Gabon : Il faut sauver la filière bois du naufrage généré par la corruption
L’affaire Ghislain Moussavou devrait permette à la justice de démanteler les réseaux mafieux qui gangrènent le secteur bois au Gabon, avec un ministre – Lee White – dont l’étonnante myopie suscite bien d’interrogations.
Le secteur foret-bois est un secteur très stratégique pour le Gabon dans le cadre de la réorientation de sa politique publique pour le développement durable. La gouvernance de ce secteur conditionne de manière intangible, autant la diversification de l’économie que la lutte contre les changements climatiques, à travers la planification des investissements climatiques au Gabon. Toutefois, les réseaux de corruption qui gangrènent ce secteur risquent d’anéantir les efforts et les investissements fournis par le gouvernement pour faire de la filière bois une des pôles de croissance de l’économie gabonaise. Il est temps que les autorités assainissent ce secteur en combattant farouchement ces réseaux, pour sécuriser les investissements des opérateurs économiques, leur personnalité juridique et apaiser le climat des affaires, indispensable pour attirer de nouveaux investisseurs dont le pays a tant besoin.
Si l’affaire Kevanzingo ayant levé le voile sur l’ampleur de la corruption, concussion et abus de toutes sortes dans ce secteur, a permis également au gouvernement et à la Justice de faire le nécessaire, hélas, la situation n’a guère changé. Le nouveau scandale qui éclabousse la filière, avec l’incarcération de monsieur Ghislain Moussavou, directeur général des Forets au ministère en charge des Eaux et Forêts, atteste de la vigueur et prégnance des réseaux maffieux qui gangrènent les instances de gouvernance de ce département, sous le regard conciliant du patron de ce département, Lee White.
Lee White et l’affaire Tali Bois
En effet, le Directeur général des Forêts, Ghislain Moussavou, a été déféré à la prison centrale de Libreville, le mardi 24 mai 2022, pour avoir escroqué la compagnie forestière Tali Bois. Au mois d’avril 2020, ce dernier avait frappé cette société d’une amende de 90 millions de francs CFA pour diverses infractions : «non-respect du plan d’aménagement, manœuvres frauduleuses, fausses déclarations en matière forestière». L’entreprise s’est conformée à cette injonction et a payé l’amende.
Curieusement, après avoir encaissé les 90 millions, le directeur général des Forêts va procéder à l’annulation des permis forestiers de la compagnie verbalisée. Pire encore, il fait signer cette décision par le ministre des Forêts, Lee White, et a revendu ces permis à une autre société. Une situation ubuesque qui laisse la société Tali Bois sans voix. Surprise et désarçonnée, celle-ci n’a eu d’autre choix que de saisir la justice. Six mois plus tard, Lee White, le ministre, va prendre une autre décision, contraire à celle du directeur général des Forêts : il annule l’Unité forestière d’aménagement (UFA) de Tali Bois. Les deux décisions sont prises en l’espace de six mois et signées par le même ministre sans que ce dernier n’en soit troublé. Est-ce la résultante d’une erreur d’appréciation, d’un jugement hâtif ou d’une véritable conspiration. Si l’on tient compte de la chaine des visas pour parvenir à une telle décision, aucune erreur n’est permise.
Faux et usage de faux, vol et exploitation illégale de permis forestier
Ces faits sont graves et révèlent l’étendue du désastre infligé par ces réseaux maffieux aux opérateurs économiques de ce secteur stratégique de l’économie nationale. Toutefois, ce ne sont pas pour ces faits gravissimes que monsieur Ghislain Moussavou est placé en détention. Les faits l’ayant conduit à l’incarcération portent sur une autre affaire. Celle relative à la plainte de la compagnie forestière Pengzin Sarl, propriétaire des concessions forestières accordées frauduleusement par le directeur des Forêts à la société Peng Jia Hua Sarl.
La plainte porte sur «faux et usage de faux, vol et exploitation illégale d’un permis forestier». En effet dans cette affaire ou la société Pengzin Sarl poursuit la société Peng Jia Hua, certains agents de la direction générale des Forêts ont participé à des opérations délictueuses, en facilitant l’obtention de documents falsifiés à la société İSarl.
