Les ecclésiastiques n’ont pas su placer les débats sous le sceau des valeurs communes à l’ensemble des religions : amour du prochain, recherche de la vérité et, paix entre les hommes. Sauf à s’exposer à des déconvenues, ils seraient inspirés de mieux analyser leur positionnement pour la suite.

Comme dépassés par l’enjeu, les ecclésiastiques au DNI ont servi de caution aux adeptes de théories brumeuses, chantres de l’autoritarisme, hérauts du rejet de l’autre. © Facebook/dialogue241

 

Le rapport final n’a pas encore été publié. Les comités en charge de la surveillance et du suivi-évaluation de la mise en œuvre des conclusions ne sont pas encore dans leurs meubles. Mais, on questionne le rôle des ecclésiastiques au Dialogue national inclusif (DNI). Malgré leur présence remarquée, ils n’ont pas su placer les débats sous le sceau des valeurs communes à l’ensemble des religions : amour du prochain, recherche de la vérité et, paix entre les hommes. Comme dépassés par l’enjeu, ils ont servi de caution aux adeptes de théories brumeuses, chantres de l’autoritarisme, hérauts du rejet de l’autre. Volontairement ou non, ils ont accompagné la banalisation d’une rhétorique douteuse, historiquement chargée et idéologiquement connotée. À la fin des fins, ils ont laissé prospérer un discours mêlant nativisme et ultra-nationalisme.

Mystère et boule de gomme

Même s’ils feignent de ne pas s’en rendre compte, leur crédibilité est en jeu. S’étant illustrée par des prises de position allant dans le sens de la défense de la dignité humaine, l’Église catholique avait regagné en estime. Ayant fait part de leur détermination à «mettre en pratique la volonté divine dans la gestion des affaires publiques», les églises charismatiques et du Réveil avaient suscité de l’espoir. S’étant engagé à «contribuer au même titre que ses (pairs) à ramener la paix et la cohésion nationale», le clergé musulman avait laissé croire à une nette évolution. Dans la perspective des élections d’août 2023, toutes les obédiences religieuses ou spirituelles, y compris les traditionnalistes, avaient envoyé des signaux d’ouverture, de justice et d’intégrité. Pourtant, nombre de recommandations du DNI vont à rebours de ces valeurs. Comment et pourquoi des hommes de foi ont-ils pu s’en accommoder ? Mystère et boule de gomme.

De par leur attitude, les ecclésiastiques déroutent et intriguent : l’inégalité des citoyens en droits et le distinguo entre «Gabonais de souche», «Gabonais de père et de mère», «Gabonais d’un seul parent» ou «binationaux» ne correspondent nullement au précepte biblique du «Tu aimeras ton prochain comme toi-même». Il ne correspond pas non plus aux enseignements du Coran, la piété y étant décrite comme la seule source de distinction entre les hommes. Certes, il n’a jamais été question de s’inspirer des livres saints pour réformer nos institutions ou régir notre société. Encore moins de construire une théocratie. Mais, la présence de nombreux ecclésiastiques au sein du bureau avait laissé penser à une volonté de bâtir une communauté de destin, fondée sur des notions comme la transparence, la tolérance et la responsabilité. Après tout, dans toutes les religions, le salut est individuel, accordé en fonction des actes et non de la naissance.

Liberté de conscience

Même si le débat sourdre à peine, nombre d’observateurs s’interrogent. Les ecclésiastiques avaient-ils si peu d’emprise sur les échanges ? Pourquoi les ont-ils laissé prendre une telle tonalité ?  Comment comprennent-ils la recommandation relative à la suspension des partis ? N’y ont-ils pas vu une atteinte au droit à la liberté d’association et, par conséquent, une menace pour les églises charismatiques et du Réveil, souvent constituées sous le mode associatif ? Les offices religieux étant des réunions publiques, si les activités des partis sont suspendues, pourquoi les églises auraient-elles le droit de mener les leurs ? A l’évidence, ils ne se sont pas posés ces questions. Pourtant, la crise de la Covid-19 fut riche en enseignements : suite aux restrictions à la liberté de réunion, les offices religieux furent interdits, au point où l’Église catholique fut contrainte de sonner la révolte pour recouvrer le droit d’organiser des messes.

