Vue en coupe du pays dans la perspective de la présidentielle : Comment vont les Gabonais ? Comment va le Gabon ?
En pleine pré-campagne, nous avons voulu sentir l’humeur des populations. Nous avons cherché à nous faire une idée de leur état d’esprit. Pour cela, nous avons discuté avec eux. Nous avons aussi scruté les échanges sur les réseaux sociaux.
Comment va le Gabon ? Comment vont les Gabonais ? En pleine pré-campagne, nous nous sommes posé ces questions. Nous avons voulu sentir l’humeur des populations. Nous avons cherché à sonder leur ressenti, à nous faire une idée de leur état d’esprit. Pour cela, nous avons interrogé des gens, discuté avec eux, en tous lieux et en toutes circonstances. Nous avons aussi scruté les échanges sur les réseaux sociaux et fora de discussion. Sur WhatsApp, TikTok ou Facebook, nous avons lu, écouté. A la fin, nous avons procédé à l’analyse et à la synthèse afin dresser une vue en coupe du Gabon. À l’opposé de l’insouciance ou des bravades des uns, nous avons été confrontés à une société en plein désarroi. Aux antipodes des certitudes ou de l’engagement des autres, nous avons perçu un pays en plein doute, taraudé par la peur du lendemain.
L’affaire Ousmane Cissé, manifestation d’une lame de fond
Sans souffler sur les braises, il faut traduire la réalité : les Gabonais ne se sentent plus maîtres de leur pays. À tort ou à raison, ils ont le sentiment d’en être dépossédés chaque jour un peu plus. En fonction de leurs classes sociales ou affiliations partisanes, ils l’affirment avec plus ou moins de véhémence. Femmes ou hommes, jeunes ou vieux, militants de la majorité présidentielle ou de l’opposition, ils présentent la «réappropriation» comme une ardente nécessité, une urgence de premier ordre. Selon eux, le pouvoir exécutif se trouve entre les mains d’une supposée «young team», elle-même bordée par une prétendue «légion étrangère», désormais symbolisée par l’imam Ismaël Oceni Ossa et son rejeton, Mohamed Ali Saliou, par ailleurs directeur adjoint de cabinet du président de la République. Souvent décrit comme un homme sous influence, Ali Bongo est accusé de leur avoir délégué ses prérogatives. Pis, il est soupçonné de nourrir une certaine «rancœur vis-à-vis des Gabonais de souche». Aussi l’affaire Ousmane Cissé doit-elle être comprise comme un épiphénomène, la manifestation d’une lame de fond, voire le résultat d’un malentendu.
À la veille d’une campagne déjà présentée comme inédite, les Gabonais émettent des doutes sur les capacités physiques et cognitives du président de la République. À chacune de ses apparitions publiques, les mêmes questions reviennent : «Mais il y a combien d’Ali ?», «c’est vraiment lui ?», «c’est le même qui était à…», peut-on lire ou entendre çà et là. Quant aux images, elles sont analysées, regardées à la loupe, dans le but d’y déceler un détail à même de faire la différence. Dans cette ambiance délétère, beaucoup croient en l’existence d’un ou plusieurs «sosies». Ni les membres du gouvernement ni les hiérarques du Parti démocratique gabonais (PDG) ne parviennent à infirmer cette rumeur. Bien au contraire. En s’avançant sur ce terrain, ils s’exposent à une foultitude de questions auxquelles ils n’ont jamais de réponses, ravivant la polémique.
