Difficultés financières à l’ambassade du Gabon au Togo : le symptôme d’un malaise global
La fermeture de l’ambassade du Gabon au Togo, au prétexte semi-officiel de travaux de réfection mais en réalité pour non-paiement de factures d’électricité, relance des interrogations récurrentes sur une certaine «clochardisation» de la diplomatie gabonaise, pourtant «domaine réservé du chef de l’Etat».
Coupure d’électricité à l’ambassade du Gabon en Afrique du Sud il y a trois ans. Coupure d’eau à l’ambassade du Gabon à Malabo en 2020. Et, aujourd’hui, coupure d’électricité à l’ambassade du Gabon au Togo. «Les mois et les années passent, les problèmes demeurent» et, parfois, s’amplifient.
Fait étonnant : tout au long du week-end dernier, aucune annonce d’une réunion de cellule de crise dans le département ministériel concerné n’a été entendu. Indifférence ? Laxisme ? Preuve d’un amateurisme certain ou de l’impuissance du département ? Ou les quatre à la fois ?
Une dette immense
Pour rappel, la dette du Gabon dans l’ensemble de ses représentations diplomatiques à l’étranger s’élevait, il y a deux ans, à près de 11,8 milliards de francs ! Si 1 milliard avait pu être dégagé pour les situations les plus urgentes, il reste que, dans sa globalité, cette dette est remontée à plus de 12,5 milliards de francs.
C’est un malaise général : les ambassades et consulats du Gabon ne sont pas à la fête. Loyers impayés, arriérés de salaires pour les personnels non diplomatiques (contractuels locaux), manque d’assurance-maladie pour les diplomates et leurs familles… les conditions de vie des diplomates gabonais et leurs familles à l’étranger sont à la lisière de la précarité, et chaque jour apporte son lot de surprises désagréables. Conséquences : fournisseurs (eau, électricité, chauffage), propriétaires de logements, responsables d’établissements scolaires, opérateurs divers et variés sont à leurs trousses. Et la situation dure depuis plusieurs années.
Mort faute de couverture maladie
Qui ne se rappelle de la fin tragique d’un diplomate gabonais au Brésil en août 2020 ? Faute d’assurance-maladie, le numéro deux de cette mission diplomatique, Philippe Martial Yénot, Premier conseiller, mourut dans une clinique «low cost», ne pouvant se faire traiter dans l’un des principaux centres hospitaliers de la capitale brésilienne dont les coûts sont bien souvent élevés. Cette situation et toutes ses conséquences dramatiques n’ont pas provoqué une prise de conscience chez les autorités compétentes.
Emmanuel Issoze Ngondet, Pacôme Moubelet Boubéya, Régis Immongault, Alain-Claude Bilie-By-Nze, pour ne citer que ceux-là, et aujourd’hui Michael Moussa Adamo ne sont pas parvenus à obtenir des crédits pour résoudre ces problèmes qui minent l’image de la diplomatie gabonaise. Ont-ils seulement demandé ces crédits ? Personne ne saurait en douter. Les services centraux connus pour leur négligence dans le traitement des dossiers ont-ils seulement tout mis en œuvre pour une résolution de ces problèmes, ou ne se sont-ils pas découragés au premier accroc ?
Résultat des courses : l’ambassade du Gabon au Togo se retrouve fermée depuis la fin de la semaine dernière pour n’avoir pas pu procéder au paiement de sa facture d’électricité. On avait pourtant cru qu’un tel «incident» ne se produirait plus. Car, ainsi que rappelé plus haut, l’ambassade du Gabon à Pretoria avait connu le même «incident» en février 2019. André William Anguilé, alors ambassadeur, avait dû fermer la représentation diplomatique pour le même fait.
Domaine réservé du chef de l’Etat
Le chef de l’Etat a-t-il choisi de réduire la voilure diplomatique du Gabon ? A-t-il changé d’option dans ce domaine ? Il est pourtant de notoriété publique que la diplomatie est son domaine réservé, le ministère des Affaires étrangères n’agissant qu’en tant que pouvoir délégué. Ainsi que l’expliquait, Alain-Claude Bilie-By-Nzé dans une interview à GabonReview en février 2020, «la diplomatie est du domaine réservé du chef de l’État. C’est lui qui en fixe les lignes, la doctrine, et le ministère la met en œuvre, même si en tant que ministère, nous avons une capacité de proposition, à lui remonter les informations qui nous viennent, à la fois de nos missions diplomatiques, mais également des missions diplomatiques accréditées dans notre pays. De ce point de vue, la diplomatie gabonaise suit les lignes directrices fixées par le chef de l’État.»
Il y a donc de quoi s’étonner que, de manière globale, les charges et les dettes des ambassades et des consulats du Gabon soient si difficilement réglées. «Les mois et les années passent, les problèmes demeurent». Aujourd’hui, la fermeture de l’ambassade du Gabon à Lomé est mise en exergue. A qui le tour demain ? «S’il y avait une certaine prise de conscience, il y aurait samedi et dimanche derniers, une réunion d’une cellule de crise pour se pencher sur une situation aussi grave», estime un directeur de la centrale diplomatique gabonaise (le ministère des Affaires étrangères). Ali Bongo a-t-il vraiment changé de braquet dans ce domaine, en choisissant un pignon inférieur ?
4 Commentaires
Je suis un conseiller des affaires étrangères. J’exerce au ministère des affaires étrangères, mais je ne peux plus être diplomate. Je veux dire, cela ne me dit plus rien d’être affecté à l’extérieur. Comme vous le savez, il y a une différence entre conseiller des affaires étrangères et diplomate. La situation est trop difficile dans les missions diplomatiques du Gabon.
Ce pays est une honte absolue. Mais, quand on ne peut pas diriger on laisse le pouvoir! Nul n’est indispensable sur terre! Quelle malédiction !
Allez regarder du coté de l’ambassade du Gabon en Allemagne..
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