Dans le combat pour le respect des droits de l’homme, il y a la bataille pour la liberté de conscience, c’est-à-dire le droit de chacun à professer des valeurs, principes et opinions ou à pratiquer la religion et le culte de son choix. Si le DNI visait d’abord la réorganisation du jeu démocratique et de l’appareil d’État, il avait aussi pour objectif de consolider le vivre-ensemble par un élargissement de l’espace civique. De ce point de vue, les participants auraient dû être plus regardants sur certaines recommandations, notamment celles tendant à instaurer des discriminations ou à restreindre l’exercice des libertés fondamentales. Malheureusement, pour n’avoir pas le lien avec leurs propres activités, les ecclésiastiques ne l’ont pas compris. Sauf à s’exposer à des déconvenues ou au désamour, ils seraient inspirés de mieux analyser leur positionnement pour la suite du processus. En tout cas, ils sont face à leur foi.

 
GR
 

6 Commentaires

  1. Gayo dit :

    En ce qui concerne le Christianisme, le Christ est pour la liberté de conscience. Si le Christ de son vivant n’a pas converti tout le monde, par quelle magie les ecclésiastiques pouvaient-ils imposer une ligne directrice dans les positions des uns et des autres ou les influencer? Avaient-ils une tribune pour faire le sermon du dimanche ou un meeting politique? Les participants étaient suffisamment représentatifs de toutes les couches sociales, sinon le tout puissant PDG dont Oligui est sympathisant n’allait pas se voir proposer une suspension de 3 ans et des sanctions pour ses cadres tout aussi puissant et milliardaires. Pour que les conclusions de ce dialogue ne ressemblassent pas à ce que vous dénoncez, il aurait fallu une fois de plus exclure un peuple traumatisé qui a saisit l’opportunité pour donner un cri qui exprime toute la douleur et tout le traumatisme qu’elle ressent suite aux violences physiques, morales et psychologiques subies sous la gouvernance des Bongo. C’était le moment où jamais de laissez tout le monde dire ce qui jadis était interdit, de laisser le peuple vider son cœur. Le peuple s’est exprimé avec toutes ses émotions, il appartient maintenant aux dirigeant de répondre aux attentes de façon plus objective. L’extrémisme qui peut se dégager de certaines positions peut être vu comme une façon peut être maladroite ou mal exprimée de dire: nous ne voulons plus vivre ce qu’on a vécu pendant ces 56 ans, surtout sous Ali Bongo. Si les propositions manquent de bon sens, il appartient aux dirigeants, censés regarder les choses de façon plus réaliste et objective d’adapter d’autres solutions qui ne méprisent pas la voix du peuple mais rassurent et apaisent pour des lendemains meilleurs. On a longtemps reprocher à Ali Bongo ses dialogues entre copains pour se partager le Gabon en excluant le peuple. Oligui donne l’opportunité aux gabonais sans voix, de s’exprimer et d’avoir l’opportunité de peser sur la direction que prendra le Gabon de demain, c’est un problème.

    Les ecclésiastiques n’ont rien à se reprocher. Leur rôle était de s’assurer de l’impartialité, de l’équité dans la tenue des travaux et que personne ne se sente duper comme ca souvent été le cas dans le passé. Malgré le niveau de représentativité, on a vu personne claquer la porte du dialogue, on n’a pas l’impression d’avoir des conclusion qui ne visent que les intérêts d’un groupuscule dans la préservation du pouvoir et d’intérêts égoïstes.

    Les ecclésiastiques ont très bien rempli leur rôle. Le dialogue a bien atteint ses objectifs. Il ne reste plus qu’au CTRI, son gouvernement et a la constituante de répondre de façon plus efficiente aux inquiétudes et aux attentes profondes exprimés dans ses conclusions. En toute intelligence, on sait que certaines conclusions sont le résultats d’un mauvais diagnostique, mais tout le fond est dans ce rapport: les gabonais ne veulent plus de fraude, de l’arbitraire, des inégalités et injustices sociales, du sous-développés, etc. Il faut trouver des solutions. Certaine demande telle que la dissolution du PDG sont à la hauteur du mal et de la haute trahison dont ont été victimes le Gabon et son peuple.