Selon des sources concordantes, le directeur général des Forêts avait reçu trois véhicules et une importante somme d’argent (un milliard de CFA selon certaines indiscrétions) en guise de pot de vin, pour faciliter la signature d’une autorisation d’exploiter au bénéfice de la société Peng Jia Hua Sarl. Toutefois, cette autorisation va se révélée fausse. Ce qui va conduire Ghislain Moussavou et cinq Chinois, responsables de la société forestière Peng Jia Hua à la prison centrale de Libreville, ainsi que l’ancien directeur général de la société Bordamur, sieur Toch, intermédiaire dans cette transaction frauduleuse.
Directeur de cabinet et conseiller juridique du ministre : Lee White ne pouvait pas ne pas savoir
Selon les mêmes sources, le directeur de cabinet et le conseiller juridique du ministre Lee White sont également impliqués dans cette corruption avérée. Si ces deux proches collaborateurs du ministre sont impliqués, cela situe explicitement l’endroit où est logée la tête des réseaux mafieux qui siphonnent des milliards de FCFA dans ce secteur, en toute impunité. Par ailleurs, si l’on ajoute que le directeur général des Forets a déjà échappé à quatre arrestations depuis l’arrivée de Lee White dans ce ministère, cela témoigne de la solidité du parapluie dont bénéficient ces réseaux qui ont ainsi institutionnalisé la corruption comme mode de gouvernance dans ce secteur.
L’ensemble de ces faits semble indiquer que le ministre Lee White ne pouvait pas ignorer les agissements de ses proches collaborateurs dans cette affaire, comme dans tant d’autres qui ont éclaboussé ce secteur. Or, ce dernier prend des engagements au nom du Gabon en matière d’environnement. Il devait servir de modèle en matière de gouvernance. Quel crédit peuvent lui accorder les partenaires Gabon, au regard de ce scandale ?
Par ailleurs, qu’est ce qui ne dit pas que ses réseaux ont également mis en coupe réglée les différents pans de son vaste ministère aux enjeux financiers et stratégiques colossaux, à savoir la Mer (avec la création de 20 parcs marins dont l’importance économique reste à démontrer), l’Affectation des terres, notamment aux industriels, et aussi le Plan Climat dont les enjeux sont énormes.
Au regard de ces différentes affaires, Lee White a perdu tout crédit auprès des opérateurs économiques de la branche. Et cette décote aura surement des répercutions sur le plan international, dans les différentes négociations ou il engage la signature du Gabon.
Il faut assainir la filière Foret-bois, en combattant la corruption et les réseaux maffieux avec la dernière énergie. Il en va de la viabilité des entreprises du secteur, de la prospérité économique du pays, et surtout du bien-être des populations riveraines des concessions forestières. On en vient donc à en appeler l’attention de hautes autorités gabonaises, en tête desquelles le président Ali Bongo, afin qu’elles reprennent vigoureusement en main la gouvernance de la filière Forêt-Bois. Ceci pour sécuriser les investissements des opérateurs économiques, sécuriser leur personnalité juridique pour leur permettre de travailler sereinement.
Que l’affaire Ghislain Moussavou permette à la justice de démanteler les réseaux mafieux qui gangrènent ce secteur et les mettre hors d’état de nuire. La République dispose d’un arsenal juridique et des institutions idoines pour y parvenir. Il convient de les sollicité pour mettre un terme à ces scandales à répétition qui brouillent l’image du Gabon à l’international et atomise le climat des Affaires si indispensable à l’économie nationale.
1 Commentaire
Ah bon ? Il y a de la corruption au Gabon ??? Noooooooon ! Euh.. seulement au Ministère des Eaux et Forêts ou bien ? Non parce que nous gabonais on découvre ça là seulement hein ! Jamais ailleurs ça arrive, ni dans l’éducation nationale pour avoir ses diplômes, ni lors des contrôles policiers pour pouvoir rouler ivre dans une voiture épave sans papiers, ni au tribunal pour enterrer une affaire, ni dans les travaux publics pour développer les routes … D’ailleurs le Gabon est tellement un pays honnête, en dehors du Ministère des Eaux et Forêts apparement, qu’il est classé 169ème sur 190 pays dans le confiance des investisseurs appelé « climat des affaires » ! Les investisseurs étrangers issus de pays aux règles draconiennes en matière de contrôle des flux financiers quittent le Gabon laissant la porte ouverte aux investisseurs des pays peu regardant voire incitant à la corruption (Chine en premier) ! Si ménage devait être fait contre la corruption au Gabon, il faudrait d’abord commencer par construire au moins 3 prisons de plus afin de se préparer à y enfermer une grande partie des gens roulant dans de belles voitures au pays !
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