Renouvellement du bureau du CGE : Un passage en force
En initiant le renouvellement du bureau du Centre gabonais des élections (CGE) sans attendre les conclusions de la rencontre voulue par le président de la République, le ministre de l’Intérieur entretient le sentiment d’arbitraire et la défiance populaire.
«L’indépendance du CGE dans la gestion des élections est sujette à caution, dans la mesure où la préparation matérielle de ces mêmes élections relève toujours du ministère de l’Intérieur.» Au terme des législatives et locales d’octobre 2018, la Mission d’observation électorale de l’Union africaine (MOE-UA) s’était prononcée en faveur d’une réforme du Centre gabonais des élections. Plaidant pour des «réajustements et une nette répartition des rôles», elle y voyait un moyen de le «rendre plus performant». Parvenus au même constat, des partis politiques ou acteurs de la société civile ont fait connaitre leurs propositions. Sous des formulations diverses, ils ont exigé un renforcement des pouvoirs du CGE et une amélioration de sa gouvernance.
Quelle valeur revêt la parole du président de la République ?
Face à de telles exigences, le CGE et ses démembrements doivent être reconfigurés. Le gouvernement fait-il œuvre utile en initiant le renouvellement de son bureau sans avoir répondu aux forces sociales ? Milite-t-il pour l’établissement d’un climat de confiance ? N’en rajoute-t-il pas à la suspicion ? Certes, par décision n° 063/CC du 05 janvier 2023, la Cour constitutionnelle a «constaté la fin des pouvoirs du bureau actuel», ordonnant son renouvellement dans un délais de 30 jours, soit au plus tard le 4 février prochain. Certes, les décisions de la juridiction constitutionnelle «s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives, et juridictionnelles et à toutes les personnes physiques et morales.» Mais, lors de ses vœux à la nation, le président de la République a appelé à «l’organisation d’une rencontre pour définir (…) les bases de la préparation des scrutins au lendemain apaisé.»
De deux choses l’une : soit le ministre de l’Intérieur ne croit pas en la tenue de cette rencontre, soit il ne veut pas voir le reprofilage du CGE figurer à son agenda. Comment peut-il affirmer «malgré la concertation politique, nous devons renouveler le CGE» ? Pour se conformer à la décision de la Cour constitutionnelle ? Ou pour répondre à la préoccupation de Réappropriation du Gabon et de son indépendance pour sa reconstruction (Réagir) ? Si telles étaient ses motivations, le processus aurait été bouclé depuis longtemps. Au mieux, Lambert-Noël Matha n’aurait pas eu besoin d’attendre une saisine de la juridiction constitutionnelle. Au pire, il s’y serait pris dès après les législatives partielles d’octobre dernier. Pour le moins empreinte de rouerie, sa justification pose une question : quelle valeur revêt la parole du président de la République ? Juridiquement, aucune. Politiquement, une grande. Aussi, est-il curieux de voir un ministre la mettre en balance.
Légalisme de façade
Même si ses décisions sont exécutoires, la Cour constitutionnelle ne se situe pas au sommet de l’édifice institutionnel. Quand bien même le respect de la règle de droit reste un principe sacro-saint, la loi découle encore de la volonté politique. Au vu des circonstances, ce légalisme de façade ne peut faire illusion. Même sur injonction de portée juridique, le renouvellement du CGE ne saurait s’apparenter à un passage en force. Pour la fiabilité du processus, il eût été utile d’y surseoir. Pour la crédibilité de l’institution, il eût été prudent d’attendre les conclusions de la rencontre voulue par le président de la République. Comme l’a relevé Mathieu Mboumba-Nziengui, «le CGE est un chapitre important dans le processus électoral de notre pays». Normalement, son organisation et son fonctionnement devraient faire l’objet de débats dans les tout prochains jours. Sauf si l’annonce d’Ali Bongo doit rester sans suite ni effet.
Contrairement aux sous-entendus distillés par Lambert-Noël Matha, la légalité ne repose pas sur l’obéissance aux oukases prononcés par les institutions. Elle se construit chaque jour, dans les relations entre doit et société. A la fois condition et produit de l’activité humaine, elle fait appel à l’existence d’institutions justes. Ni le sentiment d’arbitraire ni la défiance populaire ne sont nés du refus d’appliquer les décisions de la Cour constitutionnelle ou d’une quelconque juridiction. Bien au contraire. Ils résultent du comportement du pouvoir judiciaire, prompt à voler au secours de l’exécutif, quitte à se lancer dans des interprétations spécieuses des lois, à se substituer au législateur ou au constituant. On l’a vu durant de nombreux procès, lors des contentieux électoraux ou avec la si controversée notion d’«indisponibilité temporaire». Au regard du contexte, le non-renouvellement du CGE n’aurait jamais causé autant de dégâts, le ministre de l’Intérieur ayant la possibilité de demander à la Cour constitutionnelle la conduite à tenir du fait des évolutions induites par le discours de la Saint-Sylvestre.
2 Commentaires
100 ans pour le PDG!
Bravo!
Mbolwani, non mais!!!! Je m’épuise à vous dire que Ali Bongo est hors circuit, on vous exhibe un sosie, ceux qui décident sont tapis dans l’ombre. Lambert Matha vient de vous en fournir la preuve. Pourquoi ne voulez-vous pas comprendre ? Je suis même sûr que la rencontre avec l’opposition n’aura pas lieu. Wait and see.