La centralité de l’humain dans le développement d’une nation est un principe souvent évoqué mais rarement appliqué avec la rigueur nécessaire. Examinant, dans le troisième volet de sa tribune, les défis et les opportunités liés à l’industrialisation du Gabon, Leopold-Auguste Ngomo* propose un ambitieux programme quinquennal visant à former et soutenir 500 jeunes capitaines d’industrie, clés de voûte d’un développement économique durable. Il détaille les quatre piliers stratégiques nécessaires à la réussite de ce projet : mentorat, formation, financement et protection fiscale, tout en soulignant l’importance cruciale du capital humain dans la construction d’une nation prospère.

«Pour le Gabon il serait donc pertinent de promouvoir 500 Capitaines d’industrie sur 5 ans». «L’Homme est et demeure toujours la plus grande richesse d’une famille, d’une communauté et d’une nation.» © GabonReview

 

Auguste Ngomo, ancien Ambassadeur de l’UA en Afrique australe, à la SADC et à la COMESA ; Directeur de l’Administration et de la Gestion des Ressources Humaines de la ZLECAf au Ghana. © D.R.

Jean Bodin au XVIe siècle disait « Il n’y a de richesse que d’hommes » et en écho à cette citation un proverbe africain renforce cette assertion en disant : « L’argent est bien, mais l’Homme est meilleur, parce qu’il répond quand on l’appelle ». Si la richesse est bien, ce proverbe africain nous rappelle la centralité de l’humain. En effet, l’Homme est et demeure toujours la plus grande richesse d’une famille, d’une communauté et d’une nation. Si le Gabon est riche de son sous-sol, il n’en demeure pas moins que, si les hommes et les femmes d’un pays ne peuvent pas ou ne veulent pas se mobiliser et défendre leur nation au prix même de leur vie, alors le pays est vraiment en danger. Pour accomplir notre développement et sceller notre relation en tant que nation, l’Etat doit s’appuyer sur ses Hommes et ses Femmes. Ce sont eux les fers de lance qui assureront toujours le développement du Gabon à travers le projet d’industrialisation accélérée du Gabon.

Pour industrialiser massivement et avec succès le Gabon, nous devons nous poser les bonnes questions : Par exemple, les Gabonais sont-ils portés ou intéressés par l’industrie ? les informations fournies par le ministère de l’économie nous indiquent que Le secteur des services représente 40,6% du PIB et emploie 53% de la main-d’œuvre active. Nous pouvons donc dire, sans risque de nous tromper, que les Gabonais sont plus portés sur les emplois de services que sur les industries. De ce constat il en découle que si nous souhaitons mettre en œuvre un programme d’industrialisation accéléré pour le Gabon, il est capital que le gouvernement prépare et oriente certains gabonais vers ce secteur d’activité de l’économie, fortement créateur d’emploi. Pour ce faire, l’Etat devra volontairement assurer la promotion et le développement d’un nombre conséquent de jeunes capitaines d’industrie. Pour le Gabon il serait donc pertinent de promouvoir 500 Capitaines d’industrie sur 5 ans. Cet effort étatique permettra de s’assurer que les PME/PMI et TPE qui travailleront en étroite collaboration avec les CNS (Champions Nationaux Sectoriel) seront non seulement bien gérées mais aussi protéger de la compétition extérieure injuste.

L’Etat gabonais devra donc s’engager, à travers un programme spécifique, à sélectionner, à former, à encadrer, à financer, à protéger puis à lancer 100 Jeunes Capitaines d’industrie (JCI) tous les ans pendant 5 ans.

Pour réaliser cet ambitieux programme, l’Etat devra mettre en place les 4 sous programmes stratégiques suivants : Un programme de Mentorat (1), un programme de Formation (2), un programme de Financement (3), un système de Protection fiscale (4).

Pour amorcer ce programme, l’Etat devra créer une Agence Nationale de l’Industrialisation qui gérera entièrement ce programme d’industrialisation accélérée. Cette agence commencera par assurer une sélection rigoureuse des entrepreneurs intéressés par ce programme d’industrialisation accélérée. Ensuite elle assurera, à ces futurs capitaines d’industrie, une formation adéquate, ciblée et personnalisée délivrée par la Chambre de Commerce ou par les écoles de Commerce. Cette formation sera financée par l’Etat. Une fois formés, ces nouveaux Capitaines d’Industrie se verront alloués le soutien et les conseils de Mentors spécialement sélectionnés par l’Etat. Ces Mentors devront avoir une très grande expérience dans le monde des affaires et auront aussi pour mission d’introduire ces capitaines d’industrie dans les réalités du business et du gotha d’affaires national, régional ou continental. Sachant que notre système bancaire actuel, très frileux, n’accordera pas facilement des crédits d’investissement à ces capitaines d’industrie pour acheter des outils de production, l’Agence devra donc mettre en place un fond de financement spécifique de soutien, remboursable à terme. Et enfin, ces nouvelles entreprises, fragiles au début, devront bénéficier d’une protection fiscale particulière. Il est proposé que durant les 5 premières années de leur existence, qu’elles soient exemptées de taxes et d’import ; qu’elles bénéficient de privilèges à l’importation d’équipement nécessaire à leur activité et enfin qu’elles bénéficient de préférence pour l’obtention de marchés étatiques et des offres de sous-traitances des grandes entreprises étrangères et paraétatiques.

Des efforts importants et constants seront nécessaires si le Gabon souhaite s’industrialiser réellement et ainsi accroître le pouvoir d’achat des Gabonais ; de résorber le chômage par une création massive des emplois et de réduire drastiquement l’insécurité dans nos villes. Pour renforcer le PIA, il faudrait aussi que l’Etat mette en place un cadre juridique et institutionnel particulier.

Par Leopold-Auguste Ngomo*,

Ancien Ambassadeur de l’Union Africaine

Directeur de l’Administration et de la Gestion des Ressources Humaines ZELCAF (Union Africaine), Accra, Ghana

 
GR
 

1 Commentaire

  1. DesireNGUEMANZONG dit :

    Vous posez une question fondamentale : « Les gabonais.es sont-ils (elles) porté. es ou intéressé.es par l’industrie?

    Au Gabon, on ne devient pas riche par le travail. Mais par les détournements de fonds publics renfus possibles grâce à sa position dans la hiérarchie administrative. Par ailleurs, quand vous expliquez insidieusement aux gabonais.es qu’ils n’ont pas besoin de faire des études pour devenir riches, alors vous avez l’émergence d’une « élite » pourrie jusqu’à l’os qui affaiblit les institutions par leur comportement deviant.

    Autre hypothèse : le (la) gabonais.e est paresseux (se). La quête de l’argent facile est presque devenue un réflexe en même temps que la recherche d’une carrière facile dans l’administration publique.

    Renault, Peugeot, Google, Amazon, TikTok, par exemples se sont bâties grâce à l’innovation de leur dirigeant (Schumpeter).

    Mon souci dans votre modèle est l’absence d’incitation salariale. A quel niveau de salaire jugez-vous qu’il est possible d’inciter les gabonais.es à aller vers le secteur de la production? 300000 Fcfa par, 450000 Fcfa par mois, etc. Et qu’elle serait la fiscalité sur les revenus de cette catégorie socio-professionnelle?

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