Par des références répétées et inopportunes au président de la Transition ou au CTRI, parlementaires et ministres ont transformé le référendum en plébiscite. Les acteurs de la Transition ont tout intérêt à recentrer les choses.

Les populations ne sont plus invitées à se prononcer sur la future constitution. Elles sont insidieusement encouragées à dire si elles entendent continuer avec le CTRI et Brice Clotaire Oligui Nguéma. © Kyara Djimbi

 

Dangereux glissement. Jour après jour, la pré-campagne prend une curieuse tournure. Semaine après semaine, elle s’écarte de l’enjeu initial. Discours après discours, elle installe la confusion. Censée permettre à l’opinion, singulièrement aux masses populaires, de se faire une idée précise de la Constitution en gestation, elle vire en une sorte de palabre sur l’action du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI). Autrement dit, le référendum constitutionnel prévu pour la fin de l’année est en passe de se muer en plébiscite, avec tous les risques induits. Comme si ce scrutin vise à apprécier le processus en cours, les tenants du «oui» rivalisent d’emphase pour saluer «le coup de libération», affirmer leur soutien au président de la Transition, proclamer leur «patriotisme» ou se féliciter des travaux d’infrastructures. Campant sur la même logique, les chantres du «non» n’ont pas de mots assez durs pour flétrir la gouvernance du CTRI.

Un curieux lien

Engagée sous le regard interloqué de l’opinion, la tournée des parlementaires de la Transition a consacré cette dérive plébiscitaire. Ne disposant pas d’assez d’informations sur le contenu du texte, députés et sénateurs ont essentiellement disserté sur deux points : le bilan et les perspectives de la Transition. Comme on pouvait l’anticiper, tout ceci a débouché sur une autre préoccupation : l’avenir du président de la Transition. Du coup, les populations n’ont plus été invitées à se prononcer sur la future constitution. Elles ont plutôt été encouragées à dire si elles entendent continuer avec le CTRI et Brice Clotaire Oligui Nguéma. Insidieuse ou involontaire, cette manœuvre tend à personnaliser l’enjeu voire à conditionner la suite de la Transition au résultat du référendum. Du coup, elle oblige les autorités actuelles à œuvrer à une victoire du «oui» à tout prix, y compris de méthodes décriées.

Dans un tel contexte, les vacances des membres du gouvernement n’ont rien arrangé. Bien au contraire. Invités à se rendre dans leurs localités afin de recueillir les «aspirations et préoccupations des Gabonais», les ministres n’ont pu s’empêcher de vanter le bilan et la gouvernance du CTRI, de se poser en laudateurs du président de la Transition et d’établir un curieux lien avec le référendum. «Chaque Gabonais dans sa conscience doit (…) voter pour le oui», a-t-on, par exemple, entendu de la bouche du ministre de la Culture, conditionnant le développement du département d’Etimbwé dans l’Ogooué-Maritime au résultat du scrutin à venir. Comme s’il était question de valider un projet de société ou un programme de gouvernement, son collègue en charge des Affaires étrangères en a rajouté : «L’objet du référendum est que tout ce que nous voulons pour notre pays soit recensé dans un document», a-t-il lancé avec un rare aplomb. On tombe des nues…

Considérations personnelles et calculs politiciens

Par des références répétées et inopportunes au président de la Transition ou au CTRI, parlementaires et ministres ont fini par dévoyer le sens et la portée du référendum, le transformant en plébiscite. Or, si le référendum porte sur les institutions, le plébiscite s’adresse à un pouvoir établi. Généralement, il comporte un aspect de ratification et emporte des conséquences au plan politique. On l’a vu en France lors du référendum constitutionnel de 1969 : ayant cédé à la personnalisation du débat, le général De Gaulle prit l’engagement d’en tirer les conséquences au plan politique. Ainsi, après la victoire du «non», il fut naturellement contraint à la démission, ouvrant la voie à une présidentielle anticipée. Même si le parallèle peut sembler forcé, il faut s’en souvenir. Quand bien même, comparaison n’est pas raison, il faut se garder d’induire un tel risque, une campagne référendaire ne pouvant se fonder sur des généralités.

Lancés, entre autres, par les députés Jean-Valentin Léyama et Geoffroy Foumboula Libéka Makosso, les appels à la retenue ne sont pas dénués de sens : face aux risques induits par la dérive plébiscitaire, il parait plus sage d’attendre le texte pour discuter de son contenu. Si notre confrère Radio France internationale a divulgué quelques éléments et, si les conclusions du Dialogue national inclusif (DNI) peuvent servir de base, tout ceci reste très insuffisant.  Pollué par des considérations personnelles, calculs politiciens, le débat doit absolument se focaliser sur des questions pouvant figurer dans la Constitution. Or, à ce jour, il porte sur à peu près tout. De ce point de vue, les acteurs de la Transition ont tout intérêt à recentrer les choses. Autrement, cette malheureuse séquence historique pourrait avoir des conséquences inattendues sur la suite du processus.

 
GR
 

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