Qui profite de la gestion du pavillon maritime du Gabon ? Sinon, qu’en reçoit le Trésor public gabonais ? Quel est le contrôle du Gabon concernant la sécurité et la réputation des navires immatriculés sous son pavillon ? Il y a que l’étendard maritime gabonais se retrouve de plus en plus au cœur de scandales internationaux, menaçant non seulement la réputation du pays, mais aussi la sécurité des mers du globe alors même que le pays se voudrait champion de la protection de l’environnement. Interrogations perspicaces, à l’adresse du CTRI, sur un système opaque dont on ignore les bénéficiaires mais qui pourrait coûter cher au Gabon.

Qui tire les ficelles de la flotte fantôme battant pavillon gabonais ? Un mystère qui secoue les eaux troubles du trafic maritime international. © GabonReview

 

Ces derniers temps, le Gabon s’est assez souvent retrouvé au cœur de polémiques internationales amenant à de sérieuses questions sur la gestion de son pavillon maritime. Alors que le pays cherche à se positionner comme un acteur responsable sur la scène internationale, une série d’incidents impliquant des navires battant pavillon gabonais jette une ombre inquiétante sur la réputation du pays.

Le pavillon gabonais : un bouclier pour les navires hors-la-loi ?

Selon plusieurs enquêtes menées par des sites spécialisés comme Baird Maritime et bien d’autres parfois relayées GabonReview, le pavillon gabonais serait devenu un refuge de choix pour ce que les experts appellent «flotte fantôme» ou «dark fleet». Il s’agit de pétroliers âgés, mal entretenus et souvent non assurés, qui sillonnent les mers du globe en contournant les sanctions internationales.

L’incident le plus récent, survenu en janvier 2024, concerne le pétrolier Marlin, touché par un drone en mer Rouge alors qu’il battait pavillon gabonais. Cet événement s’inscrit dans une série d’incidents inquiétants, comme l’explosion du pétrolier Pablo en 2023, qui avait déjà mis en lumière les failles du système d’immatriculation maritime gabonais. Plus inquiétant encore, en février 2024, un autre pétrolier battant pavillon gabonais a été arraisonné au large de la Libye, soupçonné de contrebande de carburant. Cette récurrence devrait amener les nouvelles autorités gabonaises à examiner de près l’utilisation du pavillon gabonais, notamment pour ce qui concerne les activités illicites.

Face à ces scandales à répétition, il est légitime de se demander qui, au Gabon, tire profit de cette situation. En effet, depuis 2018, la gestion du registre maritime gabonais a été déléguée à une société privée basée aux Émirats arabes unis, Intershipping Services. Cette décision, prise sous l’ancien régime d’Ali Bongo Ondimba, devrait amener les militaires du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), actuellement au pouvoir, à en savoir davantage sur les motivations réelles de ce choix et sur les bénéficiaires de cet arrangement, certainement des pontes du régime déchu. Les autorités gabonaises, notamment le gouvernement de transition issu du coup d’État d’août 2023, se doivent donc absolument de clarifier cette situation.

Qui profite du pavillon gabonais ? Le mystère des bénéficiaires occultes

Quels sont les termes exacts de l’accord avec Intershipping Services ? Quelles sommes sont versées au Trésor gabonais en échange de ce droit d’utiliser le pavillon national ? Et surtout, quels contrôles sont effectués pour s’assurer que les navires immatriculés respectent les normes internationales de sécurité ?

Faut-il rappeler que, deux mois après l’arrivée des militaires au pouvoir, le Gabon a tenté de redorer l’image de son pavillon maritime ? En novembre 2023, en effet, un accord a été signé avec Tasneef, une société de classification des Émirats arabes unis, pour certifier les navires battant pavillon gabonais. L’initiative reste vraisemblablement insuffisante face à l’ampleur du problème.

La communauté internationale commence à réagir. Certains pays, comme les Émirats arabes unis, envisagent d’interdire l’accès à leurs ports aux navires battant des pavillons jugés peu fiables. Le Gabon risque ainsi de se retrouver sur ces listes noires s’il ne prend pas rapidement des mesures drastiques pour assainir son registre maritime.

Quid du blason gabonais de champion de la protection de l’environnement ?

Les enjeux sont considérables, tant sur le plan économique qu’environnemental. Les navires de la «flotte fantôme» représentent un danger réel pour la sécurité maritime, avec des risques élevés de pollution et d’accidents graves. Dans un contexte où le pays se veut champion de la protection de l’environnement, l’utilisation du pavillon gabonais pour contourner les sanctions internationales pourrait avoir des conséquences diplomatiques sérieuses pour le pays.

Il est temps que les nouvelles autorités gabonaises prennent leurs responsabilités et mettent en place un système de contrôle rigoureux de leur pavillon maritime. Cela pourrait passer par une renégociation de l’accord avec Intershipping Services, voire par une reprise en main directe du registre maritime par l’État gabonais.

Le Gabon tient là l’opportunité de se positionner comme un exemple de bonne gouvernance maritime en Afrique. Mais pour cela, il faut une volonté politique forte et une transparence totale sur la gestion actuelle du pavillon national. Les citoyens gabonais, premiers concernés par l’image de leur pays à l’international, sont en droit d’exiger des réponses claires de leurs dirigeants sur cette question cruciale.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Percis Mouelet dit :

    Les navires en question sont immatriculées et enregistrés sur un registre tenu à Dubai par Intershipping Service LLC. Ce cabinet a aussi 1 bureau en Grèce et 1 en Inde. Tout ça fut lancé par Justin Ndoundangoye en avril 2019
    Je crois que Gabonreview avait fait des articles à l’epoque.

    Mais, en droit international, la responsabilité de l’État du pavillon n’a jamais été clarifiée parce.que les États unis s’y opposent pour protéger Panama. N’empche, le Gabon peut saisir le tribunal international du droit de la mer à Hambourg, quitte à créer un précédent.

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