En laissant le sentiment de voler à leur secours, la Cour constitutionnelle a fait apparaître Paul-Marie Gondjout et les siens comme les instruments d’une stratégie conçue et pilotée par le pouvoir.

Entre tours de passe-passe et arguties juridiques, la Cour constitutionnelle s’est immiscée dans le fonctionnement d’un parti. Elle visait un objectif : le maintien des mandats des personnalités radiées de l’UN. © Montage Gabonreview

 

Surfant sur l’irrévocabilité de ses décisions, la Cour constitutionnelle ne s’est jamais fixé de limite. Année après année, elle grignote toujours plus de pouvoir, au risque de ravaler les autres institutions au statut de supplétifs. Contentieux après contentieux, elle accumule les interprétations spécieuses, quitte à légaliser l’arbitraire. Décision après décision, elle alimente la controverse, rendant toujours plus illisible la vie publique. Comme si elle est supposée faire de la politique et pas du droit. Comme si elle n’est pas régulateur mais acteur. Comme si elle entend cultiver l’opacité et pas installer la transparence. Saisie par l’Union nationale (UN) «aux fins de constatation, d’une part, de la vacance (de sièges d’élus dans certaines collectivités locales) suite à la radiation (de 21 militants) et, d’autre part, de voir procéder à (leur) remplacement», elle a débouté Minault-Maxime Zima-Ebéyard de ses prétentions.

Fidèle à elle-même

Inédite, cette décision n’a rien d’insolite : elle confirme la propension de la juridiction constitutionnelle à statuer au-delà des demandes, se donnant ainsi les moyens de faire comme bon lui semble. Autrement dit, la Cour constitutionnelle profite des saisines pour se prononcer sur des sujets ne relevant nullement de sa compétence voire pour orienter le débat public au gré de ses intérêts. On l’a vu durant la polémique sur l’état de santé du président de la République : invitée à interpréter l’article 16 de la Constitution, elle avait cru bon de traiter de l’intérim, créant la notion d’«indisponibilité temporaire», jusque-là inconnue de la littérature juridique. On l’a revu à la faveur de la lutte contre la Covid-19 : appelée à se prononcer sur la constitutionnalité de certains articles de l’arrêté n° 559/PM, elle avait évoqué un vice de procédure, offrant au gouvernement l’occasion de prendre un texte identique à celui attaqué. Cette fois-ci, elle s’est autorisée à interférer dans une querelle interne, crédibilisant une manœuvre de politique politicienne.

Tout compte fait, la Cour constitutionnelle demeure fidèle à elle-même. Mais cette constance n’invalide pas les accusations régulièrement portées contre elle. A-telle jugé utile de joindre les 21 procédures ? Comme elle le reconnait, seules trois personnes ont introduit des requêtes en contestation. Comment peut-elle généraliser ce moyen de défense ? Comment peut-elle répondre aux 18 autres quand ces derniers ne lui ont rien demandé ? A-t-elle pensé à se prononcer sur les radiations ? Dans leurs requêtes, Chantal Myboto Gondjout, Paul-Marie Gondjout et Romuald Engo Nguéma ont contesté leur remplacement dans les conseils locaux. A aucun moment, ils ne lui ont demandé de se pencher sur leur éviction de l’UN. En agissant comme elle l’a fait, elle s’est immiscée dans le fonctionnement d’un parti. Or, jusqu’à preuve du contraire, les litiges de cette nature se règlent soit devant les instances internes soit devant le juge judiciaire.

Liaisons dangereuses

Evoquant la scission supposée, la Cour constitutionnelle s’est davantage emmêlé les pinceaux. Ayant commencé par la juger «effective (…) depuis le 22 juillet 2022», elle a fini par admettre «que ni les statuts ni le règlement intérieur (…) (de) l’Union Nationale n’ont prévu de règlement relatif (…) (à ce genre de) cas.» Comment peut-elle admettre l’effectivité d’une chose et dire ne rien savoir sur les modalités de sa formalisation ou de sa constatation ? Ayant rappelé les dispositions de l’article 39 de la loi sur les partis politiques, elle a ensuite affirmé que «seul le ministre chargé de l’Intérieur est compétent, (…), pour statuer sur les scissions advenues au sein des partis politiques comme c’est le cas en espèce.» Comment peut-elle, en même temps, acter un fait et se déclarer incompétente pour connaitre de cette question ? A ne rien y comprendre…

Entre tours de passe-passe et arguties juridiques, la Cour constitutionnelle visait un objectif clair : le maintien des mandats des personnalités radiées de l’UN. En laissant le sentiment de voler à leur secours, elle les a pris au piège, les faisant apparaître comme les instruments d’une stratégie conçue et pilotée par le pouvoir. «En l’état actuel du dossier, la requête introduite par (…) Zima Ebéyard, (…) doit être rejetée», a-t-elle conclu. Reste maintenant à savoir si le ministère de l’Intérieur pourra prendre le contrepied de cette décision ou s’il l’entendra comme une consigne. Dans le premier cas, on serait curieux de suivre la réaction des concernés, notamment la Cour constitutionnelle et l’UN. Dans le second, on y verrait une preuve supplémentaire de ces collusions institutionnelles et liaisons dangereuses mille fois dénoncées. Où l’on se demande si cette décision profite à Paul-Marie Gondjout ou si elle ne le condamne pas à se renier tôt ou tard.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. moundounga dit :

    Bjr. A l’évidence l’auteur de l’article (pour ne pas la citer)maitrise un temps soit peu le mode operatoire de certaines institutions. A preuve voici les qualificatifs pour l’une d’elle(suivez mon regard):
    1- Irrévocabilité des décisions
    2-Ne se fixe pas des limites
    3-Interprétation spécieuse
    4-Légaliser l’arbitraire
    5-Alimente la confusion
    6-Fait de la politique et non du Droit
    7-Cultive l’opacité

    Et elle enfonce encore dans une tombe à MINDOUBE ou LALALA c’est selon:

    -Cette institution à t-elle le Droit d’interférer dans une afaire d’un Parti politique ?
    Amen.

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