Malgré un PIB par habitant élevé, près de 40% de la population gabonaise vit sous le seuil de pauvreté, illustrant le paradoxe d’un pays riche aux citoyens pauvres. Dans cette tribune, Fidèle Magouangou* explore les raisons profondes de ce décalage entre richesse nationale et pauvreté individuelle. Il appelle à une stratégie économique ambitieuse, inspirée du modèle chinois, pour reconstruire un véritable tissu industriel national et mettre fin à la situation de « passagers économiques clandestins » des Gabonais dans leur propre pays. L’État doit redevenir stratège et régulateur bienveillant pour dynamiser les secteurs clés, soutenir l’entrepreneuriat local et ainsi réduire durablement la pauvreté.

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Fidèle Magouangou est Docteur NR en Economie Mathématique et Econométrie, Enseignant à l’Université de Libreville Nord (ULN), Conseiller Economique et Financier du Ministre des Comptes Publics). © D.R.

Introduction

Tout le monde le sait ou presque.  Le Gabon est considéré comme un pays riche. Avec un Pib par habitant de 19.197 USD en 2023, il est le 5ème pays le plus riche d’Afrique et le 2ème en Afrique Subsaharienne derrière le Botswana (19.398 USD). Dans le même temps, la Banque Mondiale estime qu’en fin 2022, 39,2% de la population gabonaise vivait sous le seuil de pauvreté. Comment comprendre ce paradoxe ? C’est l’objet de cette réflexion. Pour cela, nous allons d’abord expliquer la différence entre le Produit Intérieur Brut (PIB) et le Produit National Brut (PNB), encore appelé Revenu National Brut (RNB). Ensuite nous passerons en revue les solutions envisageables pour enrichir davantage les gabonaises et les gabonais. Enfin, nous évoquerons quelques obstacles au développement de l’entrepreneuriat, base de l’enrichissement d’un pays.

I. PIB (richesses créées au Gabon) et PNB (richesses créées par les gabonais)

Le PIB est l’indicateur économique qui permet de quantifier l’ensemble des richesses créées au Gabon par les étrangers et par les gabonais voire par les extra-terrestres s’ils venaient sur terre par hasard. Alors que le PNB est l’indicateur qui mesure les richesses créées uniquement par les gabonais du Gabon et ceux de la diaspora.

Dans les pays développés, le Pib est à peu près égal au Pnb. C’est pour cette raison que les organismes internationaux privilégient le premier indicateur car son calcul ne nécessite pas de connaître les flux de transferts des revenus primaires entre le Reste du monde et le Gabon. On entend par richesse la somme des valeurs ajoutées (la production diminuée des consommations intermédiaires) des différents secteurs de l’économie.

Par contre, dans la plupart des pays africains, il y a une différence significative entre le Pib et le Pnb.  Prenons l’exemple du Gabon en 2022. Selon la Banque Mondiale, le Pib est égal à 21,07 milliards USD (environ 13 mille milliards de Fcfa) alors que le Pnb est de 14,87 milliards USD (environ 9 mille milliards de Fcfa). En rapportant le Pnb sur le Pib, on constate que le premier représente à peu près 70% du second, ce qui correspond à un écart de 30%.

Si l’on considère que les revenus de l’Etat et des entreprises représentent la plus grosse part du Revenu national, on comprend aisément que les ménages ne bénéficient que de la portion congrue du gâteau. Le salaire, qui représente la contrepartie de la participation à la création des richesses et qui est l’élément le plus important du revenu des ménages, ne peut être élevé que si la participation l’est. De même, les profits constituent le principal élément du revenu des entreprises et ne peuvent être importants que si les entreprises sont rentables.

Prenons les exemples des secteurs pétroliers et miniers. Les capitaux ayant servi à l’investissement initial sont d’origine étrangère, la main d’œuvre qualifiée est en grande partie étrangère.  Il est donc rationnel que les économies sur salaires et les profits soient rapatriés dans les pays d’origine de ces capitaux. Les revenus tirés des activités du secteur ne profitent pas directement aux ménages. On peut généraliser ce raisonnement en passant en revue l’ensemble des secteurs de l’économie. La conclusion demeure la même : les gabonais sont des passagers économiques clandestins dans leur propre pays.

La faible contribution des nationaux à l’activité économique du pays, combinée à un chômage de masse explique le niveau élevé de la pauvreté au Gabon. Il n’y a donc pas de paradoxe.  Juste l’expression des réalités et des mécanismes économiques.

II. Quelles solutions pour lutter contre la pauvreté ?

La réponse est simple. Il faut créer et développer les activités de production réelle des biens et services consommés par les populations. Il est primordial de repenser la façon d’organiser l’économie nationale aux fins de créer davantage d’activités et mettre tout le monde au travail. Il est nécessaire de relancer la stratégie de la substitution des importations par la production locale et réunir les conditions en vue d’accéder à l’autosuffisance et à la sécurité alimentaire.

