Gabon : L’absurde et tyrannique interdiction des taxis à la Sablière
Si elle aggrave les choses et exacerbe les Akandais avec le sempiternel embouteillage auquel ils sont quotidiennement confrontés, l’incompréhensible interdiction aux taxis de circuler dans La Sablière soumet surtout à un calvaire les travailleurs non-résidents et visiteurs non véhiculés de ce quartier huppé de la commune d’Akanda. De même pour ses habitants à la fortune modeste et non-véhiculés : ils doivent longtemps marcher pour entrer ou sortir du quartier.
En décembre 2020, sans aucune réelle motivation et surtout sans aucune information préalable, les taxis ont été interdits d’accès à la Sablière. Quelques pancartes anodines et des barrages de police avaient été placées sur les différentes entrées du «plus beau quartier du Gabon» pour en informer la population. Depuis, les usagers du trafic urbain ont pris l’habitude d’éviter les artères de ce faubourg pour riches. L’interdiction absurde aggrave ainsi les embouteillages sur la seule issue routière d’Akanda, et tant pis pour les retards et autres désagréments causés. L’égalité des chances fonctionne.
Calvaire pour les gens de condition modeste, aubaine pour les clandestins
Ainsi tous les gens de condition modeste travaillant dans ce quartier (gardiens, techniciennes de surface, baby-sitters, jardiniers et autres) doivent marcher jusqu’à la voie rapide reliant l’aéroport de Libreville à Akanda, pour quitter leurs lieux de travail ou descendre sur cette voie pour aller travailler, toujours à pied.
Le drame est perceptible et affligeant aux heures de pointe. Tous les usagers des transports en commun réguliers devant se rendre dans ce secteur chic où habite le chef de l’Etat mais aussi quelques ministres, diplomates, hauts cadres de l’administration ou du privé, doivent user leurs souliers sur plusieurs centaines de mètres voire quelques kilomètres, pour rallier le domicile d’un parent, d’un ami ou leur lieu de service. Même contrainte pour les familles aux maigres revenus, donc sans véhicule, qui souhaitent entrer ou sortir du quartier. Et, il n’y a pas que les travailleurs et habitants piétons qui en pâtissent, la zone comportant des restaurants, des hôtels, des entreprises diverses, des missions diplomatiques et autres institutions administratives tel que le Conseil d’État qui attirent bien d’usagers non véhiculés.
Effet pervers, les clandos, ces véhicules souvent vétustes, branlants, sortes de cercueils roulants, écument allègrement le quartier interdit aux taxis réguliers et en règle du point de vue administratif. Voitures civiles banalisées, les clandos pourraient pourtant amener ce qu’on craint dans le quartier : l’insécurité.
Une conception zélée de la sécurité du chef de l’Etat
Nombreux se demandent en quoi et pourquoi cette zone bordant la mer, donc accessible en pirogue et autres embarcations légères, est devenue un «lieu privé» et de haute sécurité. Réponse, il est question de la sécurité d’un illustre habitant du quartier : «le Distingué camarade président, Son excellence Ali Bongo Ondimba, président de la République, chef de l’Etat».
Quel stratège zélé de la sécurité du président de la République a émis cette idée ? Dire que les abords de l’Elysée, palais présidentiel d’un pays truffé de djihadistes et ayant connu des attentats, restent accessibles aux piétons et taxis. Quel stratège zélé de la sécurité présidentielle du Gabon s’est convaincu que les bandits de grands chemins, les hypothétiques putschistes opèrent en taxi ? Il est pourtant de notoriété publique que les malfrats voyagent en first class, sont sapés comme des Italiens et se déplacent en grosses berlines. Quel stratège zélé de la sécurité du président a convaincu de ce qu’une voiture piégée sera toujours un taxi ? Dire que le parcours du cortège présidentiel est toujours balisé avec, de temps en temps, des taxis bloqués à certaines intersections ou sorties dudit parcours.
Des palais présidentiels non insularisés
Le quartier du Plateau à Dakar, où se trouve le Palais de la République et résidence du président Sénégalais, est-il interdit aux taxis ? Pas du tout. Idem pour le quartier du Plateau à Abidjan où se trouve le palais présidentiel d’un pays ayant connu les affres de la guerre. Le quartier de Beştepe à Ankara (Turquie) n’est non plus fermé aux taxis, et on pourrait multiplier les exemples à l’infini. Il y a que le génie gabonais s’exprime bien souvent dans le zèle.
En tout cas l’interdiction aux taxis de circuler dans La Sablière frise «une discrimination envers ceux qui n’ont pas de véhicule et ne disposent que de modestes revenus» dans ce quartier. Car, aucune solution palliative (du genre mini-bus gratuits dans la zone) n’a été annoncée pour soulager ces compatriotes qui n’ont pas de véhicule, qui y vivent ou y travaillent. Dire que pour de nombreux Akandais le détour des taxis par La Sablière soulageait le sempiternel embouteillage entre l’échangeur du lycée Paul Indjendjet Gondjout et le carrefour Avorbam. Il semble que les sécurocrates du pays préfèrent les embouteillages mettant de nombreux gabonais en retard à leur travail, freinant par là-même la productivité des entreprises et administrations, mais empêchant également aux habitants d’Akanda d’accéder, en cas d’urgence, aux structures hospitalières privées et publiques du centre de Libreville. On se croirait dans une œuvre de Franz Kafka, l’écrivain de l’absurde.
1 Commentaire
Merci ! De dire haut ce qui détruit l’image et le ressenti du pays. Tout cela suite à un taxi qui se serait mal comporté face à un convoi d’un conseiller.
Tous les habitants du quartier trinquent. Même les expatriés qui doivent risquer leur vie avec des clandos qui ne devraient pas rouler, ou les clients de l’hôtel Onomo qui doivent parfois marcher du bord de la route a côté de l’ambassade américaine avec femmes, enfants et bagages, déposé par un taxi de l’aéroport.
En plus des embouteillages, certains déménagent.
Certains traversent à pied la 2×2 voies avec leurs courses Sangel ou prix import jusqu’à leurs logements.
Décision d’interdire sans base légale, sans décret ni texte reglementaire ayant une base juridique.
Sans compter les comportements de certains gendarmes ajoutant du zèle mettant en danger la vie d’autrui à une « interdiction » orale.