À la faveur de la journée internationale des veuves, en fin de semaine écoulée, des témoignages émouvants de veuves face à l’injustice dans la répartition des biens hérités de maris décédés ont été déclinés. Difficultés financières pour prendre soin des orphelins, même malades, spoliation des droits et documents nécessaires à la prise en charge, etc., le storytelling des souffrances vécues par de nombreuses femmes peuvent donner à pleurer. Ces témoignages qui brisent le cœur rappellent une déplorable réalité : au Gabon, la violence à l’égard du conjoint survivant et surtout à l’endroit de la veuve, constitue une des violations des droits de l’Homme la plus persistante.

Trop de veuves souffrent au Gabon. © Gabonreview

 

Le 23 juin à l’occasion de la commémoration de la 13ème journée internationale des veuves, le ministère de la Justice chargé des Droits de l’Homme organisait une journée portes ouvertes (JPO) pour permettre au conjoint survivant d’être au fait de la législation en matière de succession.

Erlyne Antonela Ndembet (en haut), et quelques conjoints survivants et orphelins au centre social Benoît Messany. © Gabonreview

Passage redouté par les veuves et les orphelins, l’étape de la succession, pour ainsi dire, est pour beaucoup le début des malheurs. Au centre social Benoît Messany ce jour-là, il était 8h30 lorsque veuves et orphelins se succédaient pour prendre part à cette JPO. Parmi eux, Dame Jacqueline, une veuve dont l’allure n’en avait que plus de pouvoir évocateur. Visiblement amaigrie, les cheveux ébouriffés mal enfuis dans un foulard lui aussi mal attaché, elle tenait un monologue ressassant tour à tour ses misères

Parler seule, elle dit en avoir l’habitude depuis la mort de son mari. «Mes malheurs ont commencé avec le veuvage», a-t-elle confié éclatant presqu’en sanglots avant de se ressaisir. Sans entrer dans les détails, elle dit avoir subi durant cette période des «atrocités», de la part de sa belle-famille. «Après, ils ont enfoncé le clou. Je ne m’en sors pas bien avec les enfants», a-t-elle renchéri. Veuve, elle a eu des enfants avec son mari dont un malade dont la prise en charge reste approximative faute de moyens financiers. Son mari, dit-elle, a laissé des maisons en location mais dont ni elle ni les enfants n’en bénéficient tant, les parents de son mari s’en sont accaparés. «Ils disent qu’ils n’ont rien à foutre de la loi et refusent de me donner certains papiers pour me permettre d’entrer en possession de l’héritage», a-t-elle ajouté.

La famille paternelle en “profito-situationniste”

Sans travail, elle joue la survie au quotidien mais se sent à bout de souffle. «J’ai l’enfant que j’aimerais évacuer au Maroc quitte à vendre l’une des maisons mais ils refusent. J’ai également un autre qui doit aller au collège. Je voulais la mettre dans une bonne école mais je n’ai pas les moyens. Je finirai par aller m’asseoir au village. Je n’en peux plus», a-t-elle ajouté disant avoir effectué le déplacement espérant trouver une solution.

A quelques chaises d’elle, Janice, une orpheline. L’air tourmentée, elle assure que ses problèmes ont commencé avec la mort de son père. Sans un sou pour se prendre en charge alors que son père mettait à sa disposition les moyens nécessaires lui permettant de vivre décemment, elle dit être victime de spoliation et de rétention documents.

A la mort de son père, elle dit avoir été expulsé de la maison par son oncle, le frère de son père. «L’acte de décès est avec la copine de mon père qui refuse de me le donner. Mes parents paternels se sont partagé les voitures et autres biens que mon père a laissé. Du coup je ne sais pas comment faire», a-t-elle fait savoir disant s’être déplacée pour obtenir un accompagnement et jouir de ses droits. Autour de Janice et Dame Jacqueline, bien d’autres personnes en situation de spoliation et autres violences, du fait de leur condition de conjoint survivant et d’orphelin. Au centre Benoît Messany, ils sont allés chercher de l’aide auprès des services en charge de ces questions et réunis en un seul lieu lors de la JPO.

L’appel au réveil des consciences

Prononçant son discours officiel la veille, le ministre de la Justice relevait d’ailleurs qu’au Gabon, «la violence à l’égard du conjoint survivant et surtout à l’endroit de la veuve, constitue une des violations des droits de l’Homme la plus persistante, et dont les effets impactent négativement leur vie privée, professionnelle et communautaire ainsi que toute la société en général». Erlyne Antonela Ndembet rappelait à juste titre que pour y remédier le gouvernement a renforcé le cadre juridique à travers la loi n°002/2015 du 25 juin 2015 modifiant certaines dispositions de la loi n°19/89 du 30 décembre 1989 portant adoption de la deuxième partie du code civil qui renforce les droits des conjoints survivants et de l’orphelin, permettant au pays de mieux encadrer la succession lors du décès d’un des conjoints.

Elle évoquait tout aussi la loi n°006/2021, portant élimination des violences faites aux femmes qui renforce la protection des femmes contre tout acte de violence perpétrée surtout en milieu familial, ainsi que le Centre d’accueil des femmes victimes de violences.

Dans sa démarche, elle invitait surtout les victimes et les témoins à briser le plafond de verre. «L’heure n’est plus au silence, réveillons-nous, ayons le courage de dénoncer nos familles et nos communautés, les auteurs de ces délits en bravant la honte, la peur et la stigmatisation. Car, le silence et l’indifférence sont complices de l’injustice», a prononcé le ministre en charge des Droits de l’Homme. Un appel, a-t-elle dit, au réveil des consciences afin qu’une fois de plus, un pas décisif soit franchi pour diminuer progressivement voire définitivement cette déviance sociétale, «qui entache le développement de notre nation».

 

 
GR
 

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