Si le président de la République a le pouvoir de décider ou de juger de l’opportunité, il ne peut s’affranchir des principes, au risque de tomber dans l’arbitraire.

Le pouvoir discrétionnaire n’est pas la capacité à «faire d’un chien un ministre et d’un ministre un chien», selon cette bravade attribuée à Omar Bongo. S’il confère une certaine marge de manœuvre, il est limité et soumis au contrôle de légalité, interne et externe. © Gabonreview (Montage)

 

Ali Bongo est-il allé d’«erreur de casting» en «erreur de casting» ? Tel est, en réalité, le débat posé par les tenants du dégagisme à la mode. Loin de toute xénophobie, ses contempteurs dénoncent son mode de cooptation des élites. En leur entendement, trop de promotions ont été faites en violation de la loi et en fonction de critères peu objectifs, notamment l’âge, l’apparence physique et l’affiliation politique. Même s’il peut paraître outrancier, ce réquisitoire renvoie à une certaine réalité. N’en déplaise aux zélotes, le pouvoir discrétionnaire n’autorise pas tout et n’exonère nullement du respect des textes, dans leur esprit comme dans leur lettre. Si le président de la République a le pouvoir de décider ou de juger de l’opportunité, il ne peut s’affranchir des principes, au risque de tomber dans l’arbitraire. A minima, il doit veiller au principe de juridicité. Autrement dit, il doit tenir comptes des lois nationales et de l’ensemble des normes applicables en vertu de la Constitution.

Mauvaise gestion des ressources humaines

Avant de procéder à une nomination, le président de la République doit s’entourer de garanties. Il doit chercher à se faire une idée des compétences et de l’expérience de l’impétrant. Au-delà, il doit songer à évaluer la pertinence politique et l’acceptabilité sociale de son choix. Au gouvernement, à son cabinet, dans l’administration comme à la tête des établissements publics, il ne peut faire comme bon lui semble. Il ne peut placer des gens sans tenir compte des profils et procédures. Contrairement à une acception répandue, le pouvoir discrétionnaire n’est pas la capacité à «faire d’un chien un ministre et d’un ministre un chien», selon cette bravade attribuée à Omar Bongo Ondimba. S’il confère une certaine marge de manœuvre, il est limité et soumis au contrôle de légalité, interne et externe. De même, il ne peut s’exercer en faisant fi de considérations éthiques ou morales.

Ali Bongo a-t-il nommé des gens à la légitimité discutable ? N’a-t-il pas toujours tenu compte des éléments politiques, techniques ou des parcours ? S’est-il trop souvent laissé gagner par le jeunisme voire un certain exotisme ? A-t-il parfois évolué en marge des textes ? A toutes ces questions, l’opinion répond par l’acquiescement. De notoriété publique, des exemples abondent. Si on se gardera d’en citer, on ne saurait ne pas évoquer le cas de l’Agence nationale des grands travaux (ANGT), devenue le symbole de la mauvaise gestion des ressources financières et humaines. Jadis omnipotente et omnisciente, elle se mua en Agence nationale des grands travaux d’infrastructures (ANGTI), absorbant le Fonds d’entretien routier (Fer) avant d’être dissoute. Naguère placée sous l’autorité directe du président de la République, elle a été dirigée par des personnalités apparues dans le paysage pour la circonstance, avant de s’évanouir dans la nature sans jamais rendre compte.

Collusions et amitiés, réelles ou imaginaires

Échaudée par ce précédent, une certaine opinion se sent flouée et déconsidérée. Ruminant ce vaudeville, elle entretient la suspicion. Est-ce compréhensible ? Est-ce légitime ? Beaucoup répondent par l’affirmative. Pour étayer leur propos, ils se demandent si un membre du gouvernement gabonais peut décemment se présenter à la présidence de la République, en pleine fête de l’Indépendance, en tenue traditionnelle écossaise. Ou s’il a le droit de s’exhiber ainsi à la face du monde. On a beau leur dire d’y voir une facétie imputable à une méconnaissance des usages protocolaires, ils n’en démordent pas. On peut leur conseiller d’interroger le Protocole d’Etat, ils mettent en avant les collusions et amitiés, réelles ou imaginaires, se risquant à des parallèles hasardeux. A l’appui de leur thèse, ils évoquent la trajectoire d’autres personnalités, jadis puissantes et disparues des écran-radar depuis leur perte d’influence.

