Si ses débuts n’ont pas été faciles au regard de certaines contraintes inattendues (rupture de la voie ferrée, naufrage de l’Esther Miracle…), le patron de l’Administration gabonaise a, malgré tout, tenté d’apporter des solutions concrètes aux préoccupations des Gabonais. Au bout des 100 premiers jours d’Alain-Claude Bilie-By-Nze comme Premier ministre, chef du gouvernement, un bilan d’amorce s’impose.

© GabonReview

 

Nommé le 9 janvier 2023 à la tête de l’administration gabonaise, Alain-Claude Bilie-By-Nze a totalisé, le 19 avril, 100 jours à la Primature. Une période d’un peu plus de trois mois imposant un bilan d’étape, surtout dans la perspective d’une élection présidentielle devant théoriquement se tenir dans quatre mois. Il s’agira surtout d’apprécier la trajectoire empruntée par le chef du gouvernement, de relever les forces et les faiblesses remarquées dans l’exécution de la politique déclinée lors sa Déclaration de politique générale. Quintessence de son discours devant les élus du peuple, sa feuille de route était articulée autour de la vie chère, la route, l’éducation et la formation, la santé, l’emploi, le conflit homme-faune, les élections, l’insécurité et la justice.

Un contexte et des vicissitudes

Ancien sociétaire du mensuel La Nouvelle République, dont l’avis a été sollicité par GabonReview pour ce bilan, le journaliste Arnaud Tchombo note de prime abord : «Hausse des salaires des agents de l’État, retraite à 63 ans, régularisation des situations administratives. C’est ce à quoi aspirent les agents publics, mais le gouvernement Bilie-By-Nze, lui, a privilégié de développer certains des 12 éléments-phares de sa Déclaration de politique générale».

S’il est connu dans son entourage comme un «mordu du travail», «un couche-tard» et «un lève-tôt», depuis sa nomination Alain-Claude Bilie-By-Nze investit en effet son cabine au plus tard à 6 heures et 30 minutes. Ce qui favorise une certaine marge de manœuvre personnelle pour mener plusieurs actions et sur plusieurs fronts durant sa journée.

Mais son action à la tête du gouvernement a quelque peu été entravée par les vicissitudes survenues, soit quelque peu avant ou soit un peu après sa nomination. On notera l’énergie qu’il a mise, présidant les réunions relatives à la réparation du chemin de fer et à la reprise du trafic, la voie ferrée ayant été rompue entre les gares d’Offoué et de Booué. S’appuyant  sur les trois «P» (pragmatisme, patriotisme et proximité), fondement de son action, il s’était rendu dans les villes de Koulamoutou, Lastoursville et Franceville, afin d’être plus proche de la population impactée par cette rupture de voie ferrée et leur présenter les solutions en cours ou celles envisagées pour un retour à la normale. Dans le même temps, il a instruit des travaux d’ensoleillement de la route économique avec le concours des opérateurs économiques, afin de faciliter le trafic sur cette voie desservant l’intérieur du pays.

Dans ce sillage, le Premier ministre a séjourné à Bifoun, Ndjolé et Lambaréné pour évaluer les travaux de la Transgabonaise, ainsi que les infrastructures en construction, en cours de réhabilitation ou de réfection dans ces localités. Les routes, les hôpitaux, les établissements scolaires, entre autres, ont souvent été les centres d’intérêts de ces visites de terrain.  Et Arnaud Tchombo, notre journaliste ressource cité plus haut, d’estimer, un tantinet mitigé : «en ce qui concerne la route, pas d’avancées dont l’opinion aurait à se satisfaire en dépit de l’amélioration sensible du trajet Ntoum-Nsilé dans le projet routier de la Transgabonaise.  L’actuel ministre des Travaux publics, Toussaint Nkouma Émane, qui a hérité d’un département ministériel parmi les plus sensibles, n’a pas eu beaucoup d’ingéniosité depuis sa nomination en octobre dernier, et encore moins au cours de ces cent premiers jours du gouvernement Alain-Claude Bilie-By-Nze. Pour lui, on peut le dire, le destin prend parfois des chemins inattendus…»

Drame de l’Esther Miracle

Imprévu, un temps fort de ces 100 premiers jours aura été le naufrage de l’Esther Miracle ayant fait 30 morts et 7 disparus. L’omniprésence du chef du gouvernement dans la gestion de ce drame aura été remarquée. Prenant souvent la parole pour booster l’action des équipes, soutenir les victimes, communiquer des informations précises pour recadrer les folles rumeurs et débats sur les réseaux sociaux, Bilie-By-Nze et les membres du gouvernement ont rendu visite quotidiennement, parfois plusieurs fois par jour, aux rescapés, aux familles des disparus et des naufragés. Ils ont rapidement pris en charge les recherches des disparus ainsi que l’aspect psychologique et administratif des rescapés et des familles. Un moment chronophage ne permettant pas vraiment de s’atteler à autre chose.

