Léod Paul Batolo, l’Administrateur directeur général de la Compagnie minière de l’Ogooué, fait face à une crise au sein du premier producteur mondial de manganèse à haute teneur. Si elle est au stade de préavis de grève, les prochains jours pourraient aboutir à la paralysie générale de l’entreprise. Six syndicats pour un peu plus de 2 000 employés se sont ligués pour exiger de meilleures conditions de travail, la revalorisation des carrières et surtout le départ de l’ADG. En immersion au sein de l’entreprise, les voix divergent. Les avis des agents sont partagés sur les revendications et surtout sur la méthode. Il faut communiquer, dialoguer souhaitent le plus grand nombre, majorité silencieuse.

À Comilog, plusieurs cadres et simples employés estiment que «Tout doit se faire dans un climat apaisé» et dans le dialogue. © GabonReview

 

Récemment, les six syndicats des travailleurs de la Compagnie minière de l’Ogooué (Comilog) ont déposé à leur direction générale un préavis de grève qui pourrait prendre effet, le 3 septembre prochain. Des revendications y sont consignées et portent essentiellement sur de meilleures conditions de vie, de travail et des revalorisations de carrières. Sauf qu’un point et non des moindres polarise l’attention : la demande du départ de l’Administrateur directeur général (ADG). Une revendication qui, visiblement, passe mal même au sein de l’entreprise où plusieurs employés, ménagère comme ouvrier des mines jusqu’à des cadres de l’entreprise, ne cernent pas son opportunité. 

«Il y a de réels problèmes. Mais, il y a de l’exagération et de la récupération politique».

Pour avoir tous les sons de cloche, les avis des acteurs des syndicats, des ouvriers, des cadres et de l’administration, GabonReview a été en immersion au sein de cette entreprise, filiale gabonaise du groupe Eramet, à Moanda. Des choses et d’autres ont été récoltées. Chacun y va de son analyse au sein de la structure et plusieurs observations reviennent : «Il y a de l’exagération dans la démarche des syndicats, récupération politique, conflit ethnique et absence de dialogue».

Regroupés en Collectif des syndicats de la Comilog, les six syndicats défendant les intérêts des travailleurs au sein de la Société ont déposé, le 16 puis le 19 août, un préavis de grève respectivement chez le président du Conseil d’administration et chez l’ADG. Le document invoque un certain nombre de griefs reprochés au Comité de direction (Codir) de l’entreprise. On y relève notamment, «les négociation triennales jamais débutées sans préavis de grève, les négociations triennales jamais entièrement abouties, les résolutions du dialogue sociale ne sont pas appliquées (Suite des négociations triennales de 2020 : licenciements abusifs (Cas des agents de la carrière), PAP (Acquisition d’une parcelle à l’Estuaire, revalorisation du prêt interne), plan de carrière (les agents bloqués en catégorie depuis plusieurs années, les intérims non-formalisés, intérim et avenants aux contrats du travail en violation de la convention collective), accusation et emprisonnement des travailleurs sans preuve formelle et sans respect de la procédure judiciaire (agent de la carrière accusés du vol de carburant, agent du CMM accusés de vol du cuivre)».

Ce cahier de charges invoque également «la discrimination des promotions et avancements (non-respect des résolutions des Comités de carrière…), nombre élevé de licenciements, les sous-effectifs entretenus, remplacement des Gabonais au profit des expatriés aux postes les plus élevés de l’organigramme de l’entreprise, la diffusion ou partage d’informations inexactes».  

Des revendications amenant ces syndicats à demander le départ de l’ADG, sinon ils entameront une grève illimitée dès le 3 septembre. «Il y a de réels problèmes. Mais, il y a de l’exagération et de la récupération politique. Notre faute est d’aller chercher la tête du grand patron», a déploré un ouvrier de la mine, syndiqué du Syltrac.

© GabonReview

«Ces mouvements ne sont pas représentatifs des employés», «éviter les guerres de personnes»

Les uns comme les autres rappellent que le droit de revendiquer de meilleures conditions de travail et de vie est légitime. Toutefois, ils relèvent des incompréhensions relatives aux «motivations des syndicats qui ne sont pas toujours bien coordonnés» et certains laissent même entendre que «ces mouvements ne sont pas représentatifs des employés». «On doit utiliser le syndicat pour le bien du travailleur et non pour d’autres intérêts», a dénoncé un membre du Smiga. Pour lui, «derrière cette agitation, il y a un conflit ethnique et l’envie du pouvoir de certains tapis dans l’ombre».

S’agissant de ce «conflit ethnique», des ouvriers et autres cadres de l’entreprise ayant accepté de se prononcer indexent les communautés Téké contre les Awandji. «Les premiers ont dirigé l’entreprise. Qu’ils laissent maintenant d’autres travailler aussi. Pourquoi agiter les cocotiers dans l’ombre pour déstabiliser les dirigeants actuels ?» a interrogé un autre syndiqué.

S’adressant aux employés lors du «quart d’heure social» destiné à la sensibilisation et à l’échange avec le Codir, le directeur des relations publiques et de la Communication de la Comilog, André Massard déclarait : «On doit revendique. On doit réclamer. Mais, on doit éviter les guerres de personnes, les querelles ethniques. On doit éviter de s’attaquer à X ou Y».

Ce qui est certain, c’est que l’administration de la Comilog assure que les «choses avancent, peut-être pas à la vitesse souhaitée». La directrice des ressources humaines, Safi Virginius, a d’ailleurs présenté quelques points en réponse aux préoccupations des syndicalistes. Pour les résolutions des Commissions de dialogue social qui ne seraient pas appliquées, l’administration de la Comilog répond par la négative. «Le 25 juillet, la première commission de suivi a eu lieu en présence des partenaires sociaux», indique-t-on ajoutant que «sur les 8 premiers mois de l’année, le taux d’avancement est de 52%».

Plus de 150 heures de réunions en 2 ans

Concernant les licenciements, le Codir confirme que 49 personnes ont été licenciées en 4 ans. «44 Personnes ont été radiées pour fautes graves ou lourdes (alcoolémie, non-respect des procédures de sécurité, absences injustifiées», a expliqué la DRH, précisant que «sur la même période, 643 personnes ont été embauchées».

S’agissant du «mépris, de la discrimination» dont feraient l’objet certains employés, la Comilog s’inscrit en faux, observant que «la direction générale a répondu avec des actions concrètes aux sollicitations des partenaires sociaux», leur consacrant plus de 150 heures de réunions en 2 ans. 

Alors que les syndicats relèvent que les «objectifs sont surévalués et que l’entreprise est en sous-effectifs», le Codir estime que cela n’est pas exact d’autant plus que «la Comilog a produit 7,5 millions, transporté et embarqué 7,25 millions de tonnes en 2023». En conséquence, souligne l’entreprise minière, «augmenter l’objectif de 250.000 tonnes, soit 3% en 2 ans est raisonnable».

La plupart des agents de la Comilog reconnaissent la nécessité de s’assoir autour d’une même table pour négocier, dialoguer. «Tout doit se faire dans un climat apaisé dont nous avons tous la responsabilité…On doit éviter les divisions. S’il y a un malaise, il faut s’assoir et discuter», a souhaité le Directeur des relations publiques quand, sous l’anonymat, un agent regrettait indiquant que «c’est déplorable que quasiment tous les trois mois, il y a un préavis de grève». «La lutte syndicale doit être pour des intérêts collectifs et non pour les intérêts politiques de quelques personnes», a-t-il fait remarquer.

 
GR
 

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