À travers ses 801 propositions d’amendement, le Parlement s’est prononcé sur le fond et la forme. Faut-il procéder à de nouveaux arbitrages ? Certainement. Faut-il soumettre l’avant-projet à un autre regard ? Pourquoi pas ?

Selon le chronogramme de la Transition, un référendum doit être organisé entre novembre et décembre 2024. Autrement dit, les initiateurs du texte disposent encore d’un peu plus d’un mois et d’un peu moins de trois mois pour chiader le projet de Constitution. © GabonReview

 

Depuis la fin du Dialogue national inclusif (DNI), le débat public tourne autour de la future constitution : sur l’opérationnalité d’un «régime plus présidentiel que ce qu’on a connu jusque-là», comme sur la capacité de nos institutions à se plier aux servitudes d’une «séparation rigide des pouvoirs», tant de réserves ont été émises. Suite à la fuite de l’avant-projet rédigé par le Comité constitutionnel national (CCN) et davantage au terme de la Constituante, ces réserves ont gagné en résonance : à travers ses 801 propositions d’amendement, le Parlement s’est prononcé sur le fond et la forme. Tout en remettant en cause les deux grandes orientations de la sous-commission «Politique et institutions» du DNI, il a émis des doutes sur la structuration du texte. Il appartient maintenant au gouvernement et au Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) de trouver le meilleur moyen de capitaliser ces contributions.

Pour un élargissement du processus

D’importance capitale, l’objectif ultime est connu : parvenir à un texte consensuel, porté par l’ensemble des organes de la Transition, accepté par toutes les forces sociales et compris par une large majorité de la population. Sans rejeter le travail abattu jusque-là, il faut dire les choses comme elles sont : le chantier semble encore immense. Sur la nature du régime, la répartition des rôles entre pouvoirs constitués et au sein de l’exécutif, les procédures d’urgence, la responsabilité politique et pénale des élus, les mécanismes de révision, comme sur la protection des droits et libertés des citoyens ou la place de l’autorité judiciaire, des précisions semblent nécessaires. Faut-il, pour cela, procéder à de nouveaux arbitrages ? Certainement. Faut-il soumettre l’avant-projet à un autre regard ? Pourquoi pas ? Comme le dit l’universitaire Romuald Assogho Obiang, «les 801 amendements de la Constituante (peuvent) offrir une opportunité pour ordonner la rectification de la trajectoire de la réforme» en gestation.

En auditionnant le vice-président du Syndicat des magistrats, le bâtonnier de l’ordre des avocats, le président du Conseil national de la démocratie (CND), le doyen de la faculté de droit et le directeur de l’Institut de recherche en sciences humaines (Irsh), les parlementaires ne voulaient pas seulement recueillir des explications et avis techniques. Ils avaient aussi à cœur de donner la parole à des entités tenues quelque peu en marge jusque-là. Implicitement, ils cherchaient à élargir la consultation aux corps intermédiaires. Sans le proclamer, ils ont plaidé pour un élargissement du processus. Ont-ils été entendus ? La suite le dira. Pour l’heure, le CTRI et le gouvernement doivent procéder à l’examen de leur rapport. Vont-ils donner suite aux recommandations de la Constituante ? Une fois encore, le temps le dira.

Une situation porteuse d’incertitudes

Le CTRI et le gouvernement ne sont nullement liés par les «avis motivés» de la Constituante, certes. Mais, pour maintenir «le dialogue et l’esprit de consensus», il vaut mieux en tenir compte. De même, pour créer les conditions d’une participation massive au prochain référendum, il vaut mieux agir dans la transparence et avec la plus grande ouverture. À cet effet, il faut commencer par entendre les réserves et critiques, peu importe la qualité de leurs auteurs. Avec froideur et recul, il faut ensuite analyser les argumentaires, quitte à les soumettre à une expertise neutre. Méthodiquement et en toute humilité, il faut enfin s’ouvrir aux acteurs de terrain, organisations de la société civile, partis politiques et journalistes familiers des questions juridiques et institutionnelles. S’il faut en appeler à d’autres intelligences, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain pour autant, la mouture préparée par le CCN étant une base de travail.

Selon le chronogramme de la Transition, un référendum doit être organisé entre novembre et décembre 2024. Autrement dit, les initiateurs du texte disposent encore d’un peu plus d’un mois et d’un peu moins de trois mois pour le chiader. Conformément à l’article 12 du décret n° 0358/PT-PR/MRI du 09 septembre 2024, cette tâche revient au gouvernement et au CTRI. Mais, eu égard à l’enjeu, au regard de la controverse suscitée par l’avant-projet et au vu de la complexité du processus, ils ne perdraient rien à élargir la concertation. Bien au contraire. Au lieu de céder à l’enfermement, au risque de nourrir la suspicion, ils doivent essayer de sortir par le haut d’une situation de plus en plus inextricable et porteuse d’incertitudes.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Bertin dit :

    Dès lors que le dialogue n’a pas satisfait aux attentes, la suite logique est celle que l’on observe, plus de 800 amendements à la constituante, ça interpelle sur la qualité des travaux du Dialogue. Ayons le courage de reconnaitre qu’on s’est trompé et revenons a un dialogue véritablement inclusif sous le format de la conférence nationale de 90. Au sortir de là, on aura un texte qui fasse consensus et le referendum ne sera qu’une formalité.

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