S’ils espèrent contribuer à l’amélioration de l’Etat de droit ou des processus électoraux, Marie-Madeleine Mborantuso et ses pairs devront se pencher sur les motivations de leurs décisions d’hier. Ils devront tout autant tenir compte des récriminations formulées à leur endroit.

Loin de toute mauvaise foi, on peut difficilement se féliciter du bilan de la juridiction constitutionnelle. Du point de vue l’Etat de droit, comme du contrôle de la régularité des élections, de nombreux faits dressent contre elle un réquisitoire accablant. © Gabonreview/Marcel Sandja

 

L’exercice s’annonce difficile voire périlleux. A l’occasion de son 30ème anniversaire, la Cour constitutionnelle organise un colloque sur son rôle dans l’établissement de l’Etat de droit et le contrôle de la régularité des élections. Sur la primauté de la règle de droit, la redevabilité des détenteurs de l’autorité publique, l’égalité devant la loi, la séparation des pouvoirs ou le respect de la hiérarchie des normes, Marie-Madeleine Mborantuso et ses pairs livreront leur compréhension. Dans la foulée, ils revisiteront les cinq présidentielles passées. Même s’ils ne referont jamais l’histoire, ils devront se pencher sur les motivations de leurs décisions d’hier. Quand bien même ils ne battront jamais leur coulpe, ils reviendront sur les récriminations formulées à leur endroit. C’est dire s’ils devront faire montre d’honnêteté intellectuelle. C’est aussi dire s’ils devront y aller avec froideur et recul.  C’est enfin dire s’ils devront dresser le bilan de l’action de leur institution.

21 bureaux de vote annulés en 2016

Définie comme «l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics», la Cour constitutionnelle est accusée d’œuvrer à l’instauration de l’arbitraire. Jugée omnipotente, elle est soupçonnée de ne se fixer aucune limite, au risque de tomber dans le mélange des genres. Durant le traitement des requêtes formulées par le Copil citoyen, il lui a été reproché de s’arroger les prérogatives du Conseil d’Etat. Au-delà, il lui a été fait grief d’enjamber les dispositions relatives aux attributions des juridictions administratives. Décrite comme peu respectueuse de la hiérarchie des normes, la juridiction constitutionnelle est aussi présentée comme peu acquise au principe de séparation des pouvoirs. A cet égard, les liens familiaux unissant sa présidente au président de la République ne sont pas pour rassurer. Pour toutes ces raisons, ses développements sur l’Etat de droit sont particulièrement attendus.

Quant à son rôle dans le contrôle de la régularité des élections, il continue de faire débat. Déjà, d’aucuns le rappellent volontiers : en décembre 93, elle n’eut aucun scrupule à valider des résultats publiés avant la fin du dépouillement. S’ensuivirent de fortes tensions socio-politiques puis les Accords de Paris et la mise en place d’un gouvernement d’ouverture. En 1998 comme en 2005, Pierre Mamboundou dénonça des «fraudes massives», brandissant des fausses pièces d’identité. En pure perte. En 2009, Michel de Bonnecorse, ancien conseiller de Jacques Chirac, évoqua une inversion des chiffres au bénéfice d’Ali Bongo, semant le doute sur la sincérité des résultats. En 2016, 21 bureaux de vote furent annulés sur décision de…la Cour constitutionnelle. Curieusement, les opérations électorales ne furent pas recommencées, en violation des dispositions légales. Plus proche, en novembre 2018, elle se livra à une opération de création juridique, faisant appliquer la très controversée notion d’ «indisponibilité temporaire.» Sur cette lancée, elle habilita le vice-président de la République, lui attribuant des compétences exclusives du président de la République.

Réquisitoire accablant

Loin de toute mauvaise foi, on peut difficilement se féliciter du bilan de la juridiction constitutionnelle. Du point de vue l’Etat de droit, comme du contrôle de la régularité des élections, de nombreux faits dressent contre elle un réquisitoire accablant. En septembre 2016, la Mission d’observation électorale de l’Union européenne (MOE-UE) n’avait pas dit autre chose. De façon sibylline, elle avait pointé la responsabilité des juges constitutionnels, se prononçant pour une éventuelle «révision du jugement.» Pêle-mêle, la MOE-UE avait dénoncé l’opacité du processus, les incohérences entre le règlement de procédure et la loi organique, l’absence de protection des droits fondamentaux, la complexité de la procédure de recours…Au final, elle était parvenue à une conclusion sans appel : «Ces anomalies mettent en question l’intégrité du processus de consolidation des résultats et du résultat final de l’élection.» Comme une pierre dans la jardin de Marie-Madeleine Mborantsuo et ses pairs.

Au demeurant, l’action de la Cour constitutionnelle doit être analysée à l’aune d’événements générés par ses décisions les plus emblématiques : émeutes de février 94, explosion de violence à Port-Gentil en septembre 2009, usurpation des prérogatives présidentielles par un directeur de cabinet… Pour un travail de fond, ces éléments ne doivent pas être occultés. Bien au contraire. Tout au long de ce colloque, les participants devront avoir le courage de les regarder en face. S’ils espèrent contribuer à l’amélioration de l’Etat de droit ou des processus électoraux, ils devront tout mettre sur la table, se garder des lectures partisanes ou politiciennes et, retourner aux fondamentaux du droit. Autrement, ils se mentiraient à eux-mêmes.

 
GR
 

3 Commentaires

  1. Serge Makaya dit :

    Qu’en ont-ils à FOUTRE de nos récriminations ? A Ntare Nzame. Tant que cela va arranger la nébuleuse francafrique, ces gens resteront à leur poste.

    Je vous rappelle que les français ont voulus assassiner le Président de la Centrafrique. Ces gens, si vous n’êtes pas de leur côté, ils vous exécutent comme des chiens. Pitié.

  2. Yvette Ndong dit :

    30 ans de misère pour le peuple gabonais depuis la naissance de cette Cour de merdes instrumentalisés par la francafrique.

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