Poésie : Benicien Bouschedy titille le «Nombril équatorial»
L’écrivain gabonais revient ce début avril 2022 avec son quatrième poème, Nombril équatorial, «un livre sur le passé, le présent et l’avenir». L’auteur, qui se définit comme un «poète de la moisson humaine», y invite ses lecteurs à «l’invention d’une nouvelle réalité» dans laquelle l’Homme serait sans couleurs ni genre.
Gabonreview : Votre quatrième poème est publié 4 ans après le dernier numéro de votre trilogie. À quoi était due cette longue attente, alors que depuis 2016 vous nous avez habitués à une certaine constance ?
Benicien Bouschedy : C’est un choix animé par plusieurs raisons. Premièrement, je voulais prendre du temps pour apprécier le résultat de la réception de mes premiers écrits, donc prendre en compte les critiques et voir si mes écrits pouvaient avoir une place dans l’espace littéraire gabonais en particulier et africain en général. Quand on a un projet littéraire, on n’écrit pas pour écrire. Les critiques que font certains spécialistes de littérature et les lecteurs lambda sur des productions littéraires gabonaises m’empêchent de faire la course à la publication. Il faut écrire de bons livres. Un livre est comme un enfant, avant d’en faire, il faut lui préparer un avenir.
Deuxièmement, ces dernières années m’ont permis d’œuvrer auprès de Losyndicat, notre association culturelle, et de réfléchir sur des projets communs. Nous organisons des activités culturelles depuis trois ans en vue de valoriser la littérature et les écrivains gabonais et publions des livres dont les bénéfices accompagnent les bibliothèques communautaires au Gabon.
Et enfin, je voulais retravailler mon écriture, revoir mon approche esthétique, ma manière de regarder le monde actuel à partir de Malinga et m’inscrire à l’université de la Vie malgré sa beauté païenne.
Qu’est-ce que cette nouvelle œuvre raconte ? À quoi doit s’attendre le lecteur qui vous connaît plutôt cru avec les mots ?
C’est une question de sensibilités, d’expériences et de partages. C’est un livre sur le passé, le présent et l’avenir.
Extrait :
«J’appelle à l’invention d’une nouvelle réalité.
J’appelle l’Homme à être sans couleurs ni genre. Homme libre et communicant de tous les horizons. Un homme plein d’ailleurs. Homme-tambour qui joue les rythmes de toutes les cultures et traduit le bouillonnement du sang des espoirs. Un homme-balafon qui, au fond, doit ramener de l’arrière-fond la sagesse des légendes qu’on ne raconte plus. Homme à la mémoire ouverte qui ne lutte que pour tuer les égarements qui bouchent les aubes fragiles. Un homme de significations qui mobilise bravoure et générosité contre les engins d’une modernité ensauvageante. Homme de générations qui interroge la faillite des civilisations, devant la misère et le chaos qui menacent la diversité. Un homme d’amour et de partage qui sait écouter la nouvelle lune. Celle qui enfante la vie, sous le soleil et la pluie. Un homme de lumière qui dresse les ponts de la vie parmi les défaites volontaires. L’homme qui laisse passer le vent, mais qui se lève pour l’opprimé et réclame la justice. Un homme disponible.»
Le lecteur ne sera pas déçu, au contraire, il découvrira à partir de ce nouveau livre que l’homme et le poète qui me composent sont en maturité. Si cela peut rassurer, je demeure «le poète de la moisson humaine».
Pourquoi le choix de Patrice Nganang ? Est-ce son côté « engagé » qui vous a plu ? Comment s’est d’ailleurs passée votre rencontre dans cette œuvre ?
Tous les lecteurs de la littérature francophone savent que Patrice Nganang représente beaucoup pour l’histoire littéraire et compte parmi les plus grands noms de sa génération. Au-delà de sa simplicité, c’est un homme exigeant dans la production. Il faut le lire pour le comprendre. Son engagement en faveur de l’histoire politique et littéraire camerounaise me fascine et me fait constater ce qui nous manque au Gabon. Lui et moi discutons beaucoup de littérature et surtout d’humanité. Quand je lui avais envoyé le tapuscrit du livre pour lecture, parce que ce livre aborde plusieurs questions historiques qu’il maitrise, il m’a tout de suite suggéré la préface. Quand on s’est rencontré à Paris, il m’a dit pourquoi. J’étais ému.
J’espère de tout cœur que ce livre répondra à plusieurs questions et sera lu par tous. Mais j’espère surtout qu’il sera utile à ceux qui lisent pour écouter la musique du monde et qui exécutent les pas de danse qui présagent une meilleure façon d’habiter le monde.
Né à Malinga dans le sud du Gabon, Benicien Bouschedy est l’auteur de trois précédentes œuvres : Silences de la contestation (2016), Rêve mortel (2017) et Cendre de maux (2018).
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