[Tribune] Pour une industrialisation accélérée, l’Etat doit créer des champions nationaux sectoriels et des PME locales dédiées (2/4)
Dans cette deuxième partie de sa tribune, Léopold-Auguste Ngomo* met en avant l’importance pour le Gabon de créer des champions nationaux sectoriels et des PME locales dédiées afin de réussir son industrialisation accélérée. S’inspirant des exemples de grandes entreprises internationales et publiques telles qu’Areva, EDF, et State Grid, il démontre que l’intervention de l’État dans l’économie peut être un catalyseur de développement. L’ancien Ambassadeur de l’Union Africaine plaide pour un écosystème symbiotique où le public et le privé collaborent, propulsant ainsi la production et la distribution de produits « Made in Gabon » à l’échelle nationale et internationale.
Qu’y-a-t-il en commun entre les très grandes entreprises françaises suivantes : Areva, EDF, Engie, Eramet, Airbus, Dassault Aviation, Naval Group, Renault, Safran, Thales, Aéroports de Paris (ADP), Air France-KLM, RATP, SNCF, Total Energies et les grandes entreprises internationales suivantes : State Grid, China National Petroleum, Chine Sinopec (Chine), Saudi Aramco (Arabie saoudite), Shell, BP (Pays-Bas/Royaume-Uni), Volkswagen, Daimler, Allianz, Deutsche Telekom (Allemagne), Glencore (Suisse), Stellantis (Amsterdam, France/Italie/États-Unis), Gazprom (Russie), Generali et Enel (Italie) ? Se sont toutes des entreprises d’Etat détenues en majorité ou partiellement par des Etats. Donc des entreprises publiques ou fortement influencées par les capitaux de leur Etat respectif.
Certains dogmes du néo-libéralisme économique moderne a toujours poussé à vouloir nous faire croire que seules les entreprises privées devaient intervenir dans les domaines économiques et marchands et que l’Etat ne devrait se consacrer qu’aux secteurs régaliens du pays. Et si ce dogme ne suffisait pas à convaincre les plus récalcitrants, les maitres du libéralisme nous assenaient l’argument fallacieux selon laquelle que les entreprises privées étaient plus agiles, plus compétentes et plus efficaces que les entreprises publiques. C’est vite oublier la catastrophe de l’entreprise privée des USA Lehman Brothers et les succès fantastiques de la société étatique Ethiopienne, Ethiopian Airlines. Au-delà des dogmes abrutissants et inutiles, la vérité est que pour un développement harmonieux et efficace, l’économie a besoin de ses deux forces : le privé et le publique. Les Etats qui se sont industrialisés avant nous ont utilisé ces deux forces pour y arriver.
Au moment où le Gabon doit s’orienter vers une industrialisation importante, l’Etat doit jouer pleinement son rôle de leader. Une partie de son intervention consistera à diriger et à orienter le développement des secteurs clés du pays afin d’assurer sa maturation avant, éventuellement, de se retirer. L’une des interventions fondamentales sera la création et la gestion des Champions Nationaux Sectoriels (CNS). Les CNS seront des entreprises d’Etat qui auront pour mission la production industrielle de masse, la distribution et la commercialisation au niveau national, régional, continental et international des produits « Made in Gabon ». Ces CNS auront la particularité d’être entourés de sous-traitant locaux. Les Champions s’approvisionneront uniquement auprès de plusieurs petites et moyennes entreprises privées gabonaises. Ainsi l’Etat va créer, dans chaque secteur donné, un écosystème spécifique véritable symbiose entre le secteur privé et le secteur publique. Comment va fonctionner tout cet ensemble ? Reprenons l’exemple d’un CNS qui aura pour mission de produire et de vendre des boites de tomates entières ou en purées. L’entreprise publique sera équipée des ressources humaines et des outils de production et d’emballage adaptés. Mais elle devra cependant se faire approvisionner par les PME locales. Certaines PME apporteront des tomates fraiches, d’autres du sel, certaines des épices (Basilic, Origan, Thym), d’autres des conservateurs (Acide Citrique, Acide Ascorbique, Sorbate de Potassium, Benzoate de Potassium) et enfin d’autres petites entreprises d’imprimerie livreront des étiquettes pour les boites et de la colle, des cartons d’emballage et enfin le transport vers les grands centres de distribution. C’est donc tout un écosystème qui va graviter autour des CNS créant ainsi par secteur d’activité des emplois directs et indirects.
Les secteurs clés pourront avoir 1 ou plusieurs CNS. Les secteurs importants dans lesquels le Gabon pourrait s’investir serait : le secteur forestier, l’agro-industrie, le secteur pharmaceutique, l’Aquaculture, la Pisciculture, le transport fluvial et maritimes, le Tourisme, le BTP etc…).
Pour nous assurer que les dirigeants des CNS seront des gens compétents et sérieux, nous devons à travers une Agence Publique Nationale Pour l’Industrialisation Accélérée (à créer) assurer la sélection des candidats les plus indiqués. Ensuite ces candidats seront auditionnés par une Commission interministérielle avant leur nomination par le Conseil de Ministres. Les Directeurs Généraux des CNS auront un mandat de 5 ans renouvelable 1 fois sur la base de réelles performances. L’accord du second mandat sera basé sur une évaluation de performance faite par tous les acteurs du secteur concerné.
Le Projet P.I.A (Programme d’Industrialisation Accélérée) est un projet qui changera totalement la réalité économique du Gabon. L’Etat en s’impliquant totalement permettra de résoudre le chômage, de réduire les inégalités et la pauvreté, d’augmenter les recettes fiscales et d’offrir de réelle perspective aux gabonais. Cependant ce système ne peut fonctionner efficacement que dans un cadre juridique, législatif, institutionnel et financier particulier. Ce point sera mon prochain article.
Par Leopold-Auguste Ngomo*
Ancien Ambassadeur de l’Union Africaine
Directeur de l’Administration et de la Gestion des Ressources Humaines
ZLECAF (Union Africaine)
Accra, Ghana
La rédac
1 Commentaire
Intéressant. Mais pas innovant. En résumé, Vous êtes keynésien. Les keynésiens souhaitent l’intervention de l’État dans la régulation économique. Il y a une réalité dans notre pays : un capitalisme familial.