Dialogue national inclusif : Jouer cartes sur table
En absence de communication officielle sur le format et le statut juridique, des documents apocryphes seront toujours tenus pour des ballons d’essai, faisant craindre un remake de la Conférence nationale, des Accords de Paris, du Dialogue d’Angondjè voire de la tristement célèbre Concertation politique de février 2023.
La célébration du 14ème anniversaire de l’Union nationale (UN) a été abondamment évoquée par la presse. Et pour cause : à cette occasion, le directoire de ce parti a présenté puis explicité ses propositions de réformes institutionnelles, censées être mises en débat durant le Dialogue national inclusif. Sur deux questions, les conférenciers ont cependant paru obligés de donner leurs langues au chat : le format et le statut juridique de cette rencontre. Ces assises seront-elles ouvertes aux 17 247 contributeurs recensés par le gouvernement ? Seront-elles restreintes à certaines forces sociales voire aux organes de la Transition ? Comment se dérouleront les travaux ? En commissions puis en séance plénière ? Ou sous la forme de questions à choix multiples suggérées par les organisateurs ? Quel sort pour les actes ? Résolutions ou recommandations ?
Incertitudes, rumeurs, hésitations et fanfaronnades
Trois mois après la publication du chronogramme de la Transition, ces questions taraudent les esprits. Même s’ils mettent un point d’honneur à redire leur confiance dans le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), ni les partis politiques ni les leaders d’opinion ne parviennent à dissiper les incertitudes. Au-delà, ils se retrouvent face à cette évidence peu engageante : si Mgr Jean-Patrick Ibaba a été désigné pour présider ces assises, rien ne filtre à propos de leur organisation. Ni le lieu ni les noms des membres du comité préparatoire ne sont connus. Instruits par l’expérience du passé, nombre d’observateurs redoutent un remake de la Conférence nationale, des Accords de Paris, du Dialogue d’Angondjè voire de la tristement célèbre Concertation politique de février 2023. Pour cette seule raison, il y a urgence à jouer cartes sur table.
Dès le départ, le CTRI a présenté le Dialogue national inclusif comme une opportunité de «dessiner les nouveaux contours politiques et institutionnels». En choisissant l’archevêque de Libreville pour en assurer la présidence, il a suscité espoir et ferveur, l’épiscopat catholique s’étant illustré ces dernières années par des prises de position fortes, singulièrement à propos de la transparence électorale, du respect des normes de bonne gouvernance et de la protection des droits humains. Mais les incertitudes sur la composition du comité préparatoire, les rumeurs distillées sur le format, les hésitations du gouvernement et, les fanfaronnades de certaines personnalités ont fini par entamer la confiance. Mis en circulation par des mains invisibles, des documents ont installé la méfiance. Même s’ils ont été jugés apocryphes, ils ont incité à la prudence voire à la vigilance. C’est le cas du fameux «Rapport préparatif du Dialogue national» ou de cette affichette déclinant les «6 étapes importantes devant conduire à la tenue des Assises nationales du Gabon (…)»
Mutisme assourdissant
En absence de communication officielle, de tels documents seront toujours pris au sérieux. A minima, ils seront tenus pour des ballons d’essai lancés par des officines pas forcément éloignées du CTRI ou de la présidence de la République. Après tout, le 04 janvier dernier, lors de la cérémonie de présentation des vœux, le président de la Transition s’était voulu peu disert sur le statut du Dialogue national, renvoyant à l’archevêque de Libreville la responsabilité de le définir. Depuis cette date, le prélat n’a malheureusement envoyé aucun signal en ce sens. Emmuré dans un mutisme assourdissant, il n’a officiellement invité personne à entamer la réflexion. Peut-il l’avoir fait dans un cadre privé et en direction d’entités ou personnalités triées sur le volet ? Nul n’en sait rien. Pour l’heure, les partis politiques et organisations de la société civile libre semblent se faire du mouron, attendant un éventuel geste de sa part.
En laissant deviner un déficit dans la circulation ou la mise à disposition de l’information, la conférence-débat organisée par l’UN a fait l’effet d’une piqûre de rappel. Certes, le 11 du mois courant, le président de la Transition a accordé «une semaine supplémentaire aux jeunes de 20 à 25 ans pour apporter leur contribution». Mais, une fois de plus, on est resté au milieu gué : comme la composition du comité préparatoire, le format et le statut juridique des assises n’ont pas été clarifiés. Si le CTRI et l’archevêque de Libreville ne se mettent pas rapidement d’accord sur ces points, le Dialogue national inclusif pourrait rester dans les annales comme une simple péripétie, un rendez-vous manqué et, pire, une manœuvre politicienne menée par… des militaires.
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