Dialogue national inclusif : Un défi pour le présidium
La plénière générale de ce samedi 06 avril doit être l’occasion de s’accorder sur une méthode de travail, plus flexible et moins directive. Elle doit aussi permettre de mettre du contenu derrière les intitulés.
Voulu par le président de la Transition, le Dialogue national inclusif (DNI) n’est pas encore entré dans le vif. Mais, des grincements de dents se font déjà entendre. Commissaires, personnes-ressources ou simples observateurs, acteurs politiques, militants associatifs ou journalistes, chacun y va de son commentaire, toujours un peu plus pessimiste. «Il n’en sortira rien de bon», «qu’est-ce qu’on va y dire qui n’a pas déjà été dit ?», «qu’ils publient même déjà le rapport final», «une perte de temps juste pour cocher une case», «de l’enfumage», peut-on lire ou entendre çà et là. Si elles paraissent alarmistes, ces réactions s’expliquent et se comprennent. Affectés d’autorité dans des commissions ou sous-commissions, nombre de participants se sentent piégés, déconsidérés ou traités comme des faire-valoir. Abreuvé d’explications sur les raisons du faux-départ du 03 avril dernier, le grand public croit assister à un vaudeville, concluant à une «impréparation» voire à un certain «amateurisme».
Débat de fond
Sentiment d’humiliation chez les uns, étonnement chez les autres. Plus grand monde ne se montre optimiste quant à l’issue de ces assises. Pourtant, au-delà des procès d’intention ou des agendas cachés, l’avenir du pays se jouera. Même si certains nourrissent des ambitions secrètes, l’enjeu est le rétablissement de la confiance entre gouvernants et gouvernés à travers des garanties de non-répétition des dérives du passé. En invitant les délégués à se «parler avec franchise et sincérité», en leur demandant de «réfléchir à l’édification d’un nouveau Gabon», le président de la Transition a certes voulu les rassurer. Mais, il a surtout indiqué avoir pleinement conscience de la portée historique de ce rendez-vous. La mise en place d’un «Parlement multicolore» n’a pas suffi à taire les rancœurs. Elle n’a pas non plus permis de raffermir les liens entre adversaires d’hier. Pis, certaines décisions ont semé le doute quant au respect de la règle de droit. Pour toutes ces raisons, le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) joue gros à travers le DNI.
Dans ce contexte, et au vu des enjeux, comment comprendre cette propension au verrouillage ? Comment interpréter cette volonté de dépolitisation, matérialisée par l’élargissement de l’ordre du jour aux questions économiques et sociales ? Comment expliquer l’exclusion des représentants des principaux partis de la sous-commission politique ? Comment justifier le refus d’analyser les contours d’un éventuel mécanisme de justice transitionnelle, censé aider le pays à affronter le passé pour reconstruire une société apaisée ? Unanimement présenté comme une «étape décisive», le DNI doit permettre de poser les fondements d’«institutions fortes, crédibles et légitimes garantissant un État de droit, un processus démocratique transparent et inclusif». C’était, en tout cas, l’ambition de départ. Pour se hisser à la hauteur du défi, le præsidium devra initier un débat de fond, transparent et démocratique. Il en va de sa crédibilité et de la réussite de la Transition.
L’esprit du 30 août
À cet égard, la toute première plénière générale pourrait être décisive. Annoncée pour ce samedi 06 avril, elle ne permettra sans doute pas de revenir sur la composition des commissions, des décrets y relatifs ayant été pris. Mais, elle peut être l’occasion de s’accorder sur une méthode de travail, plus flexible et moins directive. Au-delà, elle doit aussi permettre de mettre du contenu derrière les intitulés. Où situer la gouvernance électorale et l’élargissement de l’espace civique ? Dans la commission politique, à coup sûr. Mais, dans quelles sous-commissions ? Après tout, le putsch du 30 août 2023 se voulait une réponse à un processus électoral biaisé, n’ayant pas permis l’organisation de ce «scrutin transparent, crédible et inclusif tant espéré par les Gabonaises et les Gabonais». Les organisateurs du DNI l’ont-ils oublié ? Pourquoi ne pas avoir dédié une sous-commission à cette question essentielle ? La même interrogation vaut pour la prévention des détournements de deniers publics.
Pour demeurer fidèles à l’esprit du 30 août, deux thématiques doivent être au cœur des débats : la transparence électorale et la gouvernance politique. En sus de la réforme du cadre électoral, la réorganisation de la justice, le contrôle citoyen de l’action publique, l’Etat de droit et la lutte contre la corruption doivent bénéficier d’une attention toute particulière. Malheureusement et au grand dam d’une opinion publique désabusée, les organisateurs semblent ne pas être de cet avis. Si le præsidium persiste dans cette voie, s’il se refuse à réajuster les choses, le DNI pourrait rester dans les annales comme l’une des pires désillusions depuis la Conférence nationale de 1990.
0 commentaire
Soyez le premier à commenter.