Offre de soins

«Le secteur de la santé également est en plein développement», note l’ancien chef de page du journal La Nouvelle République, ajoutant : «la construction de nouveaux hôpitaux départementaux et la réhabilitation de centres médicaux pour leur transformation en hôpitaux départementaux en sont l’illustre démonstration, tout comme l’est leur équipement en plateaux techniques».

On note en effet, sur le plan sanitaire, l’amélioration de l’offre de soins avec l’opérationnalisation des Régions et Départements sanitaires, matérialisée par des chantiers dont la fin est prévue pour juin 2023. Les descentes du Premier ministre sur le terrain permettent de se rendre compte de la transformation, de la réhabilitation et de la construction de plusieurs structures sanitaires dans différentes localités (Akieni, Léconi, Okondja, Moanda, Fougamou, Ndendé, Ovan, Mvadi, Mokeko, Mitzic, Medouneu et l’hôpital d’Ebeigne…). Et comme annoncé, les caravanes médicales spécialisées en médecine de proximité ont débuté dans le pays. Des équipes pluridisciplinaires sont affectées à l’intérieur du pays pour rapprocher l’hôpital de la population.

Accès à l’eau et à l’énergie

Dans le domaine de l’Eau et de l’Énergie, Arnaud Tchombo estime que «si les projets d’adduction d’eau et d’électrification se poursuivent dans plusieurs localités du pays, il n’en demeure pas moins vrai que les travaux avancent avec un manque d’entrain, donc trop lentement, alors que les besoins sont énormes et pressants. Libreville demeure une ville mal éclairée, avec trop de distanciation entre les lampadaires, comme dans ce boulevard qui mène du carrefour Camp de Gaulle à l’aéroport par exemple.»

Les efforts sont néanmoins visibles sur l’ensemble du territoire national, afin d’améliorer l’accès à l’eau et à l’électricité. Ils sont soutenus par trois principaux programmes : le Programme intégré pour l’alimentation en eau potable et l’assainissement de Libreville (Piaepal) d’un montant de 77 milliards de francs CFA pour le Grand Libreville ; le Projet accès aux services de base en milieu rural et renforcement des capacités (Pasbmir) d’un montant de 35 milliards de francs CFA sur l’ensemble du territoire et les projets prioritaires sur l’ensemble du territoire, d’un montant de 11 milliards de francs CFA.

CNSS, CNAMGS

Par ailleurs, le gouvernement a accentué l’amélioration de la prise en charge des personnes vulnérables et la protection des droits de la femme. D’où la réforme de la gouvernance de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et celle de la Caisse nationale d’assurance maladie et de garantie sociale (CNAMGS) avec une forte implication du secteur privé, en vue de sécuriser le paiement des pensions et améliorer les prestations sociales. A ce propos, les retraités entrent désormais en possession de leur pension sans trop d’anicroches. Le Premier ministre étant allé jusqu’au siège de la CNSS pour rassurer les pensionnés. Mais plus, encore, le Chef de l’État a alloué une enveloppe de 10 milliards de francs CFA pour la prise en charge de 5000 nouvelles pensions.

Éducation, formation et emploi

«L’éducation nationale, avec son programme de construction-réhabilitation est un secteur en plein développement», reconnait notre consultant Arnaud Tchombo. On note en effet, sous la houlette de Bilie-By-Nze, que les efforts de construction de nouvelles salles de classe se poursuivent. Le gouvernement annonce 20.000 places supplémentaires pour les enfants dans les écoles primaires et secondaires, à partir de cette fin d’année 2023.

Vie chère

Le brainstorming géant des Assises contre la Vie chère a permis la recherche des solutions appropriées pour freiner la hausse des prix, synonyme de l’allègement du contenu du panier de la ménagère. Elle se sont achevées le 13 avril 2023 sur une série de recommandations comme la détaxation des produits alimentaires importés. Si le journaliste Arnaud Tchombo note qu’«il reste à savoir comment l’équipe gouvernementale parviendra à asseoir les résolutions qui en ont résulté», Alain Claude Bilie-By-Nze pour sa part indiquait déjà : «Il y a, parmi les propositions qui sont faites, certaines qui peuvent être appliquées dans l’immédiat et (d’autres) qu’il faudra étaler».

Chômage

Pour la lutte contre le chômage, particulièrement celui des jeunes, priorité absolue du chef de l’État, des réformes fortes et audacieuses ont été implémentées par le gouvernement à la faveur d’un dialogue public-privé soutenu et pragmatique avec les pourvoyeurs d’emplois.

