Le dénouement aussi malheureux que suspicieux de la prise d’otages dans le département de Mandji-Ndoulou soulève des interrogations. L’homme n’était plus armé au moment où il est tué par le GIGN. Le qualifiant de ‘forcené’ et violeur, les médias bon teint et le pouvoir ont occulté les problèmes de fonds. La famille du kidnappeur a dénoncé, le 27 juillet, une mise en scène spectaculaire et refuse la thèse du viol. Derrière ce fait divers se cachent pourtant des problèmes socioéconomiques datant de 2001 mais totalement ignorés en l’occurrence. Tout sur cette affaire.

Face aux médias, le 27 juillet 2023 à Libreville, la famille de Glenn Patrick Moundendé. © GabonReview (Montage)

 

Des autorités administratives et politiques sont montées au créneau pour condamner et commenter, uniquement, l’agression sexuelle présumée commise par Glenn Patrick Moundendé. Aucun d’eux n’a cependant abordé ou même glosé sur les mobiles de cet acte ni sur les revendications du maquisard éphémère. Seule l’ignominie sexuelle a été mise en exergue. La prise d’otage en elle-même ? Un motif accessoire d’indignation. La mort d’un citoyen, simple chasseur esseulé, dans une opération menée par des forces spéciales entrainées ayant pu le capturer pour qu’il réponde de son acte devant la justice ? Un dénouement normal, sinon banal.

Sortant de sa réserve, la famille de Glenn Moundéndé a déclaré, le jeudi 27 juillet à Libreville, que le décès de son enfant, aux mains de la Gendarmerie nationale, était entouré de circonstances troublantes et d’allégations non prouvées de viol, présentées par le procureur de Mouila. Dénonçant une représentation médiatique biaisée de leur fils, elle a insinué des motivations politiques et exigé des enquêtes indépendantes. «Nous le savons tous à ce jour, notre fils Glenn Patrick Moundéndé a été tué dans son sommeil par un escadron des forces de défense de la République Gabonaise dans la nuit du vendredi 21 juillet 2023 (…), sachant qu’il n’était plus armé, il ne représentait plus une menace à cet effet», a regretté Auguste Paga, le porte-parole de la famille.

Variation de version, «fabrications politiques»

Le gouvernement gabonais semble, en effet, s’être empressé de diaboliser le «maquisard», notamment depuis un article du journal L’Union relayant les faits, sur la base d’un rapport de la Gendarmerie. Il y a que Glenn Patrick Moundendé, preneur d’otages dans la zone pétrolière de Coucal la semaine dernière, avant d’être abattu par la gendarmerie, est définitivement dans l’incapacité de livrer sa propre version des faits, Titillant les émotions, notamment en s’arc-boutant sur le viol du seul otage de sexe féminin, la version officielle, dans le contexte électoral et démagogique du Gabon, devrait être à prendre avec des pincettes à en croire la famille du ‘maquisard’ éphémère de Mandji.

«Comment comprendre que la prétendue victime du viol, qui avait, quatre jours plutôt, déclaré publiquement, dans un ton détendu et décontracté, avoir été bien traité par son ravisseur, change subitement de version, sous l’emprise de l’on ne sait quoi, pour dire qu’elle a subi des violences sexuelles, en simulant une émotion visant simplement à attirer la sympathie publique ?», a fait remarquer et interrogé Auguste Paga, porte-parole de la famille.

Se basant sur des éléments fournis par le procureur de Mouila, la famille du kidnappeur pointe des anomalies. «D’un côté, la preuve d’une prise d’otages et de tirs sur les forces de défense est incontestable, et c’est regrettable. Par contre, aucune preuve de violence sexuelle n’est établie. À ce propos, nous exigeons des contre-expertises pour clarifier ces allégations de violence sexuelle, que nous suspectons être des fabrications politiques. Nous condamnons toute manipulation politique dans cette affaire et demandons la vérité», a laissé entendre le porte-parole de la famille.

Sur les réseaux sociaux, les posts étaient déjà légion d’internautes mettant également en doute la thèse du viol. Nombreux d’entre eux interrogent : pourquoi dans le vidéo où la victime s’exprime à l’occasion de la visite du Chef de l’État venu la soutenir moralement, dame Philippine se contente-t-elle de la phrase «On a abusé de moi» ? Qui est «on» ? Pourquoi ne dit-elle «il a abusé de moi» ? Autant d’interrogation posées dans les forums Facebook notamment.

