet de préalablement évoquer les différentes concertations qui ont précédé l’avènement de la Transition pour mesurer le déficit de volonté politique du système déchu, sur la lutte contre la précarité, plus singulièrement le désœuvrement.
Ensuite, nous ferons quelques suggestions à titre contributif, aux fins d’accélérer la lutte contre la pauvreté, le chômage et le désœuvrement en général.
- D’abord le Rapport MC KINSEY
Publié en 2013 et selon les recommandations de la Stratégie d’Investissement Humain au Gabon –SIHG-, le Président de la République de l’époque, avait mis en place la Commission de Concertation sur le Pacte Social-CCPS-. La mission qui avait été assignée à celle-ci, était substantiellement de proposer au Chef de l’Etat, après avoir analysé les causes de la pauvreté, et de la fracture sociale, les moyens d’endiguer ces fléaux sociaux, mais aussi, de contrôler la mise en œuvre des recommandations du Pacte Social par un Comité ad hoc, chargé du suivi de celles-ci.
Le Pacte Social avait une mission noble, celle de réduire significativement le déficit des indicateurs sociaux et de rétrécir le cercle vicieux de la fragilité et des inégalités générationnelles.
On le voit, notre pays avait fait de ce combat, un enjeu national. L’espoir était alors permis. Malheureusement, le Comité de Suivi, qui devait contrôler l’application de ces recommandations, n’avait pas vu le jour et, le gros de ces résolutions sociales n’avaient pas été appliquées.
Comité de suivi mort-né
Plus révélateur, toutes les propositions qui avaient été émises à ce sujet, par des panélistes, au cours des débats, n’avaient pas trouvé d’écho altruiste auprès des décideurs gouvernementaux.
En effet, ce fut déconcertant de relever que, perfidement, on avait fait litière de la constance du chômage et du désœuvrement, alors que ces fléaux constituaient bien le nez de marche de cette déplorable détresse.
- Ensuite le Dialogue politique d’Angondjé en 2017
Il a été convoqué pour décrisper le lourd climat politique, engendré par la crise politique postélectorale de 2016. Il n’était axé, au bout du compte, que sur la modulation de la durée des mandats électoraux. Cette rencontre n’avait pas placé la question sociale au centre des débats, même si certaines résolutions, comme celles relatives à l’insécurité sociale, avaient été expéditivement esquissées.
- Enfin le Conseil National de la Démocratie
Il convient de révéler que trois sessions plénières de cette Institution ont abordé et analysé profondément la question cruciale du chômage et du désœuvrement en général.
De ces rencontres, les Membres de cet organe avaient ardemment recommandé que les chômeurs et les désœuvrés devaient percevoir une allocation appropriée, dans le cadre de la justice sociale.
Mais, on a pu bien mesurer le déficit d’empathie des amazones politiques et des chiens de garde du système déchu, qui n’ont pas jugé utile de prendre en compte ces importantes décisions de tous les Partis politiques.
La manivelle sociale tourne bien
La récente irruption salvatrice du CTRI sur la scène politique nationale, depuis le 30 août 2023, a montré qu’elle était manifestement de nature à rectifier maintenant l’angle d’observation de la vie sociale nationale.
Le regard que les membres du CTRI posent sur la population, en découvrant ce qui se réalise aujourd’hui, nous parait, plus philanthropique. Le nombre d’actions qu’ils réalisent depuis quelques mois sont empreintes d’humanisme, d’empathie. On peut induire que, depuis un an, la manivelle de la justice sociale tourne bien en faveur des compatriotes fragiles.
S’inspirer de son ancien devancier Léon MBA MINKO MI EDANG
On peut avancer, objectivement, que depuis la libération du pays, on n’a jamais loué autant d’élan de générosité nationale, recensé autant d’actes nobles à divers niveaux et horizons.
A vu d’œil, le Président de la Transition semble s’inspirer de son ancien devancier, Léon MBA MINKO MI EDANG pour sa charité légendaire.
Devenu Président de la République, après l’indépendance du pays, le philanthrope Léon MBA n’avait de cesse de parcourir la ville et les lieux publics en généreux distributeur de sous et des médicaments, notamment, à l’hôpital des indigents KONG.
Il arpentait volontiers, à l’occasion, la pelouse du stade R.P. LEFEVRE, pour se livrer au même exercice caritatif.