Dans cette ambiance délétère, les pouvoirs publics semblent anesthésiés, incapables de réagir. Est-ce la meilleure manière de raffermir la cohésion sociale ? On peut en douter. Dans une partie de l’opinion, ce mutisme est vécu comme du mépris. Dans une autre, il est entendu comme la traduction d’un refus de se remettre en cause. Dans tous les cas, il souligne une rupture entre dirigés et dirigeants. A vrai dire, ce débat ne porte pas sur les origines des personnalités citées. Il se rapporte plutôt à l’attachement au Gabon, à ses valeurs, à celles de la République, aux normes de bonne gouvernance et aux règles de fonctionnement d’un Etat moderne. Autrement dit, il vise à mettre en lumière les dérives inhérentes à une mauvaise acception du pouvoir discrétionnaire. Ne pas le comprendre revient à faire le lit à la xénophobie, à la discrimination, au rejet de l’autre et, finalement, au chaos.

 

 
GR
 

3 Commentaires

  1. NGUEMA BONGO dit :

    Cette dérive au sommet de l’Etat est en flagrante complicité de l’ensemble des Institutions de la République. Un complot inédit jamais connu dans aucune Nation. Le Gabon reste le seul pays au monde où tous les membres de la très haute classe politique a au minima un ou une partenaire non gabonais d’origine. Le seul pays au monde où les lois qui encadrent le vivre ensemble et le fonctionnement de la Nation sont prises par des gabonais qui ne sont pas d’origine.
    Tout ceci avec la complicité et la trahison de la Nation par les vrais autochtones qui ont bradé l’Esprit Républicain par la loi du ventre et du bas ventre.
    Aucune autorité n’est épargné.
    Il suffit de regarder la pauvreté d’esprit qui caractérise certains cadres à jeter en pature un pauvre homme qui doit aller se soigner plutôt que de se maintenir au pouvoir est la preuve d’une démission fatale et dangereuse de nos valeurs.
    Ca fait pitié. Oser le dire ne va rien changer et j’espère que je verrai ce changement.

  2. CYR Moundounga dit :

    Bjr. Nous pouvons applaudir des deux mains toute la narration produite par RB. Sauf que l’essentiel repose sur je suis désolé la question fermée suivante: un originaire et un naturalisé peuvent il avoir le même ATTACHEMENT au devoir envers une patrie une nation. Une t-elle interrogation on ne l’aurais jamais posée il y a 10 ans en arrière. Sauf qu’a l’examen des faits actuels a GABAO posée la question c’est déjà y répondre. L’essentiel est là, cela fait mal mais c’est la vérité. Amen.

  3. Lavue dit :

    Je me félicite beaucoup des analyses de Roxanne. Mais en y regardant bien en profondeur, on paie aussi un peu de notre histoire. Aux sortir de l’indépendance les Français voulaient continuer à contrôler notre pays et on placé à sa tête des gens acquis à leur cause. Dans l’administration et au très haut niveau de l’Etat et presque dans tous les autres domaines éducation, santé, etc. il y avait beaucoup de Blancs qui travaillaient. Comme ça ne suffisaient pas, la France avait cru bon faire venir d’autres Africains pour servir au Gabon car le pays manquaient de Cadres dans tous les domaines selon elle.

    Quand les premiers Gabonais sortis des Universités ont commencé à travailler, ils n’ont pas compris qu’ils devaient montrer la voie en travaillant beaucoup plus que ces gens là et dans les différents secteurs socio-économique pour se les approprier. Beaucoup on cru que la bonne voie était d’aller dans la politique.

    Les affaires, l’enseignement, la santé, l’ingénierie tout ça devrait être pour les étrangers. L’élite était attirée par les réussites faciles qu’offraient la politique. A un moment donné les autres ont commencé à penser que les Gabonais étaient des paresseux, idiots qui ne s’intéressent qu’à l’argent facile. D’ailleurs cette image est encore quelque peu présente dans l’esprit de beaucoup d’étrangers. Alors Qu’est-ce que l’élite gabonaise a proposé en terme d’exemples, de modèles à sa jeunesse depuis des années ? Absolument pas grand chose. Les détenteurs du pouvoir, voulant le conserver ont à tort ou à raison repris à leur compte ces préjugés d’incapacité, de paresse des Gabonais pure souche , ils ont commencé à croire que leurs compatriotes sont des paresseux et que pour réussir il valait mieux s’associer ou faire confiance à un étranger. C’est parti de là. Ces étrangers ont fini à leur tour par se convaincre que le Gabonais est réellement paresseux et ne sait rien faire, à part s’amuser et courir derrière les hommes politiques.

    Dans chaque pays, il y a des leaders nationaux dans tous les domaines qui servent de boussole, de modèles aux autres. Un étranger aussi bon soit-il ne sera jamais le modèle d’un enfant Gabonais. On doit le comprendre. Lee White pour réussir à transformer toute la forêt gabonaise en Or, il ne sera jamais le modèle des jeunes Gabonais, on saura toujours qu’il vient d’ailleurs. La préférence nationale est importante, elle va de pair avec la nécessité de s’affirmer dans les tous les domaines.

    Les gens qui ont confisqué le pouvoir depuis des lustres doivent y réfléchir si seulement la question les interpelle vraiment.

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