Comparaison avec le Sénégal et la Guinée équatoriale
À quelques mois de l’échéance majeure de la vie politique, les Gabonais ont le sentiment d’assister au décrochage de leur pays. Sur tous les plans, ils ont la conviction de vivre un recul. S’ils se montrent intéressés par la vie publique, ils n’ont nullement confiance dans les institutions. Si les agrégats macro-économiques ne signifient rien pour eux, ils n’accordent aucun crédit à la parole officielle. Établissant la comparaison avec le Sénégal et la Guinée Équatoriale, ils se demandent si le Gabon se dotera un jour d’infrastructures à la mesure de ses potentialités. Échaudés par l’équipée de l’Agence nationale des grands travaux (ANGT), ils raillent toutes les annonces, rappelant les promesses non-tenues. Exténués par les pénuries d’eau, coupures d’électricité ou la valse des étiquettes, ils crient leur mal-être. «On va encore faire comment ?», laissent-ils systématiquement tomber, comme pour étaler leur dépit.
Entre gouvernants et gouvernés, le fossé s’est indubitablement creusé. À l’évidence, il existe un découplage entre les préoccupations des premiers et les attentes des seconds. Pour avoir cultivé le secret, Ali Bongo a fait le lit à la dissimulation et au péculat, compromettant l’exécution de ses projets. Pour s’être appuyé sur un cercle d’affidés, il a favorisé la montée de l’arrogance et du sectarisme partisan, se coupant d’une bonne partie de la population. Pour n’avoir jamais voulu rendre des comptes, il a permis à certains de s’affranchir de toutes les règles, laissant les intérêts personnels prendre le pas sur l’intérêt général. À moins de faire l’autruche, cette réalité est perceptible à l’œil nu. Sauf à se bander les yeux, chacun peut se faire une idée de l’état du pays et du niveau d’exaspération des populations. À travers cette vue en coupe, nous avons voulu inviter les pouvoirs publics à un examen de conscience.
2 Commentaires
Bonjour, belle analyse de la situation sociale au Gabon, a quelques mois des élections présidentielles…
Espérons que chaque acteur politique et social en tienne compte…
Bonjour,
… dans la théorie,
… la majorité des enquêtes réalisées et exploitées en sciences sociales sont des enquêtes ponctuelles dites transversales, appelées aussi en coupe.
Une analyse en coupe transversale (« cross-sectionnal studies », en anglais) constitue une classe de méthode de recherche qui concerne l’observation d’une population dans sa globalité (ou échantillon représentatif) à un instant donné dans le temps.
Une recherche transversale aide essentiellement à analyser le « pouls » de la population à un moment donné à l’aide des données recueillies (opinions données suite à des questions ouvertes, analyses documentaires, analyse des réponses à des questions fermées, etc).
Dans une étude transversale, le processus de collecte de données implique des participants qui partagent des caractéristiques similaires (c’est le cas de votre étude d’opinion). Cependant, la variable étudiée est (peut être) différente et est maintenue tout tout au long de l’étude. On parle aussi d’étude de prévalence ou d’étude de la photographie. Elle s’oppose aux études longitudinales, qui sont l’étude du film.
Globalement, il ressort de votre analyse trois conclusions importantes.
1. l’aspect régalien: les gabonais sont attachés à leur République et aux valeurs qu’elle défend comme la tolérance et la paix;
2. le recul macro-économique du pays: le manque de cohérence dans les politiques économique, social et environnementale liée par exemple aux choix des ressources humaines dans leur conduite -des élites- (nous ne sommes pas dans un jeu de Monopoly, les bantous!);
3. la rupture du contrat social et de la confiance : la culture gabonaise de TOLERANCE remise en cause par des politiciens en manque d’inspiration (les perroquets vert et gris, le petit scribouillard ont démontré leur incurie), l’absence d’introspection, la promotion de la mise à l’écart des frères et des soeurs capables, la destruction des valeurs, etc.
Suite à votre « paper review », nait une série de questions: les gabonais(es) sont-ils(elles) prêt(e)s à réécrire leur (?)istoire (avec un grand H)? Veulent-ils (elles) le « statu quo » (on prend les mêmes et on recommence la même hypocrisie pendant 5 ans à l’infini)?
Seul(e)s mes soeurs et mes frères ont la réponse au fond d’eux. A vous de voir!
Cordialement.