Nous refermons cette parenthèse que nous avons ouverte pour montrer, qu’à nos yeux, le Président de la Transition actuel est doté des mêmes prédispositions sociales que le défunt premier président du pays.
Les spécialistes de l’astrologie pourraient, sans doute, également relever un autre point de rapprochement entre ces deux grandes figures.
Le Président Léon MBA est né le 09 février 1902, il est donc Verseau et le Président Brice OLIGUI NGUEMA, le 03 mars 1975, il est quant à lui du signe du Poisson.
Ces deux signes ont de nombreux points communs, disent les experts de cette science astrale : l’altruisme, la charité, la tolérance et le respect de l’autre.
Assurer pédagogiquement l’ancrage progressif de la démocratie sociale
Et ceci nous autorise à espérer que cet élan du cœur en faveur des compatriotes, qui vivent temporairement ou définitivement dans le dénuement pourront, eux aussi, grâce à la vision et à la détermination inébranlables du CTRI, dans les actes déjà accomplis, tirer enfin profit des immenses richesses de leur propre pays nanti par la nature.
Il ne s’agit nullement d’une tirade sur la générosité, mais de faire admettre qu’aucun gabonais ne soit plus exclu des revenus que génèrent les immenses ressources de son pays. Qu’aucun gabonais ne dorme plus jamais à la belle étoile, qu’aucun gabonais ne tende plus la main dans la rue, qu’enfin, le gabonais vive en gabonais dans son GABON marquant, petit pays aux immenses ressources enviables.
Créer l’Allocation Temporaire Vitale-AVT-
La création d’une Allocation Vitale Temporaire –AVT- encadrée et dont les profils des bénéficiaires seront, bien entendu, précisés.
Les exhortations qui vont s’ouvrir, trouvent leur fondement dans les préambules des différentes lois fondamentales qui ont régi le pays mais aussi et surtout dans la Charte de la Transition et les recommandations relatives à la jeunesse issues du récent Dialogue National Inclusif, notamment, la « mise en place d’une indemnité mensuelle de recherche d’emploi pour les jeunes diplômés ».
L’actualité brulante engendrée par une meute de jeunes colériques récemment et successivement à Port-Gentil, à Moanda et régulièrement dans certains quartiers de Libreville, nous permet de revenir sur des propositions jusqu’alors négligées.
C’est l’occasion de rappeler que nous avons toujours soutenu que « la précarité non traitée reste une bombe à retardement » et la cohorte périodique des bandes organisées, illustrent bien cette psychose, et méritent que ce débat s’ouvre à nouveau.
Aujourd’hui, on peut inférer que l’insécurité galopante observée, singulièrement ces derniers temps, notamment, dans les grandes villes, n’est que la conséquence de l’oisiveté et du chômage, mais aussi de la consommation excessive des drogues fortes et du déficit de l’autorité parentale.
La précarité non traitée reste une bombe à retardement
S’agissant particulièrement du chômage,
En 2021, le taux de chômage des jeunes de 15 à 24 ans était évalué par l’ONE à 36% de la population, soit le plus haut après le Botswana 37,3 % et le 2e sur dix pays africains. Il est entendu que ce taux n’impliquait pas les chômeurs adultes.
On notait aussi que le taux de chômage des jeunes de 15 à 34 ans était évalué par l’ONE à 64% des demandeurs d’emploi, soit 35% de la population, après le Botswana 37,3%.
Jusqu’à ce jour, les demandeurs d’emploi frappent toujours à la porte de cet office national et les chiffres ne s’améliorent pas alors que le Gabon, selon des experts, demeure le 3e pays le plus riche d’Afrique, le chômage demeure une gangrène sociale.
Nous devons convenir que la solution de fond à cette préoccupante situation demeure une antienne :
- La recherche de l’employabilité des jeunes en quête d’un emploi.
Mais, entre la formation, la recherche et l’embauche, il peut se passer des mois, voire des années de dénuement.
Durant cette période difficile de stress, d’angoisse et de frustrations, il faut bien manger, dormir, se soigner. Et il arrive souvent que les jeunes diplômés à la recherche d’un premier emploi par exemple, soient mariés et pères de famille…
L’Etat est bien obligé de prendre en charge, au moins provisoirement ces compatriotes d’autant qu’il oblige, par l’engagement décennal, chaque ancien boursier à consacrer dix ans de sa vie professionnelle au GABON.
