Le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) a institué une Journée nationale de la Libération, avant de créer un Ordre national de la Libération. Il faut, par conséquent, interroger la portée historique et la viabilité à long terme de ces décisions.

Ayant institué une Journée nationale de la Libération le 30 août de chaque année, le CTRI a tout intérêt à s’inscrire dans la rupture et le long terme, au lieu de pratiquer un rassemblement aux allures de recyclage d’un personnel aux états de service controversés. (image à titre illustratif) © Facebook/ Présidence Gabon

 

En instituant une Journée nationale de la Libération le 30 août de chaque année, le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) a voulu marquer cette date d’une pierre blanche. En créant un Ordre national de la Libération, il a pris l’engagement de rendre hommage aux personnes ayant œuvré au renversement du régime symbolisé par le Parti démocratique gabonais (PDG) et incarné par Ali Bongo. Comme chacun le sait, ces événements furent unanimement accueillis dans la ferveur, les populations n’ayant pas assez de mots pour dire leur soulagement d’avoir échappé à «un bain de sang de plus». L’ayant compris et intégré, le CTRI a pris l’option de les inscrire dans le grand récit national toujours en cours d’écriture. Il faut, par conséquent, interroger la portée historique et la viabilité à long terme de ces décisions.

Froideur et recul

Aux termes du décret n°0096 du 15 février 2024, la Journée nationale de la Libération vise à célébrer «la libération du peuple gabonais du régime autocratique et totalitaire dans lequel il a vécu durant de nombreuses années». Selon décret n°294 du 31 juillet 2024, l’Ordre national de la Libération doit permettre de «récompenser les individus et les collectivités militaires et civiles qui se sont distingués dans l’action du coup de la libération du Gabon du 30 août 2023, ainsi que pendant la période de transition qui a suivi». À l’évidence, ces dispositions constituent un double engagement. D’une part, le CTRI affirme implicitement son intention de conduire le Gabon sur le chemin de la démocratie libérale. D’autre part, il proclame son ambition d’œuvrer à l’émancipation des populations. Autrement dit, la période actuelle doit déboucher sur un système politique pluraliste, garantissant les libertés individuelles et le respect du suffrage universel. Elle doit aussi accoucher d’une économie libérale, régie par la loi du marché.

Peu importe les tentations du moment, le CTRI doit avoir ces objectifs à l’esprit. La transition étant en cours, il doit se donner les moyens d’y parvenir. Les premières nominations à l’Ordre national de la Libération étant attendues pour les prochains jours, il doit en dresser la liste avec froideur et recul. Et pour cause : encore marquées par ces années de «régime autocratique et totalitaire», les populations ne manqueront pas de la passer au scanner. Traumatisées par les abus et outrances de certains compatriotes, elles comprendraient mal leur élévation à la dignité de «compagnon de la libération». À l’inverse, certaines absences donneraient lieu à interprétations tendancieuses. Si on se gardera de citer des noms, on peut au moins le dire : les événements marquants des périodes allant de novembre 2018 ou de mars 2023 à août 2023 peuvent servir d’aiguillon.

Dans la rupture et long terme

Comme la pérennité de la Journée nationale de la Libération, la crédibilité de l’Ordre national de la Libération constitue un défi pour le CTRI. Certes, les populations ont spontanément soutenu le coup de force du 30 août. Mais, sur le moyen et long termes, leur appréciation dépendra des réalisations et du legs de la Transition, notamment s’agissant de la qualité des élections, du respect des libertés individuelles et de la promotion de l’initiative privée. De même, si elles ont compris la nécessité de reconnaître les efforts de chacun, elles ont un avis tranché sur les agissements de tous. Dans leur esprit, certaines personnalités portent une lourde responsabilité dans la «dégradation continue de la cohésion sociale». Et tant pis si notre histoire est jalonnée de non-dits, angles morts et secrets. Si des arrangements de couloir ont d’aventure eu cours, il serait même indiqué de les taire, au risque de retourner l’opinion.

Même si elles semblent relever de la pinaillerie, le CTRI gagnerait à prendre certaines précautions. Du fait de la présence en leur sein de cadres voire de caciques du régime déchu, le gouvernement et l’Assemblée nationale de la Transition ont instillé doute et scepticisme dans l’opinion. Dès lors, le CTRI a tout intérêt à s‘inscrire dans la rupture et le long terme, au lieu de pratiquer un rassemblement aux allures de recyclage d’un personnel aux états de service controversés. N’ayant pas suscité de débats passionnés, la création de l’Ordre national de la Libération n’a été accueilli ni avec chaleur ni avec fraîcheur. De ce point de vue, nul ne saurait dire si l’opinion y a adhéré ou pas. A cet égard, les premières nominations seront déterminantes. En tout cas, elles permettront à chacun d’y voir un peu clair.

 
GR
 

2 Commentaires

  1. Serge Makaya dit :

    Puisque mon fils ne m’écoute pas, alors je vais faire un vrai coup d’Etat…
    C’est pour BIENTÔT…

    SERGE MAKAYA

  2. Yann Lévy Boussougou-Bouassa dit :

    Hum… cela ressemble encore à un effet de manche. Le peuple doit savoir garder la tête froide, encore plus par ces temps. Coup de libération ?! Je préfère encore attendre avant de me prononcer. Mes quelques années m’ont enseigné que vérité et félonie sont filles du temps. L’essor vers la félicité ? Je l’attends, comme on attend le repos après une journée harassante. Mais dans ma liste au père Noël j’ai commandé des dirigeants au service de l’intérêt général et une croissance économique plus solide et profitable aux compatriotes. J’attends donc. Seul le temps me dira si mon vœu était réaliste ou pieu.

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