Raymond Ndong Sima et la vie chère : Raccourci mystificateur
À trop vouloir affirmer son scepticisme, l’ancien Premier ministre fait comme si la lutte contre l’inflation était une nouveauté. Pourtant, il le sait : la politique monétaire, budgétaire ou la réglementation peuvent aider à lutter contre l’inflation.
À propos des Assises nationales sur la vie chère, Raymond Ndong Sima a livré sa part de vérité. S’il a paru abrupt et définitif, il a cru élargir le débat à la question économique. Sa lecture n’a rien d’originale, mais elle veut donner de la profondeur. On connait l’homme. On connait son parcours. Ancien directeur général de l’Economie, ancien manager d’entreprises publiques ou privées, ancien Premier ministre, il jouit plutôt d’une bonne réputation. Quand il s’exprime c’est toujours pour mettre en avant sa technicité et son savoir supposé. Quitte à laisser le sentiment de faire dans le livresque, il s’efforce toujours d’adopter une approche scientifique. S’il met l’accent sur la production, sa proposition reflète sa pensée profonde. Purement académique, elle s’inscrit dans le long terme et ne correspond nullement à l’urgence du moment.
Des idées applicables dans l’immédiat
Dans une économie de production, les pouvoirs publics disposent effectivement de tous les leviers pour lutter contre la vie chère. Mais le pouvoir d’achat n’est pas une notion exclusive : il s’applique aussi à des économies basées sur la rente et la consommation de produits importés. Réalité quotidienne, il est lié aux prix et au revenu. De ce point de vue, il fait appel au travail, au patrimoine, à la fiscalité, aux prestations sociales et, plus largement, aux dépenses d’intervention. Sauf à se poser en relais de la doxa ultralibérale, nul ne peut nier la capacité d’action de l’État. Sur le niveau de salaires, comme sur la capacité des ménages à investir, les impôts, la sécurité sociale, la garantie sociale, l’aide sociale ou les assurances complémentaires, les pouvoirs publics disposent de moyens d’action. Pêle-mêle, on peut évoquer la relecture des conventions collectives existantes ou la signature de nouvelles, la lutte contre la parafiscalité ou l’amélioration de la gouvernance des entités de protection sociale. On peut aussi parler de la modernisation du port ou de la chaîne des transports.
Même si le débat sur la structure de notre économie ne manque pas de pertinence, il faut parer au plus pressé. Au lieu de faire dans la théorie économique, sur fond de considérations personnelles, il faut avancer des idées simples, applicables dans l’immédiat. On pense notamment à la généralisation du Revenu minimum mensuel (RMM), à la modulation de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA), à l’assouplissement des conditions d’accès au crédit, à l’amélioration du mécanisme de recouvrement des cotisations dues à la Caisse nationale d’assurance-maladie et de garantie sociale (CNAMG), à la baisse des frais d’entreposage, de logistique et de transports ou au toilettage des factures d’électricité, devenues le moyen de collecte de toutes sortes de taxes possibles et imaginables. Certes, à quelques encablures d’une élection présidentielle, ces mesures ont des accents électoralistes. Mais, au vu des difficultés éprouvées par les populations, elles peuvent avoir du sens.
Inflation, phénomène bien connu
Raymond Ndong Sima a de bonnes raisons de militer pour une refonte complète de notre économie. Mais il ne peut se projeter dans le futur en occultant le présent. Il ne peut réfléchir sur le long terme sans songer à la satisfaction des besoins immédiats des populations. Il ne peut faire comme si la production était le seul et unique déterminant du pouvoir d’achat. En raisonnant de la sorte, il se limite au lien entre l’offre et la demande, oubliant de nombreux paramètres, notamment le prix de l’énergie ou du transport, les coûts de production, les fluctuations des taux de change, les salaires, la mondialisation et les progrès technologiques. A trop vouloir affirmer son scepticisme, l’ancien Premier ministre fait dans le raccourci mystificateur. A trop vouloir dénier au gouvernement toute capacité d’action, il fait comme si la lutte contre l’inflation était une nouveauté. Pourtant, en son for intérieur, il le sait : la politique monétaire, budgétaire ou la réglementation peuvent aider à lutter contre la vie chère.
Les Etats-Unis, la Chine ou l’Union européenne ont des économies fondées sur la production de biens et services. Mais l’inflation y demeure un phénomène bien connu. Pour lutter contre, ces pays utilisent différents instruments. Pourquoi, le Gabon serait-il condamné à ce choix binaire : produire ou subir la hausse des prix ? Même si le gouvernement est précédé d’une réputation peu glorieuse, on ne peut limiter le champ des possibles. Quand bien même ses états de service ne suscitent guère l’espoir, on doit explorer toutes les pistes. Sur le pouvoir d’achat, des études existent, nombreuses. Loin de toute «plaisanterie politique», chacun peut les consulter.
1 Commentaire
Votre article n’est pas moins théorique que ce qu’a dit. Raymond NDONG SIMA.
Morceaux choisis:
– généralisation du Revenu minimum mensuel (RMM);
– modulation de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA);
– assouplissement des conditions d’accès au crédit;
– amélioration du mécanisme de recouvrement des cotisations dues à la Caisse nationale d’assurance-maladie et de garantie sociale (CNAMG);
– baisse des frais d’entreposage;
– etc…
De quelle manière va t-on y arriver ?
D’habitude, vous dites des choses sensées, mais cette fois-ci, vous avez raté une occasion de vous taire.