  2. Hermann O. dit :

    Chère auteure, c’est toujours avec beaucoup de fierté et de plaisir que je vous lis. Nonobstant la divergence de point de vue que je peux avoir avec vous sur l’approche de certains sujets, il est fort agréable de constater que la pertinence de vos arguments stimule l’évéil de conscience et suscite chez vos lecteurs une reflexion plus approfondie. Très bel article! En espérant que les prélats s ‘en imprègnent. « La principale limite à l’exercice des grands débats réside dans le tri, l’analyse et la restitution », disait un analyste politique. C’est à mon sens à ce niveau qu’ils ont quelque peu failli.

  3. ralph dit :

    Cet article donne un point de vue , mais ce trompe de cibles, c’est n’est pas l’église et autres religions qu’il faut faire des reproches, ils ont examinés la voix du peuple et ont bien joués leurs rôles de modérateurs, par exemple la plupart des recommandations du peuple demandaient la dissolution du PDG , c’est le bureau qui a modéré juste la suspension, jusqu’à preuve du contraire est ce que ses compatriotes qui ont trahis la nation ne mérite pas d’être punis ? Avec leurs agissements sur le terrain comme ci ils ne se reprochent de rien, une attitudes d’arrogances ça crée évidemment des tensions sociales. Vous faits fis dans votre article d’ignoré par exemple les dégâts causés par certains Binationaux ? Il y a des conséquences après ses dégâts qui ont des préjudices graves et lourds à portés pour notre pays , le résolutions qui ont été proposées sont dans l’esprit pour protéger le pays et de dire plus jamais ça .Vous faites un faut procès aux l’églises. Pendant que vous y êtes osez dire aussi que se dialogue a été un échec ? Encore une fois la réforme des institutions passent aussi par des décisions courageuses, la pléthores des partis politiques n’ont pas leurs place dans notre jeune démocratie le peuple a parlé , même ci les politiciens ne veulent pas de se changement, dites nous aussi comment justifiés qu’un pays de 2 millions d’habitants avec 104 parts politiques à raison de 9000 membres et signatures par partis ,les calcules donnent 104×9000 = 936000 militants soit la moitié du Gabon , c’est quoi cette arnaque? Le nombre des militants dépassent même le nombre d’électeurs , si ils sont aussi représentatif au pays? Mais pourquoi ont t’ils peur ? Le référendum sera la suite des débats se sur se terrain qu’ils doivent prouvés leurs soit disant importances et forces politiques

    • Maganga Octave dit :

      Ralph. Arrêtez avec ce mensonge qui tend à faire croire qu’ils n’ont fait que suivre ce qu’à dit le peuple
      Des contributions, ils ont pris ce qui arrangeait le CTRI. Qui peut croire que personne n’a rien proposé sur la Cour Constitutionnelle ou que personne n’a parlé de la dissolution de la GR ? Pourquoi ces 2 sujets ont été escamotes ? Dans le rapport, pas une ligne sur la Cour Constitutionnelle et la GR… Racontez vos balivernes aux enfants

    • Moussavou Ibinga Jean dit :

      @Ralph. Vous dites n’importe quoi. Tous les Gabonais savent que c’est le PDG qui créait les partis fantoches pour nuire aux partis les plus représentatifs. Il n y a que les PDGistes en treillis du CTRI qui peuvent faire semblant de ne pas savoir cela

  4. MOUNDOUNGA dit :

    Bjr. la seule notion d’inclusion s’oppose aux insuffisances que vous adressées
    aux ecclésiastiques. A l’observation, vous semblez faire dans un mélange de genre qui culpabilise cette catégorie de personnes alors qu’au demeurant elles auront assumés de bout en bout les missions assignées par elles pour la circonstance.

    Il sied de dire ici qu’en pareille circonstance et vous le décrivez si bien : »

    Si le DNI visait d’abord la réorganisation du jeu démocratique et de l’appareil d’État, il avait aussi pour objectif de consolider le vivre-ensemble par un élargissement de l’espace civique ».

    Faites vous allusion aux 600 délégués qui selon vous n’auront pas été « foudroyés » par le sang du Christ via les ecclésiastes pour satisfaire la foi que vous évoquée plus haut. Ou s’agit il d’une interpellation visant à signifier un manquement dans le fond.

    Dans ce dernier cas de figure alors, peut être qu’il eu fallut pour « ces personnes » comme au prétoire « prêter serment ». Mais bon… Amen.

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