Rédaction du rapport du Dialogue national inclusif : Une tâche délicate
Si les rapporteurs doivent avoir le souci de l’exhaustivité, ils doivent se le tenir aussi pour dit : la suite de la Transition dépendra d’abord des conclusions de la «Commission Politique».
Depuis huit moins, le Gabon vit une période exceptionnelle, consécutive au coup de force du 30 août dernier, lui-même motivé par de graves dérives juridiques ou institutionnelles. Aujourd’hui encore, citoyens lambda et observateurs se demandent comment l’édifice ne s’est-il pas effondré plus tôt. Ayant pris l’engagement de jeter les bases d’un «État de droit, (et d’) un processus démocratique transparent et inclusif, apaisé et durable», le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) a pris une initiative certes pas très originale, mais suffisamment encourageante : la convocation d’un Dialogue national inclusif (DNI) censé permettre aux forces sociales de se parler et construire un nouveau rêve pour le pays. Ouverte le 02 du mois courant sur fond de doute, la grand-messe n’a pas viré à cette foire d’empoigne tant redoutée, la sérénité, la franchise et le respect mutuel ayant prévalu tout au long des débats en sous-commissions.
Objectivité et impartialité
Même s’ils ont parfois laissé le sentiment de se s’être sentis corsetés par le format, quand bien même ils ont paru quelque peu contrariés par les modalités d’affectation en sous-commissions, les délégués ont joué le jeu, faisant valoir leurs idées. Sauf mauvaise foi, on doit en convenir : sur l’ensemble des préoccupations soulevées par les contributeurs et sur d’autres encore, le débat de fond a bel et bien eu lieu. Reste maintenant aux rapporteurs d’en restituer la quintessence, sans la trahir, dans la forme comme dans le fond. Pour conjurer le risque de polémique, pour confondre les sceptiques et taire les rumeurs sur l’existence d’un rapport rédigé d’avance, Murielle Minkoué Mintsa et son équipe doivent consigner, le plus fidèlement possible, les conclusions des délégués. Autrement, ce serait la porte ouverte à la suspicion, à la méfiance voire à la crise de confiance.
D’ici au 30 avril prochain et tout au long de la rédaction du rapport final, l’objectivité et l’impartialité devront être les maîtres-mots. Si les recommandations doivent faire écho aux attentes des contributeurs, elles doivent surtout refléter le point de vue des délégués. Au-delà, elles ne doivent laisser transparaître ni arrière-pensées politiciennes ni considérations idéologiques ou partisanes. En revanche, elles doivent permette à chacun d’y lire les objectifs poursuivis par ces assises : la refondation de l’Etat et la construction d’un «nouveau Gabon». Parfois accusée de travailler en vase clos voire de miser sur le fait accompli, la ministre de la Réforme des institutions gagnerait à l’avoir à l’esprit : à jamais, ce rapport portera sa marque. Pour elle-même, pour le gouvernement, pour la réussite de la Transition et pour le Gabon, elle doit le redire à ses équipes.
L’importance des enjeux
Lors de la désignation des délégués, comme au lendemain de leur affectation dans les sous-commissions, des grincements de dents avaient fusé. À l’inverse, la composition du bureau fut accueillie avec une certaine satisfaction. Pour toutes ces raisons, les rapporteurs doivent rendre une copie à la hauteur des enjeux. Sans laisser le sentiment de prendre position ou d’être au service de desseins inavoués, ils doivent synthétiser les échanges et décider des points à retenir. Sans donner l’impression d’avoir un parti pris ou de jouer le coup d’après, ils doivent évaluer la situation, consigner les causes et sous-causes des problèmes, en évaluer les implications. Si la procédure énoncée par le porte-parole du DNI, Mgr Jean-Bernard Asséko-Mvé, laisse croire à un travail de compilation ou de centralisation, la tâche ne s’annonce pas simple pour autant. Bien au contraire. En raison de l’importance des enjeux, elle paraît délicate.
Comment parler du «régime» et des «institutions politiques» sans se préoccuper du fonctionnement puis du devenir des institutions de la Transition ou de leurs principaux animateurs ? Comment disserter sur la «souveraineté nationale» sans se pencher sur le fonctionnement de notre démocratie ni revenir sur les hold-up électoraux de 1993, 1998, 2009, 2016 ou les élections générales de 2023, annulées depuis ? Comment parler des «droits et libertés» sans épiloguer sur leur violation répétée ni envisager la mise en place d’un mécanisme de justice de transitionnelle ? Comment aborder la «réforme et l’organisation de l’État» sans analyser les flottements observés entre novembre 2018 et août 2023, suite à l’accident vasculaire et cérébral dont fut victime Ali Bongo, président déchu ? Même si d’aucuns feignent de croire le contraire, ces questions sont au fondement de tout, y compris de la vie économique et sociale. Si les rapporteurs doivent avoir le souci de l’exhaustivité, ils doivent se le tenir aussi pour dit : la suite de la Transition dépendra d’abord des conclusions de la «Commission Politique».
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