En outre, afin de matérialiser la volonté de créer un tissu de Petites et moyennes entreprises (PME) solides et prospères, il a été procédé, le 18 janvier, à la signature d’une convention entre la Société de garantie gabonaise et la BICIG, matérialisant la mise à disposition d’un montant de 2,5 milliards de francs CFA, constitutif d’un fonds de garantie destiné au financement des PME. Elles pourront ainsi se structurer, améliorer leur profitabilité et créer des emplois. Ce fonds est mis à la disposition d’établissements de micro-crédit afin d’accompagner les porteurs de projets et les entrepreneurs déjà en activité, pour des montants de l’ordre de 500.000 francs CFA à 5.000.000 de francs CFA, selon les besoins identifiés.

Conflit homme-faune : aide aux victimes

Au-delà du respect des engagements internationaux, des politiques volontaristes de préservation de l’environnement et des écosystèmes continuent d’être mises sur pied. Elles visent à préserver l’avenir des générations présentes et futures et à contribuer à la lutte contre les changements climatiques. Et dans les provinces impactées par les effets de ce conflit, les victimes passent depuis lors à la caisse pour recevoir des aides, comme annoncé pour combler les manques à gagner.

Concertation politique, CGE

Sur le plan politique, le chef du gouvernement a été maitre d’orchestre et co-président de la Concertation politique de février dernier dont l’obtenir était d’aboutir à des élections crédibles, transparentes et à des lendemains électoraux apaisés. Résultat, notamment : une harmonisation des mandats politiques, avec un scrutin à un tour pour chaque élection, et des mandats de 5 ans, pour le président, les sénateurs, députés et élus locaux. En revanche, le nombre de mandats reste illimité. Certains des résultats de ces travaux sont encore controversés mais ils ont été gravés dans le marbre de la Constitution, modifiée à cet effet.

On n’omettra pas que sous la férule de Bilie-Bye-Nze, le bureau exécutif du Centre gabonais des élections (CGE) a été renouvelé, malgré les contestations d’une certaine frange de l’opposition qui estime que le président de cette structure chargé de l’organisation des élections, est un «pion du parti au pouvoir», d’autant plus qu’il reste un militant connu et assumé.

Des choses et d’autres

«Il y a eu incontestablement de bons points au cours de ces 100 premiers jours du gouvernement conduit par l’élu de Makokou. Le secteur culturel a notamment été bien en vue : octroi de parcelles de 500 m² à des artistes, enrôlement des artistes pour l’assurance-maladie (CNAMGS), et adoption du projet de loi portant statut de l’artiste en République Gabonaise», rappelle Arnaud Tchombo.

Le journaliste en hibernation note, par ailleurs, que pour d’autres éléments-phares tels que la décentralisation, la carte nationale d’identité électronique, l’insécurité, les relations avec les Institutions, et la justice, l’opinion attend de voir sur pièces la matérialisation des ambitions exprimées par le chef du gouvernement lors de sa déclaration de Politique générale, le 24 janvier dernier. «Gageons que plusieurs dossiers restés au stade des intentions connaîtront une concrétisation certaine au cours des prochains mois». Le journaliste espère le remplacement des ministres manquants aux Affaires étrangères et aux Transports. «Cela donne le sentiment que le gouvernement marche difficilement, car il n’a pas toutes ses jambes», indique-t-il avant de conclure optimiste : «avec le tempérament du Premier ministre de la proximité, du patriotisme et du pragmatisme, dont une grande partie de l’opinion connaît la détermination et le goût de l’action, nul doute que les lignes pourraient bouger bientôt

Au-delà de toutes ces actions et de la volonté affichée et affirmée du Premier ministre de solutionner les problèmes, beaucoup reste à faire. «Il reste encore tant de choses à faire». «Et il en restera encore beaucoup à faire dans 10 ans, dans 30 ans, dans 50 ans, car la construction d’un pays est un processus long, qui peut avoir ses lenteurs, ses lourdeurs ou ses temps d’accélération», indiquait Alain Claude Bilie-By-Nze lors de sa Déclaration de politique générale.

 
GR
 

3 Commentaires

  1. Gayo dit :

    Elus du peuple? Quel peuple? Elus des Bongos et du PDG.

  2. Mikouma Paul dit :

    100 jours après, le Cabinet du Premier ministre n’est toujours pas nommé. Preuve qu’entre le Premier ministre et le Palais du Bord de mer il y a un soucis.

    Plusieurs mois après le décès de Michael Moussa et la démission du Ministre des Transports, ces derniers n’ont toujours pas été remplacés.

    100 jours….

  3. Eliwa dit :

    Pas de complaisance journalistique SVP ! Peut mieux et doit mieux faire de la part de celui qui a occupé le Ministère de l’Énergie et des Ressources hydrauliques (sans de réelles avancées) et maintenant 1er Ministre, pense que le gabonais lambda, vit au dessus de ses maigres moyens…

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