Composition de l’équipe chargée de la rédaction du rapport, nécessité pour la presse de disposer d’accréditation, flou sur les garanties de sécurité offertes aux participants… Le décret n° 0115/PT-PR/MI du 8 mars 2024 fait craindre une réédition de la Concertation politique organisée par le pouvoir déchu.

Avec la publication décret n° 0115/PT-PR/MI, le CTRI a abattu ses cartes, faisant craindre une réédition de la Concertation politique organisée par le pouvoir déchu. Ne va-t-on pas vers une partie de poker menteur ? © GabonReview

 

Officiellement annoncé en novembre dernier, le Dialogue national inclusif suscite de la circonspection. Publié le 08 du mois courant, le décret n° 0115/PT-PR/MI en précise les contours, exhalant des effluves de verrouillage, aux antipodes de cette ouverture tant proclamée. Comme s’il était subitement tenaillé par la peur, le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) tente de tuer tout débat de fond. La composition de l’équipe chargée de la rédaction du rapport ? Elle donne à ce raout une dimension orientée, résolument institutionnelle, lui retirant toute portée politique et tribunitienne : désignée rapporteur général, la ministre en charge de la Réforme des institutions sera assistée de trois «haut cadres de l’Etat», d’un «représentant du CTRI» et d’une personnalité mandatée par le secrétariat général de la présidence de la République. Comme si les représentants de la puissance publique sont seuls capables de prendre des notes ou de restituer la quintessence des échanges. Comme si ces assises visent la modernisation de l’action publique et non pas la «refondation de l’État (…)»

Essayer d’infléchir les choses

Pourtant, nombre d’observateurs n’ont eu de cesse de le relever : en charge de la gestion quotidienne de la cité, le gouvernement n’a pas vocation à organiser une rencontre de cette nature. Encore moins à l’animer. En pure perte, ils l’ont répété : aux côtés de l’archevêque de Libreville, il aurait fallu désigner un comité d’organisation. Entre surdité feinte et mutisme entretenu, le CTRI a évolué dans le clair-obscur. Avec la publication de ce décret, il a abattu ses cartes, faisant craindre une réédition de la Concertation politique organisée par le pouvoir déchu. S’ils ne veulent pas doucher les espoirs des populations ou vider la rencontre de tout sens, le président de la Transition et l’archevêque de Libreville doivent essayer d’infléchir les choses. Même si le mal est fait, ils doivent l’avoir à l’esprit : présenté comme une étape décisive du processus en cours, le Dialogue national inclusif ne peut se muer en un monologue partisan et exclusif.

En plus des restrictions au droit de participation, Brice Clotaire Oligui Nguéma et Jean-Patrick Iba-Ba feraient œuvre utile en se penchant sur les entraves à la transparence. Si les cérémonies d’ouverture et de clôture seront ouvertes au public, ces assises ne seront pas retransmises en direct. Bénéficieront-elles d’une libre couverture médiatique ? Déjà, l’article 6 du décret n° 0115/PT-PR/MI du 8 mars 2024 fait obligation aux organes de presse de disposer d’une accréditation. Par qui et en fonction de quels critères ce précieux sésame sera-t-il délivré ? Les médias, notamment la presse étrangère, auront-ils assez de temps pour accomplir ces formalités ? Pourquoi le règlement intérieur doit-il être adopté par le seul bureau et non pas par le plénum ? Qui en proposera la mouture initiale ? Les mêmes questions valent pour le nombre et la composition des commissions et sous-commissions.

Effet désastreux

Par ailleurs, quel sera le statut juridique des participants ? Quels seront leurs attributs ? Seront-ils logés à même enseigne ? De quelles garanties de sécurité jouiront-ils ? Les propos tenus à cette occasion seront-ils couverts par une immunité ou la responsabilité de leurs auteurs pourra être engagée ? Déjà, d’aucuns le soulignent : les militaires, membres du gouvernement, parlementaires et magistrats jouissent, au quotidien, de statuts particuliers. Pourront-ils s’en prévaloir en cette circonstance ? N’y a-t-il pas risque de brider la parole des uns pour mieux libérer celle des autres ? Ne va-t-on pas vers une partie de poker menteur ? Les ministres y seront-ils Ès-qualités ? Auront-ils voix consultative ou délibérative ? Sur toutes ces questions, le décret portant convocation et organisation du Dialogue national inclusif est muet, faisant planer une hypothèque sur la pertinence des préconisations finales.

Globalement, l’effet du décret n° 0115/PT-PR/MI du 8 mars 2024 est des plus désastreux : au lieu d’apporter des précisions, il ouvre sur des interrogations. Même si certains pavoisent dans les chaumières, personne n’y trouve son compte : en voulant tout contrôler, les rédacteurs ont publié de nombreux aspects, y compris ceux touchant à la sérénité et à la sincérité des débats. S’il a toujours à cœur de «bâtir des institutions fortes, crédibles et légitimes garantissant un État de droit, un processus démocratique transparent et inclusif», le président de la Transition doit exiger une relecture de ce texte. S’il espère se démarquer de son prédécesseur, l’archevêque de Libreville doit faire de même. Après tout, devant l’Histoire, ils seront les seuls comptables…

 
GR
 

2 Commentaires

  1. Akoma Mba dit :

    Cette conférence ne servira à rien sauf gaspuller des milliards qui pourraient servir au bien-être des populations. Le résultat final sera Laisser le Général gouverner pendant cinq ans. Ce sur quoi Akoma Mba est d’accord. Nous avons besoin de ces 5 ans pour laver toute cette merde qui a gouverné et pillé le Gabon. Il faut du sang neuf aux prochaines élections présidentielles et non plus ces avaleurs de soupe corrompus

  2. CYR Moundounga dit :

    Bjr. La charte de la transition en elle même porte les germes de nombreuses contradictions. Nous en voulons pour preuves. L’absence de justification en ce qui concerne le retour en force des élites du pouvoir déchu.

    Dans ce contexte le décret n° 0115/PT-PR/MI du 8 mars 2024 ne saurait déroger à la règle car l’esprit de la lettre est à l’déontique. En français facile, nous avons comme l’impression que la séparation de la personne physique des individus qui gouverne et la fonction que ces derniers occupe n’est toujours pas bien cernée.

    Car tenez vous bien, comment voulez vous évoquer un caractère inclusif de quelque chose en caricaturant presque par « la main levée » la prise de décision. les hommes et les entités qui nous sont présenté pour animer ce conclave nous en démontre la quintessence.

    Il est temps de passer à autre chose très vite pour la sauvegarde du Gabon. Amen.

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