Unité de l’opposition : Le fond et la forme
Lancée le 12 du mois courant, la dernière initiative de l’opposition n’est assimilable ni au Front de l’opposition pour l’alternance ni à l’Union sacrée pour la patrie (USP).
N’en déplaise aux esprits chagrins, l’opposition veut faire bouger les lignes. En réunissant l’essentiel de ses composantes, le 12 du mois courant, elle a réaffirmé son intention d’avancer en rangs serrés. En associant la société civile, elle a proclamé son ambition d’ «offrir une perspective» au pays, indiquant vouloir «réaliser l’alternance démocratique pour gouverner ensemble (…)» Concrètement, elle a pris l’engagement de «travailler aux voies et moyens de maîtriser puis combler les insuffisance du système (électoral) actuel», «réfléchir aux moyens de booster les inscriptions sur les listes électorales et faire reculer l’abstention», «continuer (son) plaidoyer en faveur d’une réforme du système électoral» et «construire un projet rassembleur, qui redonne confiance (aux citoyens) sur le plan collectif et sur le plan individuel.» Au total, elle a affiché son désir de «poser les bases d’une unité nouvelle, indestructible, insubmersible.» Vaste chantier…
Organes transpartisans
Dans le fond comme dans la forme, cette démarche s’inscrit dans la rupture avec un certain passé. Si d’aucuns ont tôt fait de tracer un parallèle avec des regroupements antérieurs, elle s’en démarque néanmoins. Principalement dans le fond. Le Front de l’opposition pour l’alternance ? S’il avait affiché l’ambition de faire du Gabon «une démocratie où toutes les libertés sont respectées, où des élections justes, transparentes et crédibles sont une réalité», il ne s’était guère penché sur la sécurisation des scrutins. Ni l’observation indépendante ni les inscriptions sur les listes électorales ni la formation des scrutateurs ne figuraient à son agenda. Pis, l’empressement de certains de ses membres à se poser en candidat unique pollua l’atmosphère, transformant le débat d’idées en querelle de personnes. L’Union sacrée pour la patrie (USP) ? Elle avait certes demandé aux populations de se tenir prêtes à donner suite aux «mots d’ordre» éventuels. Mais elle s’enlisa très vite dans la polémique sur l’état-civil d’Ali Bongo, subordonnant même la tenue de la présidentielle à sa destitution.
Même si on peut en minimiser la portée, ces différences de fond emportent des conséquences de forme. Dans les tout prochains jours, on devrait en savoir davantage. Normalement, un montage institutionnel adapté aux objectifs doit être conçu. Sera-t-il innovant ? Sans jouer les Nostradamus, on peut imaginer trois organes transpartisans : un premier, en charge de l’observation électorale ; un autre, chargé de la sensibilisation du plaidoyer ou du lobbying et ; un groupe de travail sur le «programme commun de gouvernement». On semble à mille lieues du Front de l’opposition pour l’alternance ou de l’USP. Comme nous l’écrivions récemment, «contrairement à 2009 et 2016, (l’opposition) donne l’impression de privilégier les idées sur les hommes» voire d’«avancer vers quelque chose de mieux élaboré, de plus construit.»
La prudence reste de mise
Certes, on retrouve des vieux baroudeurs de la vie publique, des personnalités réputées pour leurs incessantes voltefaces ou pour avoir une haute opinion d’elles-mêmes. Mais on peut prendre acte de leur adhésion à l’idée. Au vu du déroulement des événements, on peut les mettre face à leurs responsabilités et à leur sens de la parole donnée. Lors de la mise en place du Front de l’opposition pour l’alternance ou de l’USP, l’annonce publique fut faite après des tractations secrètes. Cette fois-ci, l’opinion est prise à témoin, l’initiative ayant été rendue publique avant le début des négociations. Or, il est utile de le rappeler : le discrédit et le déshonneur naissent de l’incapacité à placer l’intérêt général au-dessus des considérations personnelles. Pour cette seule raison, nul n’a intérêt à s’illustrer par des manœuvres suspectes, l’opinion pouvant très vite lui en tenir rigueur. Personne n’a à gagner à ruser avec les principes, au risque de sombrer dans l’impopularité.
Même en se remémorant des errements du passé, on peut difficilement assimiler l’initiative en cours de construction au Front de l’opposition pour l’alternance ou à l’USP. Même si la prudence reste de mise, on ne peut prendre prétexte de la présence de certaines personnalités pour la condamner d’avance. Les objectifs et résultats attendus ayant été publiquement déclinés, les parties sont condamnées à jouer le jeu de la transparence. En tout cas, elles doivent travailler sous la surveillance d’une opinion publique à la fois impatiente et remontée. Si d’aucuns peuvent encore sombrer dans des calculs politiciens, il restera toujours un noyau dur pour défendre l’idée originelle. Or, à l’heure des scrutins, l’opinion aura toute la liberté de rendre à chacun la monnaie de sa pièce. Ayant été implicitement invitée à assurer le suivi, il lui appartient aussi de jouer sa partition.
2 Commentaires
Bjr. On croise les doigts. Amen.
ceux qui ne rejoindront pas les mouvement et initiatives d’ensemble comme Ndong Sima et Moubamba, ne les appelez pas la veille des élections pour venir jouer les sorciers de 0% pour revendiquer le leadership des regroupements auxquels ils se refusent de contribuer à l’effort de cohésion pendant qu’ils se construisent avec balbutiement.