Le culte du veau d’or et le règne de Mammon
L’argent, l’argent, encore et toujours l’argent… Il n’y a que ça qui fait courir et fonctionner la grande majorité de l’élite sociale et politique du Gabon. Obnubilée, celle-ci lui voue littéralement un culte au détriment de biens de valeurs humaines et spirituelles. Abslow livre ici une chronique de «Philosophie morale et politique».
Pendant l’Exode du peuple hébreu vers la terre promise, alors que Moïse se trouvait sur le mont Sinaï pour recevoir les Tables de la Loi, les hébreux, nouvellement libérés du joug de Pharaon, se mirent à adorer le veau d’or, fondu avec l’or des bijoux de leurs femmes et de leurs enfants. Lorsque Moïse descendit du mont Sinaï et constata l’idolâtrie interdite par le Deuxième Commandement de Dieu, il fut pris de colère et ordonna de tuer tous ces hérétiques avec la bénédiction de Dieu lui-même.
Parfois j’aime à penser que le même sort sera un jour réservé aux gabonais qui sont obnubilés par la puissance de l’argent qui fait de ce pays, un vaste territoire atrophié par l’immobilisme. L’argent y est devenu le mobile sans lequel rien ne se meut. C’est dire quel est son grand pouvoir sur mes compatriotes qui ont appris à le vénérer. Ils aiment tous l’argent et très peu d’entre eux ne sont pas prêts à tout pour de l’argent. Mais la très grande majorité en a un amour immodéré qui, comme l’amour du pouvoir, a un prix : la dignité.
«L’argent est un bon serviteur mais un mauvais maître». Nous l’avons tous déjà entendue, cette maxime vieille comme le monde. À défaut de l’avoir apprise à l’école, nous l’avons apprise de nos aînés. En d’autres termes, l’amour excessif pour l’argent est une forme d’esclavage moral qui expose votre âme à une corruption irréversible qui vous fera commettre les pires transgressions. Nos croyances religieuses ne nous enseignent-elles pas que l’accumulation des richesses est la caractéristique de ceux qui craignent Dieu ?
«Nul ne peut servir deux maîtres. Car, ou il haïra l’un et aimera l’autre ; ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon» (Luc 16 v13). La logique de Dieu est de dépossession, de confiance et de fraternité tandis que la logique de l’argent est d’appropriation et d’insatisfaction. Il y a deux rapports à l’argent. Le premier consiste à accumuler pour soi, le deuxième à prendre l’argent pour un instrument au service de son épanouissement, sans faire l’impasse sur le souci des autres.
Les grands personnages bibliques tels qu’Abraham, à qui Dieu a donné «petit et gros bétail, argent et or» (Gn 24 v35) ; Jacob, qui «regorge de biens» (Gn 30 v43); Salomon, qui fut «le plus grand de tous les rois de la terre en richesse et en sagesse» (1 R 10 v23) et de Job, l’ami de Dieu qui fut le «plus fortuné de tous les fils de l’Orient» (Jb 1 v1-3), ont tous prospéré pour avoir été au service de leur communauté. La fortune des Émirats arabes unis dont Dubaï est devenue la vitrine ne s’est-elle pas accrue par le fait que ses dirigeants sont au service de leurs peuples ?
A contrario, notre pays où les hommes publics revendiquent pourtant fièrement leur foi, en Jésus Christ pour les uns, en Allah pour les autres, et dans les temples à la gloire du Grand Architecte de l’Univers pour le plus grand nombre, est devenu par l’entêtement des faits, l’antithèse de ces préceptes promus par leurs religions respectives. Les Gabonais vivent sous l’emprise de Mammon, cette entité démoniaque qui représente, dans le Nouveau Testament, la richesse matérielle érigée en divinité, à laquelle ils ont voué un culte et consacré leur vie.
Peu importe de quelle manière ils acquièrent leur fortune, souvent au prix de l’appauvrissement du plus grand nombre, ils s’évertuent depuis plus de 50 ans à accumuler davantage de richesses financières et matérielles, qu’ils ne pourraient même pas dépenser durant plusieurs vies. Un demi-siècle d’accaparement de richesses et d’accumulation de biens qui n’ont paradoxalement pas abouti à leur bien-être individuel et collectif. Ils se contentent simplement de l’ivresse du pouvoir qui est devenue leur seule satisfaction.
Le pouvoir d’acheter des biens matériels, mais surtout le pouvoir d’acheter les gens en corrompant les esprits pour en obtenir des avantages, ou les tenir en laisse. C’est hélas dans cet exercice qu’excellent les richissimes gouvernants gabonais qui se succèdent au pouvoir en se servant depuis un demi-siècle de leur position dominante pour assujettir les masses. Ils ont oublié dans leur culte à Mammon que l’argent peut offrir un pouvoir plus gratifiant : celui de secourir, d’aider les indigents et de venir en aide aux laissés pour compte.
Fatalement, leur pays agonise sous leurs yeux par trop d’insuffisances qui sont les conséquences de leurs rapines pluri-décennales. Ils prennent à leur pays le peu qu’il possède pour l’investir dans les pays qui possèdent déjà tout, pensant se donner de l’importance et de la valeur. Ils n’ont point compris que la possession de l’argent, surtout celui immérité, quand bien même il serait d’une ampleur inégalée, ne confère point de valeur et encore moins d’honneur à celui qui le possède.
Mais leur mammonisme pathologique, amplifié par l’illusion de pouvoir qui les caractérise, les empêche d’envisager enfin le bonheur de leur peuple. «A quoi bon le pouvoir et l’argent s’ils ne servent qu’à vous rendre important», dit l’adage. Et à l’unisson de Job, je ne puis que m’écrier : «Pourquoi les méchants vivent-ils ? Pourquoi les voit-on vieillir et même développer leur force ? Ils voient leur descendance s’affermir à leurs côtés, leurs rejetons prospèrent sous leurs yeux. Dans leurs maisons règne la paix, sans aucune peur : le bâton de Dieu ne vient pas les frapper».
ABSLOWMENT VRAI !
.
4 Commentaires
L’argent est et restera toujours au centre du monde
L’argent est même devenu une idéologie !!!!
Absolument vrai
Bonjour,
« Ils prennent à leur pays le peu qu’il possède pour l’investir dans les pays qui possèdent déjà tout, … ». Dans votre sermon homilétique, c’est le marqueur le plus spécifique. Au-delà du cas du Gabon, on peut citer le cas de la Guinée équatoriale, le cas de l’Angola, le cas de la République Démocratique du (K)Congo, de la République centrafricaine à l’époque de Bokassa 1er, etc. Aujourd’hui les pays européens ont mis en place de nouveaux mécanismes pour réguler ces fuites de capitaux des pays africains vers les pays de l’UE. Tracfin (1) en est le bon exemple. De plus, la France a spécifiquement crée des dispositifs juridiques (2) pour confisquer le patrimoine mal acquis par des dirigeants étrangers à son sol. Comme quoi « biens mal acquis ne profite jamais ». Ces fuites de capitaux font des pays africains de véritables « déserts »: déserts médicaux, déserts routiers, déserts économiques, déserts infrastructurels, déserts éducationnels, déserts alimentaires, déserts hydriques, etc. Amen.
(1) Tracfin : service de renseignement français pour la lutte contre le blanchiment d’argent, la fraude fiscale, sociale et douanière;
(2) Les biens mal acquis (BMA) sont les biens mobiliers et immobiliers acquis par les dirigeants et le financement trouve sa sources dans le détournement des fonds publics appartenant aux Etats concernés.