Le pouvoir n’a pas peur des pauvres qui ont faim, il a peur des pauvres qui savent réfléchir
Nous n’aurons pas l’outrecuidance de contredire un grand écrivain, en l’occurrence, un certain Paul FREIRE, qui parait-il, avançait que « Le pouvoir n’a pas peur des pauvres qui ont faim, il a peur des pauvres qui savent réfléchir. »
Qu’il me soit permis cependant de rectifier, tout humblement, que « le pouvoir a tout intérêt à redouter tous les pauvres, sans distinction ». Ils constituent tous des factieux terrifiants en toute période.
On observe fréquemment que le chômeur et le désœuvré vivent d’expédients, à défaut de l’aide ponctuelle des parents ou d’amis, parfois vivant eux-mêmes la même précarité.
La situation sociétale reste alors tendue au point de pousser les intéressées, à bout de souffle, à envisager des solutions extrêmes : suicide, avortement, délinquance multiforme, etc.
La mise en place d’une Allocation Vitale Temporaire (AVT)
Et c’est précisément pour pallier ces extrémités souvent tragiques, qu’il nous a paru utile d’envisager des thérapies palliatives, en plaidant pour la mise en place par l’Etat d’une Allocation Vitale Temporaire Encadrée appelée : AVTE dont les conditions d’octroi et les profils des bénéficiaires seront précisés, parce qu’il ne s’agit pas ici, de faire du chômage ou du désœuvrement volontaire, une fonction permanente rémunérée, mais simplement d’aider pour un temps, des compatriotes en situation difficile. Et dans notre GABON, on en compte des milliers qui végètent encore sur le trottoir de la rue de l’opulence.
Des situations intenables qui heurtent la conscience et qu’il conviendrait de dévier du paysage d’un pays riche mais surtout sous peuplé. Comme le font d’autres contrées pétrolières sous d’autres cieux, il est tout à fait tenable de réserver une partie de notre richesse à cette catégorie de gabonais.
Alors, il serait hautement souhaitable que le choix d’un soutien financier provisoire ou ponctuel, en faveur des démunis nationaux, intègre la réflexion des autorités du CTRI. Le rejet de cette option, croyons-nous, serait peu glorieuse pour la nation.
Si on veut bien concevoir que la richesse d’un pays ce soit d’abord ses habitants, il faut bien placer l’homme au centre du développement multidimensionnel et multisectoriel national. Et si on veut encore admettre avec d’autres, que « la délinquance en particulier est le coût d’une mauvaise politique sociale ». On déduit de ce qui précède que le coût global de l’adoption du projet de l’AVT est fort raisonnable.
De plain-pied, on en vient maintenant à la question cruciale qui pourrait tarauder les esprits.
- Comment financer cette allocation vitale dans un contexte économique difficile, avec une dette qui étrangle nos finances ?
C’est une interrogation majeure. Sans moyens financiers, une telle aide n’est pas envisageable, surtout en période de crise économique, par exemple.
Il conviendrait donc de scruter plusieurs pistes d’analyses :
- Premièrement, il faut d’abord bien convenir que la vie et la dignité d’un homme restent une priorité pour tout Etat.
A partir de cette vision, il faut alors, par voie de conséquence, classer cette prestation financière parmi les dépenses prioritaires du pays.
- Deuxièmement, pour soutenir cet effort financier, on pourrait aussi bien envisager, par solidarité nationale, d’écrêter les hauts salaires dans la fonction publique. Et dans notre GABON, il existe indéniablement des hauts salaires et diverses primes substantielles. Ce n’est un secret pour personn
- Troisièmement, nous restons persuadés que la création d’une taxe en couverture de cette allocation serait tout aussi justifiée que celle qui affecte le tabac, l’alcool, le luxe, les jeux, etc.
- Quatrièmement, on pourrait tout aussi plaider l’affectation d’une partie du budget annuel du pays à la couverture de cette assistance sociale particulière.
En effet, on le sait, aujourd’hui, notre budget rectifié excède largement les quatre mille milliards de francs CFA. Sur une population de deux millions trois cent mille habitants, les Gabonais ne dépassent guère un million huit cent mille habitants, sauf à parfaire les statistiques souvent confidentielles. Et même s’ils dépassaient ce chiffre, ils n’atteignent pas deux millions d’habitants, au regard du flux d’immigrés que regorge notre pays.
