Controverse autour de la nomination d’Ousmane Cissé : Les dangers de l’autoritarisme
La colère populaire pointe les limites de la gouvernance d’Ali Bongo, mélange d’opacité, d’arrogance et de mépris pour la règle de droit.
L’arrivée d’Ousmane Cissé à la tête de la Société d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG) a relancé la polémique sur la légitimité de nombreux dirigeants. Depuis deux jours, les commentateurs se livrent à des analyses à la lisière du complotisme. Sans en mesurer la portée, certains manient des théories nauséabondes comme le «grand remplacement» ou la «préférence nationale». Même nos confrères du pro-gouvernemental quotidien L’Union y sont allés de leur couplet, dénonçant une «nomination qui fouette notre fibre patriotique et apparaît comme un mépris à tout un peuple». Rien de moins… Tout au long du premier mandat d’Ali Bongo, la querelle s’était cristallisée sur les emplois publics, conduisant l’opinion à dénoncer la présence d’une «légion étrangère» au sommet de l’Etat. Cette-fois, la controverse s’étend au secteur privé, avec des risques de métastase ou d’embrasement généralisé.
Recentrer le débat sur l’essentiel : le respect des lois et procédures.
Contrairement aux apparences, cette colère populaire n’est pas dirigée contre les personnalités citées. Elle vise plutôt à inviter les pouvoirs publics à revoir leur mode de cooptation des élites. Loin de toute xénophobie, elle sonne comme le rappel d’un principe : «L’homme qu’il faut à la place qu’il faut.» Au-delà, elle pointe les limites de la gouvernance d’Ali Bongo, mélange d’opacité, d’arrogance et de mépris pour la règle de droit. Par quel tour de passe-passe des personnalités démises par décret pris en Conseil des ministres ont-elles été remplacées sur délibération d’un conseil d’administration ? Les statuts de la SEEG ont-ils été modifiées entre-temps ? Si oui, à quel moment et par quelle instance ? Par quel mécanisme, le Fonds gabonais d’investissements stratégiques (FGIS) a-t-il repris les parts de l’Etat ? Quant eut lieu cette cession ? Existe-il un acte juridique y relatif ?
Ces questions ont pour objectif de dépolluer puis recentrer le débat sur l’essentiel : le respect des lois et procédures. Sur la naturalisation, la promotion aux emplois supérieurs de l’Etat, l’admission et le séjour des migrants, comme sur l’embauche des expatriés, des textes existent. Même quand il ne sont pas explicites, ils peuvent faire l’objet d’une interprétation juste et froide, avant toute décision. Au grand dam de l’opinion, les pouvoirs publics s’épargnent systématiquement cet exercice, préférant agir avec autoritarisme, quitte à se lancer ensuite dans des justifications vaseuses. Or, le Gabon se veut un Etat organisé. Selon le Code de la nationalité, «pendant un délai de 10 ans à compter de la date de signature de son décret de naturalisation, l’étranger naturalisé ne peut être investi d’un mandat électif». Autrement dit, il ne peut être conseiller municipal ou départemental. Comment peut-il alors être nommé ministre, directeur général d’administration centrale ou directeur général d’établissement public ou de sociétés à capitaux publics durant cette période ? Pis, dans le privé, l’embauche de la main d’œuvre expatriée est subordonnée à la délivrance d’une autorisation par le ministre du Travail après avis de la cellule de vérification placée sous l’autorité du Premier ministre.
Usurpation de titre
S’il ne veut pas flatter les bas instincts, le président de la République doit se souvenir de tout cela. S’il veut sortir de cette ambiance délétère, il doit soupeser les dangers de ses modes de faire. N’en déplaise aux zélateurs, trop de personnes ont été promues au mépris des règles. Les considérations déontologiques ? Elles ne sont jamais évoquées. Au gouvernement, dans la haute administration, comme à la tête des établissements publics pullulent des personnalités en délicatesse avec la vertu publique, au passé chargé et n’ayant ni qualité ni compétence pour occuper leurs fonctions actuelles. Comme dirait le Syndicat national des professionnels des Eaux et forêts (Synapef), l’«usurpation de titre» relève désormais de la banalité. Pourtant, dès après le 19 octobre 2009 et au lendemain du «tsunami administratif», d’aucuns avaient tiré la sonnette d’alarme, mettant en garde contre le risque d’«imposer à l’administration des choix qui ne correspondent pas toujours à l’éthique et à l’efficacité des missions de service publics». Las…
S’étant fermé à toute critique, Ali Bongo a cru poursuivre sur sa lancée, au point de laisser éclore puis de protéger la défunte Association des jeunes émergents volontaires (Ajev), devenue un temps la principale pourvoyeuse de têtes. Malheureusement, l’équipée de cette nébuleuse a montré combien il est nuisible et dangereux de s’affranchir des codes, principes et règles. Aujourd’hui encore, de nombreuses structures peinent à sortir des abysses où elles furent précipitées par l’irruption d’une bande de copains sans expérience, aux profils souvent douteux, dans la vie publique. Si chacun aurait gagné à tirer des enseignements de cette séquence historique, il n’en a manifestement rien été. Dommage… Et d’abord pour Ousmane Cissé…
5 Commentaires
Ce type sait très bien que les gabonais ne l’ont pas voté, donc il fait comme bon lui semble à la tête de notre pays. Sa seule certitude son armée clanique prëte à nous massacrer. Il nomme des gens venus de nul part pour gérer des choses ultra sensibles pour notre vie voire notre avenir, quel mépris!!!
