L’affaire étonne la frange de l’opinion gabonaise déjà informée : Hervé Patrick Opiangah, leader politique, ancien ministre et capitaine d’industrie, lance une offensive judiciaire contre un accord controversé ayant pour cadre le projet du Grand marché de Libreville et pour premier protagoniste la société WEBCOR ITP. L’action citoyenne d’Opiangah porte sur des soupçons de malversations au plus haut niveau de l’État, dans un dossier impliquant des milliards de francs CFA et une entreprise étrangère.

La démarche d’Hervé Patrick Opiangah, utilisant son statut de citoyen pour agir en dehors des clivages politiques, pourrait marquer un tournant dans la manière dont la société civile gabonaise s’engage pour la bonne gouvernance. © GabonReview

 

Rebondissement spectaculaire de l’affaire Webcor : Hervé Patrick Opiangah, figure éminente du paysage économique et politique gabonais, a déposé ce lundi 8 juillet 2024 une plainte contre X pour «concussion, fraude fiscale et infractions diverses à la gouvernance économique». Cette action en justice vise à faire la lumière sur un protocole transactionnel controversé signé récemment entre l’État gabonais et la société maltaise Webcor ITP.

Une action citoyenne

Hervé Patrick Opiangah, plus connu sous les initiales HPO, n’est pas un citoyen ordinaire. Capitaine d’industrie accompli et leader politique, il préside l’Union pour la démocratie et l’intégration sociale (UDIS). Son parcours inclut également un passage au gouvernement en tant que ministre des Mines au début de la transition politique actuelle au Gabon. Malgré son statut, HPO a choisi de porter plainte en tant que simple citoyen. Dans la période cruciale de transition, où les formations politiques se sont mises en retrait, il a certainement estimé que son devoir était d’agir en tant que Gabonais, sans étiquette particulière.

L’affaire Webcor, qui traîne depuis plus d’une décennie, concerne la construction avortée du Grand Marché de Libreville. En 2015, l’État gabonais avait suspendu le projet, provoquant un contentieux avec Webcor ITP. Après plusieurs batailles juridiques, la Cour d’appel de Paris a fini par donner raison au Gabon en annulant une décision arbitrale qui condamnait l’État à verser 66 milliards de FCFA à l’entreprise.

Contre toute attente, l’Agence judiciaire de l’État (AJE) et le Conseil d’État gabonais ont tout récemment signé un protocole transactionnel acceptant de payer cette somme à Webcor ITP. La décision a, assurément, suscité l’indignation d’Opiangah, qui y voit un acte potentiel de haute trahison. Comment, en effet, expliquer qu’alors que le Gabon avait gagné en appel, des représentants de l’État décident soudainement de céder aux exigences de Webcor ? La décision soulève en tout cas de graves questions sur l’intégrité de certains hauts fonctionnaires.

Crime de haute trahison ?

La plainte vise notamment Diane Moussounda, directrice générale de l’AJE, et Jean-Paul Komanda, premier président du Conseil d’État. Selon des sources proches du dossier, ces derniers auraient agi sans mandat clair du gouvernement de transition dirigé par le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI).

«Si les faits sont avérés, nous sommes face à un scandale d’État majeur », affirme un conseiller de la rédaction de Gabonreview, ajoutant : «Dans un contexte où le CTRI a promis de restaurer la bonne gouvernance, cette affaire pourrait sérieusement entacher sa crédibilité.» L’action en justice d’Opiangah s’appuie sur plusieurs articles de la Charte de Transition, notamment l’article 7 qualifiant de crime de haute trahison tout acte portant atteinte à la souveraineté de l’État.

Cette affaire intervient, en tout cas, dans un contexte politique tendu, alors que le Gabon tente de tourner la page de l’ère Ali Bongo. Elle met en lumière les défis persistants en matière de gouvernance et de lutte contre la corruption.

Reste à voir comment la justice gabonaise, souvent critiquée pour son manque d’indépendance et pour ne pas souvent dire le droit, traitera cette plainte explosive. Son traitement pourrait constituer un test majeur pour l’engagement du CTRI en faveur de l’État de droit et de la transparence. La démarche d’Hervé Patrick Opiangah, utilisant son statut de citoyen pour agir en dehors des clivages politiques, pourrait marquer un tournant dans la manière dont la société civile gabonaise s’engage pour la bonne gouvernance.

 
GR
 

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