Le «testament» de Glenn Moundendé

Méthode d’époque depuis la démocratisation de l’Internet, le ravisseur de Mandji commettait chaque jour une vidéo donnant de ses nouvelles sur les réseaux sociaux. Qualifié de «testament» par les internautes, le tout dernier de ses posts relate comment il était confronté aux militaires à plusieurs reprises durant sa cavale dans la forêt.

«La première fois, ils ont tenté de me tuer en ouvrant le feu, mais leurs balles m’ont manqué. J’ai pu riposter avec mon calibre 12 pour me défendre. Lors de la deuxième tentative, je me suis enfui en cavale dans la forêt, mais ils m’ont retrouvé. Heureusement, mes ancêtres ont agi en ma faveur, et les trois tireurs n’ont pas réussi à me toucher», a narré Glenn Moundendé. Et le preneur d’otages qui espérait juste que les forces armées l’approcheraient, lui demanderaient de se rendre, de justifier son acte et faire entendre ses revendications, de poursuivre : «pourtant, mon cauchemar ne s’est pas arrêté là. Lors d’une confrontation ultérieure avec un autre agent, j’ai dû me défendre à nouveau alors qu’il pointait son arme sur moi. Par instinct de survie, j’ai dégagé son arme et engagé le combat».

Des revendications datant de 2001

Sans être Sigmund Freud, Madame Soleil et autre grand psychologue ou voyant, il n’apparait nullement, à l’examen sommaire de ses vidéos, que le kidnappeur est en état second ou qu’il s’agit d’un forcené, ainsi qu’il a été qualifié. Si tant est que, en deuxième acception selon le Petit Larousse, forcené signifie «Personne en proie à une crise de folie ou qui n’est plus maîtresse d’elle-même».

Le «forcené» ne pourra malheureusement plus jamais s’exprimer. Totalement ignorées, ses revendications datent pourtant de plusieurs décennies dans sa localité. On se souvient en effet que le 27 novembre 2004, une contestation populaire avait éclaté dans le même département de Ndolou. Deux personnes furent tuées et sept blessées lors d’une manifestation que la gendarmerie tenta d’interrompre. Les manifestants, frappés par le chômage et la pauvreté, revendiquaient notamment des écoles, des dispensaires, des routes, du travail et une redistribution plus équitable des revenus pétroliers du gisement Panthère Nzé, alors exploité localement par la compagnie Panafrican Energy. Ils avaient formulé ces doléances en 2001, mais suite à l’événement, la compagnie avait temporairement suspendu ses activités dans la zone.

Rêve de réconciliation ou de mort sous les couleurs nationales

«Actuellement en cavale, je reste déterminé à poursuivre le combat pour mes droits. Je refuse de renoncer. Je souhaite que si jamais ils veulent me tuer, cela se produise courageusement devant les couleurs nationales et toute la population de Mandji. J’aspire à un jour de réconciliation où nous pourrons tous, frères et sœurs, jeunes et âgés, nous rassembler pacifiquement à la place des fêtes. Là, sous le drapeau, je ferai entendre haut et fort nos revendications légitimes, car nous avons le devoir de défendre ce qui nous appartient», déclare le preneur d’otage dans sa dernière vidéo.

La marche organisée la semaine dernière par des jeunes de Mandji pour réclamer le corps de Glenn Moundendé montre que ce drame soulève de nombreuses questions et concerne bien plus de personnes dans la localité. Derrière ce fait divers se cachent absolument des problèmes sociaux et économiques profonds qu’il faudrait aborder. Toute la lumière doit être faite sur cette affaire troublante.

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GR
 

1 Commentaire

  1. CYR Moundounga dit :

    Bjr. Ce qui est important c’est ce qui se passe après les réconforts de la République. Malheureusement ils ne sont pas éternels. la longue marche vers le remord implacable et rongeur de ceux qui ont contribué à ce dénouement tragique vont en payer le prix. L’expérience de la vie qui est la somme des peines et des joies endurées indique que la « vérité n’a pas de tombe ». Seule la vérité libère et soigne. le dénouement de cette affaire prendra du temps, mais ils sera trop tard pour les vrais coupables. Amen.

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