En temps normal, l’Afrique fait sensiblement trois fois la croissance économique de l’Europe. Contrairement aux clichés portés par le traditionnel afro-pessimisme, le continent sait s’adapter et réagir très vite face aux situations inédites ainsi qu’on l’a vu avec la pandémie du Covid-19, estime l’économiste et ancien Premier ministre du Bénin Lionel Zinsou, rencontré à Abidjan à l’occasion de l’Africa CEO Forum 2022.

Lionel Zinsou, le 13 juin 2022 à Abidjan. © Gabonreview

 

Gabonreview : Quelle carte de visite succincte et verbale Lionel Zinsou peut-il présenter aux jeunes générations ?

Lionel Zinsou : Je suis professeur d’économie de formation, qui a mal tourné parce qu’il est allé dans le secteur privé faire un peu d’industrie, et beaucoup de finance depuis une vingtaine d’années. Quant à la vie politique, j’y ai été très engagé pendant un an dans mon pays, le Bénin, où j’ai assumé les fonctions de Premier ministre et de candidat à la présidentielle. En 2015 et 2016 je suis revenu à la finance, voilà ce que je fais dans la vie pour les jeunes générations. J’ai eu beaucoup d’étudiants dans ma vie comme professeur d’économie. Evidemment mes, étudiants ne sont plus tout à fait aussi jeunes qu’ils l’étaient il y a 40 ans.

Il se dit que les Africains parlent trop et n’agissent pas assez. L’Africa CEO Forum, c’est encore et toujours de la parlote ?

Je ne suis pas africophobe. Je ne relaie pas les considérations culturelles semi-racistes. Il se trouve que l’Afrique fait à peu près, en moyenne période, trois fois la croissance de l’Europe. Trois fois ! Il se trouve que c’est un des continents qui ont été les moins en récession quand a on a subi la pandémie du Covid-19. Il se trouve aussi que tout le monde a dit qu’on allait y enregistrer la plus grande catastrophe humanitaire dans la pandémie. Je ne partage absolument pas ce genre d’idées.

Si les gens ne faisaient que parler au lieu d’agir, je ne suis pas sûr qu’on serait le deuxième continent par la croissance économique aujourd’hui, après l’Asie et devant tous les autres. Les propos, les clichés sur l’Afrique, afro pessimistes et afrophobes, c’est quelque chose qui ne m’a jamais touché. Ça fait 20 ans que je passe mon temps à expliquer : regardez les vrais chiffres et les vraies réalités, plutôt que de véhiculer les préjugés sur l’Afrique.

Sans en avoir nommément été membre, on percevait votre ombre derrière le Conseil présidentiel pour l’Afrique (CPA) lancé par Emmanuel Macron en août 2017, une idée inédite censée nourrir sa réflexion sur la politique française envers le continent. En tiriez-vous réellement les ficelles ?

Il se trouve que je connais bien Emmanuel Macron. On a été collègues. On a fait un peu le même métier puisque j’ai été banquier, à un moment donné, dans un établissement dont il a été associé-gérant. Non, non, je n’ai pas de fonction de réflexion pour lui… Il se trouve que je préside un Think tank français qui s’appelle Terre Nova et qui n’est pas très lointain, au fond, des idées sociales-démocrates, donc pas si loin que ça du président de la République française. Mais enfin, je n’ai pas de fonctions officielles : elles sont plutôt libres et indépendantes.

Quelles sont les objectifs de Terra Nova ?

C’est une réflexion sur la société, les politiques publiques et des propositions de politiques publiques, soumises à tous les partis politiques républicains. Et ça met en œuvre le travail de pas mal d’experts totalement indépendants et bénévoles qui sont des responsables de politiques publiques ou beaucoup d’universitaires et beaucoup étudiants. Ce sont des propositions citoyennes et on intervient sur énormément de sujets : ça peut aller de l’aide publique au développement à l’équilibre des systèmes de retraites et à l’accès des citoyens à leurs droits. C’est un des Think tanks les plus importants en France par les publications, le nombre d’interactions avec la presse et sur les réseaux sociaux.

Quel message délivrez-vous à l’Afrique à la faveur de cette édition de l’Africa CEO Forum ?

On m’a interrogé en tant qu’économiste sur le thème «Est-ce qu’il y a des solutions pour arriver à naviguer dans une crise sanitaire, aggravée d’une crise alimentaire, maintenant, et d’une crise énergétique». Ça fait quand même beaucoup. Et la réponse est que l’Afrique est l’un des continents les mieux outillés, et l’un de ceux qui sortiront clairement le plus vite de cette crise. Je vais, là encore, aller contre les préjugés du type «nous allons mourir de faim, nous sommes dépendants du blé»… toute une série de clichés. Et donc, je vais dire l’inverse : comme lors de la pandémie, on va réagir et réagir vite.

 
GR
 

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