Ce début de réveil manifesté par les agents de la SEEG et une partie de la société civile est de bonne augure…pour montrer à cette bande d’apatrides incompétents que nous n’allons plus tolérer leur œuvre de destruction massive de notre pays.
Pdgistes, quelque soit vos plans de tricherie qui sont mis sur le terrain, vos stratégies misent en place, Dieu vous réserve une grande surprise, le caot à cette élection. Pour essayer d’avoir une mince chance, enlever le nom d’ALI BONGO comme candidat. Il a montré ses limites. Le Gabon appartient aux Gabonais et non aux Étrangers, les Étrangers ont un seul but c’est le pillage, les LEE WHITE, ALIANGA, ACROMBESSI, SOULEIMAN Etc… ne sont pas là pour faire le bon travail.
Mon fils « barbe », Ali caca 💩 Bongo n’est plus de ce monde depuis 2018. La vérité germera enfin. Et vous donnerez enfin raison au vieux Serge Makaya. A Ntare Nzame. Pitié.
Bonjour Mme Roxanne BUENGUIDI,
Les économistes néo-classiques avaient toujours pensé que la firme était une « boîte noire » (« black box »). Or si vous ouvrez la « boîte noire », vous constaterez que l’entreprise est un en ensemble de partenaires n’ayant pas forcément le même objectif. Internes (entendons partenaire): les dirigeants, le conseil d’administration (CA) par exemples. Externes: les clients, l’Etat par exemples.
En remettant en cause les hypothèses de base des théoriciens néo-classiques, les néo-institutionnels se positionnent sur la question de l’existence de l’entreprise comme un noeud de contrats (« nexus of contracts »). Ce nouveau paradigme donna à R. Coase le prix Nobel d’économie en 1932. C’est pourquoi, la corporate governance (le gouvernement de l’entreprise, GE ci-après) prend toute son importance en tant que théorie à part entière. Le GE désigne l’ensemble des processus, réglementations, lois et institutions destinées à (en)cadrer la manière dont l’entreprise est dirigée, administrée et contrôlée. Un des sujets prégnants (controversés) en corporate governance est la nomination des dirigeants. Dans ce cadre précis, leurs nominations par la commission de nominations du CA peuvent faire débat. Surtout lorsque l’Etat est actionnaire, en situation de minorité de blocage (33%) ou en position majoritaire ( plus de 50%).
Toutefois, l’essentiel est que le choix du CA soit fondé sur les compétences des dirigeants et leur nationalité n’est jamais pas neutre. Voici quelques exemples. Jean-Laurent Bonnafé, DG de BNP Paribas (Banque française), ingénieur des mines de nationalité française. Pdg de TikTok (firme chinoise), Schou Li Chew, nationalité chinoise formé à Havard Business School. Koji Sato, Pdg de Toyota (constructeur automobile japonaise), ingénieur de nationalité japonaise. Leur rôle est de prendre des décisions stratégiques (déclinées par ailleurs en politiques générales) visant à créer de la valeur actionnariale (dividendes), non « poings et pieds liés ». Car ils ont une marge de manoeuvre appelée latitude discrétionnaire.
Si on veut mesurer la performance des entreprises (publiques ou privées) d’un pays, alors il ne serait pas anodin de regarder les compétences de leurs dirigeants fruit d’une formation initiale polytechnique et polyvalente, et d’une expérience rompu à la gestion.
Votre article de presse est à ce titre particulièrement stimulant. Il montre la « bizarrerie » (1) de notre modèle de gouvernance et l’inefficacité des activités d’influence qui, en définitive, détruisent la valeur organisationnelle et donc le noeud de contrats.
Cordialement.
(1) « Au gouvernement, dans la haute administration, comme à la tête des établissements publics pullulent des personnalités en délicatesse avec la vertu, (…) n’ayant ni qualité ni compétence pour occuper leur fonction actuelle.. »;
(2) »Aujourd’hui encore, de nombreuses structures peinent à sortir des abysses où elles furent précipitées par l’irruption d’une bande de copains sans expérience, aux profils souvent douteux dans la vie publique »
Bonjour,
Juste une rectification. Ronald Coase a obtenu le prix Nobel d’économie en 1991 pour des travaux de recherche publiés en 1937. « The nature of the Firm ». Dans l’urgence de l’écriture, on peut parfois écrire des inexactitudes. Merci de votre compréhension.