À travers une décision que l’on pourrait qualifier d’historique, la justice gabonaise a disculpé Hans Obame Otounga, victime présumée de torture, accusée d’avoir menti quant à sa maltraitance par les forces de l’ordre. Le rendu du tribunal ébranle les fondations d’un système longtemps accusé de fermer les yeux sur les abus. Cette affaire, qui mêle allégations de violences policières et courage judiciaire, pourrait bien marquer un tournant dans la lutte contre l’impunité au Gabon. Retour sur une décision judiciaire qui questionne les pratiques de l’État et ravive l’espoir d’une justice équitable pour tous.

«Si nous voulons vraiment tourner la page de ces pratiques barbares, il faut que justice soit rendue, quel que soit le statut des accusés.» © GabonReview

 

La toute récente décision du Tribunal correctionnel de Libreville dans l’affaire Hans Obame Otounga a provoqué une sorte d’onde de choc dans l’opinion publique gabonaise, soulevant des questions cruciales sur l’état de droit et la pratique de la torture dans le pays.

Il y a que, le 29 juillet, le tribunal a rendu un verdict inattendu en faveur de Hans Obame Otounga, citoyen gabonais de 34 ans. Poursuivi pour diffusion de fausses informations suite à des allégations de torture lors de sa garde à vue dans les locaux de la Direction générale des recherches (DGR), Obame Otounga, frère de Thibaut Adzatys le célèbre et parfois fâcheux activiste Facebook, a été disculpé de toutes les charges portées contre lui.

Cette décision, rare dans les annales judiciaires gabonaises, a non seulement innocenté le jeune homme, mais a également validé implicitement ses accusations de mauvais traitements. «C’est un verdict qui marque un tournant dans notre système judiciaire», déclare Me Jean-Paul Moumbembé, avocat de la défense, qui a joué un rôle crucial dans la présentation des preuves médicales.

Le certificat médico-judiciaire présenté lors de l’audience du 8 juin a révélé l’étendue des sévices subis par Hans Otounga. Le document, dont l’authenticité a été confirmée par le tribunal, fait état de «multiples cicatrices générales, des contusions dermatologiques, des insomnies et peurs hallucinatoires», entre autres blessures graves.

Un cadre juridique existant, mais peu appliqué

La décision du tribunal a ravivé le débat sur la pratique de la torture au Gabon, un pays ayant pourtant ratifié plusieurs conventions internationales interdisant ces pratiques. Le Gabon est, en effet, signataire de la Charte africaine des Droits de l’homme et des peuples, ainsi que du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui interdisent explicitement la torture et les traitements inhumains.

Au niveau national, l’article 11 de la Charte de la Transition et l’article 224-1 du Code pénal prévoient des sanctions sévères pour les auteurs d’actes de torture. Cependant, l’application de ces lois reste problématique. «Il existe un fossé entre la théorie et la pratique», explique un universitaire, expert en droit constitutionnel à l’Université Omar Bongo. «Le véritable défi réside dans la volonté politique d’appliquer ces lois, en particulier lorsqu’il s’agit d’agents de l’État

Vers une procédure contre les ‘flagelleurs’ ?

L’opinion publique gabonaise est vraisemblablement unanime : les responsables des actes de torture doivent être traduits en justice. Cependant, engager des poursuites contre des agents de l’État, en particulier ceux de la DGR, pourrait s’avérer complexe.

«Cette affaire pourrait servir de test pour notre système judiciaire», affirme un avocat ayant assisté au traitement de l’affaire en observateur non-impliqué. «Si nous voulons vraiment tourner la page de ces pratiques barbares, il faut que justice soit rendue, quel que soit le statut des accusés

L’affaire Hans Obame Otounga pourrait donc marquer un tournant dans l’histoire judiciaire du Gabon, en ceci qu’elle offre l’opportunité de renforcer l’état de droit et de lutter contre l’impunité des actes de torture. «Les actes de torture n’ont plus leur raison d’être au Gabon» affirme une militante des Droits de l’Homme au Gabon. «Il est temps que notre pays honore ses engagements internationaux.»

Alors que le pays s’apprête à célébrer le 63ème anniversaire de son indépendance, cette affaire rappelle que le chemin vers une démocratie pleine et entière est encore long. La manière dont les autorités gabonaises géreront les suites de cette affaire sera scrutée de près, tant par la communauté internationale que par les citoyens gabonais, avides de justice et de respect des droits humains.

 
GR
 

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