La stratégie économique que nous préconisons part d’une vision inspirée du modèle chinois. L’Etat reprendrait les choses en main. Il cesserait d’être un simple arbitre du jeu économique, un régulateur neutre, pour devenir un Etat stratégique et bienveillant.

  Stratégique dans le sens d’organiser l’économie nationale et définir un système de soutien aux secteurs jugés stratégiques et prioritaires pour accroitre les performances de l’ensemble des acteurs économiques. Bienveillant avec l’ambition de s’appuyer sur des institutions solides c’est-à-dire afin de pouvoir agir sous la protection de la loi.

La préoccupation d’un Etat stratège est d’assurer la collaboration des secteurs publics et privés en vue d’accroitre la compétitivité de l’économie nationale.

 Il n’y aura pas de taux de croissance à deux chiffres sans la reconstruction d’un véritable tissu industriel par l’Etat. C’est lorsque la croissance économique sera largement supérieure à la croissance démographique que la pauvreté diminuera progressivement. Malheureusement, la croissance ne se décrète pas. C’est pour cette raison que nous proposons la création de cinq entreprises d’initiatives publiques :

  • Une entreprise d’élevage (volaille et viande) avec une usine industrielle ;
  • Une entreprise de pêche et de pisciculture couplée à une usine industrielle ;
  • Une entreprise de production du riz ;
  • Une entreprise de commercialisation des produits vivriers du cru (Banane, tubercule, légumes etc… ;

La création desdites entreprises par l’Etat se justifie par le fait que ces activités ne peuvent être développées sans subventions publiques car ayant un niveau de profitabilité très faible, voire nul à court terme. Elles ne peuvent donc pas attirer le secteur privé local et à fortiori les investissements directs étrangers qui sont plutôt intéressés par les cultures d’exportation comme l’hévéa et le palmier à huile, à l’image de ce que fait Olam Gabon.

En plus, ces activités, intensives en travail, vont créer de nombreux emplois stables et contribuer à la baisse du chômage. Elles peuvent également lutter contre l’exode rural par la dissémination géographique des activités économiques à l’intérieur du pays et contribuer ainsi au renforcement de la cohésion des territoires.

Conclusion

Trois principaux facteurs empêchent le développement des PME : l’insécurité juridique, le rationnement du crédit et le Franc CFA, qu’il faut reformer en commençant par couper le cordon ombilical avec l’euro ou créer une monnaie nationale.

 

Par Fidèle Magouangou*,

Docteur NR en Economie Mathématique et Econométrie, Enseignant à l’Université de Libreville Nord (ULN), Conseiller Economique et Financier du Ministre des Comptes Publics)

 

 

 
GR
 

3 Commentaires

  1. Ngota dit :

    Bel article, lu des yeux profanes.

    En définitive, fallait-il privilégier l’achat d’Assala au détriment de la création de ces 4 entreprises suggérées ?

  2. DesireNGUEMANZONG dit :

    Bonjour F. Magouangou,

    En tant qu’economiste de la branche neo-institutionnelle, j’ai quelques remarques et réserves sur votre article.

    Votre « paper review » ressemble davantage à une introduction générale à la Macroéconomie pour des lycéens de 2nde. Une notion centrale dans votre article n’a pas été définie: le passager clandestin (free rider), notion introduite
    pour la première fois par Mancur Olson en 1965.

    D’ailleurs il est contradictoire de penser que les gabonais.es sont des « passagers clandestins » de leur économie fondée sur l’extraction de ressources rares puisqu’ils n’en bénéficient pas. Car le capitalisme familial dans notre pays a remplacé le capitalisme d’État.

    D’autre part, vous faites un lien entre la croissance économique et la croissance démographique sans apporter les preuves empiriques d’une telle relation. Si on veut créer une politique démographique pour à accroître la croissance du PIB, il faut des politiques fiscales pour les ménages : plus d’allocations familiales, imposition faible, réduction commerciale, etc.

    Dans vos solutions, vous oubliez l’impact de la formation initiale dans le processus économique. Et votre solution monétariste implique une économie forte pour se détacher du franc CFA. L’exemple du Maroc, de l’Algérie, du Nigeria sont à imiter seulement en posant les bases solides d’une économie transparente.

    Je dois reconnaître la pertinence de votre article qui me fait réagir.

    Bonne continuation à vous.

  3. Jean Jacques dit :

    Je dis tous les jours le Président avait eu raison de vouloir laisser le Gabon sous la tutelle de la France, les Bongos ont tenté rien,celui qui a son gros képi vient aucun projet seulement ses conneries de polygamie, les milliards jetés pour Assala,son dialogue exclusif 3 à 6milliards cet argent avec les personnes qui ont le cerveau c’était pour créer 3 à 5 grandes entreprises.
    Libreville 1 a des raisons, eau,courant, insécurité, transport, urbanisation, chômage, l’homme au képi vous parle de Libreville 2,tout montre le manque de vision .les vrais dirigeants a donne la Chine ce grand de construire le Gabon dans les 9 des villes modernes et 1 province. Avec la Chine dans 15 à 20 ans le Gabon va changer.

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