Mais, si on s’en tient aux chiffres souvent avancés de 35% de chômeurs, et si le montant de cette allocation proposée, oscille autour de 80.000 à 100.000 francs par personne et par mois, on peut soutenir que la somme affectée à la lutte contre la précarité, autour de 8% du budget sus indiqué, reste tenable.
Devant l’afflux prévisible des spécialistes verveux, qui pourraient réfuter cette modeste analyse, d’ores et déjà, nous indiquons que l’idée n’est pas ici d’ouvrir un débat intellectualiste sur la condition humaine, mais tout uniment, d’attirer l’attention des Pouvoirs publics sur la nécessité et l’urgence d’aider les pauvres en général et surtout les jeunes sans emploi.
D’autres solutions et propositions restent évidemment envisageables sur la couverture périodique de cette assistance financière.
La Constitution en gestation impose à l’Etat le respect du droit au travail
Aux termes des dispositions constitutionnelles prévues dans les articles 31 et 32, chaque gabonais a le droit d’obtenir un emploi et le devoir de travailler.
Il s’ensuit que l’Etat a l’obligation de faciliter l’accès au travail de ses ressortissants. La même Loi fondamentale, impose à l’Etat l’obligation de respecter celle-ci.
S’agissant particulièrement des jeunes, l’Etat a l’obligation de protéger les jeunes contre l’abandon moral, intellectuel et physique, conformément à l’article 30 de cette Première Loi.
À l’exception des conceptions chiches, chacun peut s’accorder sur l’extrême urgence aujourd’hui de résoudre l’équation de la précarité ambiante, afin de prévenir une explosion sociale probable et d’éviter à terme de recevoir sur le visage une boule sociale puante.
Les personnes ciblées par cette assistance temporaire
Les personnes visées ici par le projet de l’Allocation Vitale Temporaire-AVT- relèvent de plusieurs catégories :
- D’abord les chômeurs, c’est-à-dire, les personnes formées, demandeurs d’emploi, ou qui ont perdu un emploi.
Il faut préciser qu’il ne s’agit pas, en l’occurrence, des chômeurs volontaires, qui refusent d’exercer un emploi, ni d’allocations versées par les employeurs et les employés à un organisme public qui les repartit, système que l’on trouve sous d’autres cieux, mais ici, il ne s’agit que d’un concours financier temporaire de l’Etat, en faveur des bénéficiaires ciblés.
On pourrait bien dans ce sens imaginer la création d’une forme d’assistance chômage encadrée par une agence, par exemple.
- Ensuite, les apprenants en fin de cycle scolaire ou de formation à la recherche d’un premier emploi, à qui on pourrait, par exemple, le cas échéant, maintenir l’allocation de la bourse pendant toute la durée du dénuement.
- Enfin, l’infinité des jeunes désœuvrés du pays, source de nombreux maux, notamment de l’expression de la délinquance en général et surtout de l’insécurité. Ces jeunes compatriotes dépourvus de formation, d’éducation et de revenus, et qui n’exercent aucune activité professionnelle, sont particulièrement concernés, par ce concours financier de l’Etat.
On peut également inclure dans cette énumération :
- Les personnes âgées abandonnées par leur famille et vivant seules ;
- Les jeunes filles abandonnées et vivant seules avec des enfants de père inconnu ou introuvable. Dans ce cadre, il n’est pas inutile d’envisager à terme, l’ouverture d’un centre d’accueil des personnes abandonnées ;
- L’ouverture d’un centre de formation professionnelle auprès de chaque établissement pénitencier du pays.
Cette liste n’est pas exhaustive, mais elle n’en est pas moins symptomatique de la situation sociale actuelle du pays.
Quand on veut on peut
On sait bien, prosaïquement, que « quand on veut on peut ». Entendons-nous bien, on ne demande pas aux différents décideurs publics d’incarner l’Abbé Pierre ou la Mère Theresa, mais tout uniment, d’être patriotes et d’intégrer dans leur réflexion de dirigeants, que tous les nationaux du pays qu’ils dirigent, ont légitimement vocation à bénéficier d’une répartition relativement équitable des ressources de leur pays commun…
C’est par cette déférente invite aux Pouvoirs publics que nous clôturons cette évocation. Nous souhaitons la partager à tire-larigot avec tous les patriotes charitables, afin de raviver l’éthique, la justice et la solidarité dans notre paisible contrée.
Maître Séraphin NDAOT REMBOGO
Docteur en Droit
Docteur en Histoire
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